|
|
MURIEL ET PATRICK SPENS |
La TraqueAux éditions LE CHERCHE-MIDIVisitez leur site |
1472Lectures depuisLe mercredi 3 Fevrier 2010
|
Une lecture de |
Paris, en 1942. Roger Fontenoy est inspecteur à la P.J. Issu de la bourgeoisie nationaliste, il est membre du PPF (Jacques Doriot est un ami de son père) dont il refuse la dérive raciste. Il considère communistes et anarchistes comme des ennemis. Durant la Guerre d’Espagne, Fontenoy combattit parmi les Phalangistes fascistes, contre les Républicains. Aujourd’hui, il remplit au mieux sa fonction, entre son adjoint Berthommieux qui est un modéré, et d’autres policiers trop zélés. À l’occasion d’une expo mondaine de propagande organisée par le Dr Eberhardt, Fontenoy retrouve un ami officier allemand. Walter von Seelendorff et lui furent du même bord en Espagne. Semblant avoir quelque chose à lui confier, l’officier donne rendez-vous au policier le lendemain. Walter von Seelendorff est abattu au cœur de Paris avant leurs retrouvailles. L’arme trouvée sur place est d’origine soviétique. Pour la Gestapo dirigée par le sinistre Knochen, c’est donc un attentat terroriste. Chargé de l’enquête, Fontenoy est loin de partager cet avis, car son ami arrivait juste à Paris, et était vêtu en civil. Et les armes sont trop rares pour les abandonner. Contacté par téléphone, Jacques Doriot émet les mêmes doutes. Fontenoy questionne le Dr Eberhardt, qui lui apprend que l’officier était un proche de Rudolf Hess. Plus qu’un assistant, car une relation père-fils existait entre eux. D’autant que le vrai père de Walter, fondateur d’un mouvement aryen, fit partie d’otages fusillés à Munich en 1919. Une perquisition au domicile de son ami n’apprend rien à Fontenoy. Mais le logeur de l’officier a un message à lui transmettre. Depuis le début des années 1930, von Seelendorff rassemblait de nombreux renseignements sur B.H. ou Bret Hamrut. Cet ancien comédien fut très actif dans les sphères anarchistes et communistes, dès la fin du premier conflit mondial. Il s’est arrangé pour que l’on perde sa trace, mais le protégé de Rudolf Hess poursuit sa mission. Fontenoy ne tarde pas à identifier l’assassin de son ami Walter, agissant pour des commanditaires. Il l’élimine, mais se voit obligé de fuir. Il trouve refuge à Morestel, en Isère, en zone non-occupée, chez les parents de son amie Suzy. Un message posthume de l’officier va le mener en Suisse, dans une banque de Zurich… Il s’agit d’un roman très intéressant, mais complexe. Sans doute est-ce logique, puisqu’il s’inscrit dans une époque compliquée. Dans la première partie du livre, sa construction apparaît un peu alambiquée. La période chaotique de la fin de la Première Guerre en Allemagne nous est quasiment inconnue, ce qui ne nous aide pas. Heureusement, la deuxième partie est plus aisée à lire, avec des récits parallèles. Le sentiment de complexité vient aussi du personnage “traqué”, B.H., qui joua de diverses identités. Il s’inspire de l’écrivain humaniste B.Traven (“Le trésor de la Sierra Madre”) qui dénonça la religion du profit, prônant le respect des individus. Un auteur qu’il serait bon de redécouvrir, assurément. Le policier Fontenoy symbolise toute l’ambiguïté du nationalisme exacerbé de ces années-là. Nourris de propagande malsaine ou simpliste, ces milieux ont participé aux massacres de la Guerre d’Espagne et soutenu Franco, tout en le méprisant. Opportunistes accaparant le pouvoir, ils crurent en une ère nouvelle, sous l’aile de l’Allemagne hitlérienne. Certains, tel Fontenoy, ne partageaient pas l’opinion anti-Juive du PPF, mais ne s’y opposaient pas. Lâcheté et compromission, attitudes habituelles de cette bourgeoisie mesquine. Ne voyons pas dans cette histoire de complaisance pronazie. Ce serait faux, car les deux “héros” représentent l’erreur, le mal et la mort. Même quand ils en prennent conscience, leur destin les entraîne sans rémission. Tout en soulignant ses aspects un peu ardus, c’est un suspense riche et dense, à découvrir. |