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MARTIN SUTER |
Allmen Et Les LibellulesAux éditions CHRISTIAN BOURGOISVisitez leur site |
1339Lectures depuisLe samedi 14 Mai 2011
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Une lecture de |
C’est en Suisse alémanique que vit l’aristocrate quadragénaire Johann Friedrich von Allmen. Du moins, ce dilettante cultivé héritier d’une grosse fortune, veut-il continuer à donner l’apparence de sa noble richesse. En réalité, ce collectionneur a déjà vendu tout ce qu’il avait acquis, tout ce qui avait une certaine valeur. Y compris sa demeure, la prestigieuse villa Schwarzacker, sauf la serre lui servant de bibliothèque et de refuge. Il occupe la maison du jardinier avec Carlos, son serviteur guatémaltèque. Ce dernier règle les questions d’intendance, malgré le manque de moyens financiers. Allmen vivote grâce à des traficotages. Il vole çà et là des objets d’art mineurs, qu’il revend à l’antiquaire local, Jack Tanner. Ce qui lui permet d’étaler ses dépenses, pas d’éponger ses dettes. Tel le grossier Döring, certains créanciers deviennent impatient, voire menaçants. Ancien étudiant de Charterhouse, dans le Surrey, Allmen y a appris l’art de ne pas se tracasser quand les dettes s’accumulent. Néanmoins, il sent approcher le seuil critique. Seul un miracle peut le sortir de l’ornière. Il se produit quand il fait la connaissance de Joëlle Hirt, dite Jojo, fille d’un financier âgé de la région. Très entreprenante, elle l’invite dans son lit. Mais c’est dans la pièce d’à côté qu’Allmen va trouver son bonheur. Il s’y cache un véritable trésor, dont cinq coupes Art nouveau, signées Émile Gallé. Des objets précieux, d’une valeur bien supérieure à ce qu’il dérobe d’ordinaire. La tentation est grande d’en voler une, en restant insoupçonnable. S’il quitte Joëlle Hirt sans prendre la coupe Gallé, Allmen va bientôt venir la récupérer discrètement. Non sans prendre de risques, car la conduite d’une voiture ne lui est pas familière. Même si l’antiquaire Jack Tanner ne lui offre qu’un trop faible prix, c’est suffisant pour qu’Allmen solde la plupart de ses dettes courantes. Ce qui lui permet de cultiver son image d’aisance généreuse. Et tant pis si Dörig doit se contenter d’un remboursement partiel. Pas certain que ce dernier soit encore patient, pour le reste de la somme. Allmen est toujours en contact avec Joëlle, le couple passant une fastueuse soirée dans un restaurant branché. Chez son amante, il constate que cinq coupes de Gallé se trouvent toujours dans la pièce secrète. Sa situation ne lui permettant pas d’y renoncer, Allmen s’arrange pour s’en emparer rapidement. Victime d’un tir sans conséquence dans sa bibliothèque, il confie son butin à Carlos, afin qu’il le cache. Cette fois, Allmen ne peut pas compter sur l’aide de l’antiquaire. Il va devoir enquêter sur les mystères autour des coupes… Ce personnage peut se réclamer d’Arsène Lupin autant que des héros de Tom Sharpe ou de P.G.Wodehouse. Toute comparaison est relative, puisqu’il possède ses propres caractéristiques. On lui pardonne bien des choses car, admirateur d’Elmore Leonard, “Allmen était un toxicomane de la lecture. Cela avait commencé dès ses premiers pas dans le livre. Il avait rapidement constaté que lire était la manière la plus simple, la plus efficace et la plus belle d’échapper à son environnement.” Et de garder ce flegme qui impressionne son entourage (dont M.Arnold, chauffeur de taxi attitré). Tenir son rang social en pratiquant de petits larcins, c’est déjà un exploit. Ayant l’occasion d’améliorer ses revenus, le voici donc plongé dans une affaire plus complexe. Soulignons aussi le sang-froid rassurant de son complice Carlos, semi-clandestin venu du Guatemala. Il s’agit ici de leur première aventure, délicieusement amorale et très divertissante. Pas de lourd contexte criminel, mais une narration toute en souplesse et en fluidité. Un véritable régal, savoureux à souhaits. On ne manquera pas de suivre les prochains épisodes des tribulations d’Allmen. |