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MEHMET-MURAT SOMER |
Hécatombe Chez Les élues De DieuAux éditions 10/18Visitez leur site |
1278Lectures depuisLe jeudi 25 Fevrier 2010
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Une lecture de |
À Istanbul, Burçak est un brillant consultant en informatique. Mais sa seconde vie compte bien davantage pour lui. La nuit, très maquillé et vêtu des robes les plus excitantes, il est la patronne incontestée d’un club de travestis. Ce petit monde des “filles” horripile des puritains homophobes. Sur le site Internet de Burçak, un certain Cihad2000 vitupère quotidiennement contre leur perversité. Bien plus grave, le travesti Ceren, 23 ans, vient d’être retrouvé mort dans un immeuble à l’abandon, loin de son appartement. Puis c’est le jeune Gül, un très beau travesti de 17 ans, qui est découvert noyé dans une citerne dont nul ne se servait plus. Si la “voisine” de Ceren n’aide guère Burçak, son amie Gönül a bien connu Gül. C’est elle qui a repéré l’éphèbe à Rize, au bord de la Mer Noire, et l’a amené à Istambul, avant que Ceren s’associe avec Gül. On ne peut exclure une vengeance des ombrageux frères du jeune travesti. La médecin légiste n’a aucune intention d’aider Burçak, qui préfère s’informer auprès d’un policier qui fut un ami d’enfance. Pour l’informaticien, ni paranoïa ni coïncidence dans cette affaire. Le fait que les vrais prénoms des deux victimes étaient ceux de prophètes semble essentiel. Burçak identifie vite Cihad2000, auquel il rend visite. Ce gnome handicapé en fauteuil roulant, lui aussi expert en informatique, est un homo refoulé tendance sadomaso, mais sans doute pas un assassin. Pompon est la meilleure amie travestie de Burçak. Elle se prénomme en réalité Zacharie, nom de prophète. Il accepte de l’héberger chez lui, tant que persiste un danger. Grâce au toujours bien informé Hasan, Burçak apprend que d’autres morts de travestis ont été récemment recensées en Turquie. Leurs vrais prénoms étaient Moïse, Jonas, et le réfugié iranien Mahomet. Les “filles” étant inquiètes, il est préférable de fermer provisoirement le club de travestis. D’ailleurs, parmi la clientèle du club, Burçak a repéré quelqu’un d’inhabituel. Fils d’une riche famille de commerçants, Adem Yildiz n’appartient pas vraiment à leur cercle. Qu’il fréquente le violent Ahmet Kuyu, acteur déclinant, ne plaide pas en sa faveur. C’est sans doute Adem Yildiz qui, sur le site Internet de Burçak, se cache sous divers pseudos dérivés du prénom Adam. L’informaticien demande à son ami policier de faire pratiquer des tests ADN sur les victimes, mais ça prendra du temps. Une autre piste apparaît : la travestie Pompon a un grand admirateur, Fehmi Senyürek, employé par la riche famille Yildiz. En piratant l’ordinateur de Cihad2000, Burçak espère glaner des éléments sur le groupe financier Yildiz. Dans la station balnéaire de Borum, on compte une nouvelle victime parmi les travestis, un nommé David… Voilà un roman absolument enthousiasmant. L’univers des travestis en Turquie nous étant bien sûr inconnu, c’est le premier atout original de cette histoire. On nous présente ici des gens qui assument leur apparence et leur sexualité, image inattendue de ce pays certes laïc, mais empreint de religion. Pour le héros, la mixité est autant culturelle que sexuelle. Il admire des artistes turcs populaires, mais ses références sont bien plus universelles. L’autre qualité de ce suspense tient dans l’évolution du récit. Avançant par ses propres moyens, Burçak récolte des bribes d’indices auprès de ses amies, finissant par prendre quelques risques. C’est plus subtil qu’une enquête classique, puisqu’il va bientôt cerner un suspect principal contre lequel les preuves sont relatives. Les personnages de travestis, forcément caricaturaux, sont décrits avec une évidente tendresse. Les rapports ambigus entre Cihad2000 (Kemal est son prénom réel) et le héros sont aussi assez savoureux. Ce suspense mérite un sincère coup de cœur. |