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DOMINIQUE SYLVAIN |
VoxAux éditions J AI LU |
5546Lectures depuisLe mardi 7 Avril 2004
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Une lecture de |
Un tueur rôde dans la ville. Ses victimes : des femmes… l’arme du crime : une corde à violon… Il tue pour dérober la voix. Et comme une voix ne vaut que par ce qu’elle dit, il les oblige à énoncer d’étranges paroles qu’il enregistre. Une fois son forfait accompli, en guise de signature, il glisse au fond de la gorge de la victime l’enregistrement de l’agonie de sa précédente proie La police est sur les nerfs et ceci d’autant plus que la nouvelle cible du SK est Isabelle Castro, une star de Radio France. Alex Bruce, qui se voyait déjà contraint de collaborer avec un psy rebaptisé profileur, va maintenant devoir travailler avec Martine Levine ! Non pas qu’il déteste cette femme mais il désapprouve l’idée saugrenue de lui faire tenir le rôle de la chèvre Une fois de plus cette histoire « policière » est construite autour des exploits d’un SK, personnage qui fleurit dans bon nombre de polars. Ce n’est donc pas là que réside l’originalité de ce roman mais dans le talent dont fait preuve l’auteur pour renouveler le genre et nous entraîner, avec bonheur, sur les traces de son tueur. Son intrigue des plus violentes est à l’image de ses personnages : trouble à souhait. Leur chasse à l’homme prend souvent la forme d’une quête d’eux-mêmes, d’une tentative de se reconstruire, de renaître, au-delà des peurs et des traumatismes.
Isabelle Castro, une animatrice de radio, est la nouvelle victime du tueur en série nommé Vox, qui semble obsédé par la voix des femmes dont il met en scène la mort. En trois ans, il a assassiné onze victimes. C’est le commandant Alex Bruce, de la Criminelle, qui lui attribua son surnom. Depuis, à chaque meurtre, Vox défie le policier, qui s’interroge sur ses motivations. Bruce n’aime pas le méprisant psy Sagnac. Ce dernier propose qu’une femme policier serve d’appât : “La voix du capitaine [Martine] Lewine a été clairement identifiée comme susceptible de remuer notre tueur en série. Elle va donc s’exprimer à la télévision et à la radio pour devenir officiellement le porte-parole de la PJ face à une affaire qui passionne et terrorise l’opinion. Officieusement, elle va s’adresser à Vox. Elle va lui dire que nous acceptons de jouer…” Se joignant à l’équipe de Bruce, Martine Lewine montre un comportement tout en calme et en sobriété. Pourtant, ayant subi cinq ans plus tôt un traumatisant kidnapping, elle n’est probablement pas idéale pour le rôle qu’on attend d’elle. Sportive et tireuse d’élite, Martine réalise son rêve, car elle espérait être un jour intégrée à la Criminelle. Amant occasionnel de la défunte animatrice radio, Julien Kassidy est d’autant plus suspect qu’il est expert pour maquiller sa voix. Maïté Joigny, la productrice radio, apparaît plus névrosée que psychopathe. Quant au journaliste Fred Guedj, c’est un ami d’Alex Bruce. Ils vécurent avec la même femme, Tessa. Le policier le met sous surveillance, car les réactions de Fred s’avèrent inquiétantes lorsqu’il est en état d’ivresse. S’informant sur la cybernétique, Bruce comprend que Vox a été en partie influencé par un roman, histoire de la création d’une femme virtuelle. Alex Bruce soupçonne aussi Bertrand Delcourt, le steward qui est l’amant masochiste de Martine Lewine. D’autant que la nouvelle victime de Vox est une hôtesse de l’air. Revenue sur le lieu de son propre kidnapping, Martine pense qu’il existe un lieu avec les crimes actuels. Quand la jeune femme disparaît, on peut craindre qu’elle ait été carbonisée avec son amant dans une voiture. Ayant appris que Vox pouvait être un ancien bègue contrôlant sa voix, Bruce tient une piste sérieuse… Cerner correctement la psychologie d’un tueur en série, voilà ce qui rend crédible un suspense sur ce thème. Non seulement le portrait qui s’esquisse est réussi, mais Dominique Sylvain parvient à lui offrir une “présence” dans l’histoire. “Il la tua parce qu’il fallait bien en finir mais elle ne lui avait rien donné. Une dinde de bout en bout. Elle avait prononcé les paroles, mais la magie n’avait pas eu lieu. Il n’avait pas senti la membrane palpiter. L’entaille ne s’était pas ouverte sur le gouffre du temps… En serrant le cou, il avait eu le sentiment qu’il n’y arriverait pas. Que le puits était trop profond. Trop haut. Trop glissant. Sa mémoire lui avait alors rendu la voix de sa mère. Intacte pendant un bref instant. Gonflée des injures qu’elle prononçait en prenant soin d’articuler.” Les principaux enquêteurs aux vies tourmentées, Alex Bruce et Martine Lewine, sont aussi fort convaincants. La construction du récit, qui ne manque ni d’action ni de mystère, est aussi sinueuse que maîtrisée. On ne peut qu’apprécier cette intrigue. Un roman qui fut, à juste raison, récompensé par le Prix Sang d’Encre en 2000, au Festival de Vienne (Isère).
Si Franck Sinatra avait été surnommé The Voice pour sa voix charmeuse, le tueur de femmes qui sévit dans la capitale joue une autre partition.
Il a été surnommé ainsi par Alex Bruce, du célèbre 36 Quai des Orfèvres, pour des raisons bien précises. Vox a déjà trucidé une dizaine de femmes, toujours selon la même procédure. Après avoir dragué une jeune femme qui l’invite chez elle, il la tue en l’étranglant avec une corde de violoncelle, toujours la même. Il enregistre ses derniers mots, qu’il dicte et lui fait répéter, puis il glisse la cassette dans la gorge béante. Il arrose ensuite le corps d’huile, ou de savon liquide, afin que les techniciens de la police scientifique ne puissent récupérer des traces ou des empreintes. D’ailleurs aucun poil ou autre substance provenant du corps humain ne sont relevés. La dernière victime recensée est, était, une « Voix » de la radio. Isabelle Castro animait une émission culte, Les Nuits taboues, qui se terminait à minuit, et si les sujets abordés intéressaient les auditeurs, les amenant à téléphoner afin d’émettre leurs opinions ou leurs expériences personnelles, c’était surtout sa voix qui envoutait. Une voix entre celle de Jeanne Moreau et celle de Delphine Seyrig. Et la voix s’avère être l’un des éléments essentiels dans l’enquête que Mathieu Delmont, le patron de la Crim, a confiée à Alex Bruce et son adjoint et ami Victor Cheffert. D’après les scientifiques, mais cela s’entend à oreille nue, le timbre de voix de chacune des victimes est quasiment identique. Le point commun qui relie tous ces crimes, mais cela ne suffit pas pour identifier le coupable. Invité dans cette cacophonie orale, Sagnac, le psycho-criminologue, qui possède de grandes théories, ce qui n’avance guère les enquêteurs, mais comme il veut faire entendre sa voix, il faut bien faire avec. Et comme toujours, dans ce genre de crime, il faut qu’un journaliste fasse aussi entendre la sienne, de voix. Il s’agit de Fred Guedj, qui officie sur le petit écran, après avoir sévi sur les ondes radiophoniques. Entre Bruce et Guedj, c’est l’amitié qui prévaut, même si un contentieux existe entre les deux hommes. Un litige nommé Tessa, l’ancienne compagne de Bruce et que Fred s’était accaparé avant qu’elle aille voir ailleurs. C’est ça l’amitié, partager la même femme, même si le cœur en prend un coup ! Ne nous étendons pas sur un sujet propice à des conflits et suivons Bruce qui en sortant de l’appartement d’Isabelle Castro, les premiers relevés effectués, rentre se coucher. Il aperçoit non loin un jeune avec un bonnet sur la tête qui lui semble louche. Après une course poursuite mouvementée, il parvient à mettre la main sur le fuyard qui se nomme Julien Kassidy, comédien, doubleur de films, lecteur de textes à la radio et qui joue dans de petites émissions télévisées comme les Mercredi de Pikatchou. Il connaissait bien Isabelle Castro, et à l’en croire, il l’aimait même s’il a une copine. Qui a eu l’idée en premier ? Sagnac peut-être, qui s’occupe toujours de ce qui ne le regarde pas. Ou quelqu’un d’autre. Mais cette idée s’impose d’elle-même lorsque le résultat des écoutes des cassettes est analysé. Martine Lewine du commissariat du VIIIème pourrait servir d’appât. En effet elle possède une voix sensiblement identique aux défuntes, et en tant que porte parole de la Crim, à la radio et à la télévision, elle pourrait éventuellement attirer les oreilles du meurtrier et il ne suffirait plus qu’à la protéger d’une probable agression pour arrêter le coupable. Bien vu, bien entendu, sauf que tout est aléatoire, comme une émission en direct. Martine Lewine est un cas. Si Alex Bruce est un vieux loup solitaire, même si parfois une jeunette de dix-neuf ans le rejoint dans sa couche, Martine possède sa fracture personnelle. Cinq ans auparavant elle a eu maille à partir avec un individu qui l’a séquestrée dans une zone de la Plaine Saint-Denis. Elle a réussi à s’échapper et elle en garde des séquelles, physiques et psychiques. Publié en 2000 chez Viviane Hamy, ce texte n’a pas été retouché pour l’occasion (un bon point à Dominique Sylvain qui ne remodèle pas ce qu’elle a rédigé et en garde les petits défauts qui en font sa qualité) et le lecteur pourra ressentir une certaine nostalgie liée à une époque. Le lecteur, tout en s’intéressant à l’intrigue tournant autour d’un serial killer (un serial qui leurre ?), intrigue habilement construite, le lecteur entendra en toile de fond ces voix de la radio, voix qui envoûtent l’auditeur, lequel n’écoute plus forcément le sujet de l’émission, ni les interventions, mais se laisse porter par le charme vocal de la présentatrice. |
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