Comme le dit le héros – narrateur de ce roman : « les Français ont beau savoir que le cyclisme est pourri par le dopage, ils continuent de se presser sur le parcours du Tour de France… » Tout est dit dans une phrase : les raison de cette fiction, son ressort, et le silence qui l’entoure, malgré sa vérité criante. Transposez au foot, et voilà !Julian Milner est journaliste à « l’Equipe ». Euh, non pardon, au « Sport ». Il vient d’écrire une biographie de Zidane. Non, pardon, de Novella, où avais-je la tête. OK, accroche facile, mais même moi, qui ai pourtant le sport en horreur, j’ai été capable de faire ces supputations là. Peut-être cette répugnance profonde au sport spectacle, au sport opium du peuple, m’a-t-elle conduite à tenter des identifications rapides, trop rapides ? Reprenons sans ces perturbations : Julian Milner est journaliste au « Sport », quotidien sportif, dont les pages sont largement ouvertes aux annonceurs - sponsors. Il vient d’écrire la première biographie autorisée d’une star du foot, décédée trop tôt d’une crise cardiaque, peu après sa victoire au championnat du monde de football. Dix ans après la coupe, c’est le temps des bilans. Plan média, jolie gueule, docilité à sa rédaction, Julian est bien parti pour faire une belle carrière.Son livre, il l’a écrit à l’initiative de la direction du journal. Celle-ci approuve peu, par contre, la curiosité qui va le conduire à enquêter sur le suicide d’un autre de ces champions membres de la mythique équipe de foot. Pourquoi s’entêter ? Julian se souvient sans doute qu’il a été enfant et qu’il a cru à la grandeur des sportifs. D’interview en planque, de cassage de gueule en manipulation, Julian Milner va découvrir que l’argent, le dopage, la politique, la morale sportive… sont des ingrédients dont le mélange a pour résultat une potion amère. Il pénètre le rôle trouble des agents, hommes de l’ombre dans les mains desquels tout passe, jusqu’à l’intimité des joueurs qu’ils vendent au marché des esclaves.Ludo Sterman s’est fatigué. Ses personnages sont crédibles et attachants. On sent qu’il a mis dans ces lignes un véritable amour pour le sport en tant qu’élan, partagé parfois par toute une nation. « Et si le formidable attrait du sport témoignait d’une résurgence du sacré dans nos sociétés » ?Le lecteur le suit bien volontiers. La trame est serrée assez pour confectionner un tissu solide, ses personnages sont aussi d’une belle étoffe. On y croit, on comprend, on compatit. On peut ne pas adorer l’écriture journalistique, on sort néanmoins de cette lecture avec un rictus désabusé. « Tous pourris ? »C’est souvent ainsi quand on vous impose la vérité. Il n’y a guère de justice au mondeIl ne suffit pas d’écrire la vérité, de se documenter, de bâtir une intrigue serrée. Il faut, pour que cette fiction vraie soit écoutée, que le public soit prêt à l’entendre. Et qui a envie de s’entendre dire que son rêve n’est que pacotille, poudre aux yeux, faux-semblants ?Le Tour de France vient de s’achever. On sortait à peine de l’Euro. On plonge dans les JO. « On » ? Le pékin moyen, même pas forcément fan absolu de sport ne pourra ni ouvrir un journal, ni allumer une radio, encore moins une télé, sans subir un déluge de performances, d’interview, de déballage experts dénués de tout sens….Les rédactions relatent les enquêtes, les pots belges et autres injection d’ozone. Rien ne change. Il ne suffit pas de rappeler sans cesse la vérité. Les rédactions pensent-elles que le public n’est pas assez mûr pour entendre, au moment de la performance, que celle-ci est artificielle ? Les sponsors les ont-ils gentiment convaincus que ça ne se fait pas ? Ludo Sterman l’explique à merveille. Cette vilaine vérité grise qui tuerait le rêve ne fait ne fait pas vendre de papier, ni d’équipement. Reparlons une seconde des JO ? Combien de millions d’euros pour la cérémonie d’ouverture ? Combien de chaines pour la retransmettre dans le monde entier ?J’ai peur, cher Ludo Sterman, que la vérité n’ait aucun poids devant tout ça. Je vous ai lu, vous avez prêché une convertie, à nous deux, cela ne fera rien changer…Lisez « Dernier Shoot pour l’Enfer » si vous vous prétendez adepte de la vérité. Si vous ne voulez pas être manipulé à votre insu. Et si vous êtes amateur de bonne intrigue aussi. Cela fait tout un tas de bonnes raisons…
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