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ROMAIN SLOCOMBE |
Monsieur Le CommandantAux éditions NIL EDITIONSVisitez leur site |
2859Lectures depuisLe jeudi 8 Septembre 2011
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Une lecture de |
L’écrivain Paul-Jean Husson a été élu à l’Académie Française en 1933, année de la prise de pouvoir d’Hitler. Voilà déjà quelques années qu’il est partisan d’un rapprochement entre la France et l’Allemagne. Pour Husson comme pour Charles Maurras, la Nation française est gangrenée par les juifs, protestants, métèques et francs-maçons. Ils sont responsables de la dégradation du pays. Sous l’égide de leur Chancelier, les Allemands ont pris les bonnes mesures pour écarter ces profiteurs. Quand son fils Olivier, musicien de l’Orchestre symphonique de Paris, épouse une jeune comédienne Allemande en 1934, Husson n’y voit aucun mal. D’autant qu’il avoue intimement son attirance pour la séduisante Ilse Wolffsohn. Une belle Allemande, rien de comparable avec la horde des étrangers apatrides et malsains qui, ces dernières années, ont fait de la France un dépotoir. Husson va traverser deux graves épreuves. Après la noyade de sa fille Jeanne, c’est son épouse qui est atteinte d’une tumeur. Une longue hospitalisation ne permettra pas de sauver Mme Husson. S’il a hésité, l’Académicien finit par se montrer affectueux avec sa petite-fille Hermione. Pourtant, le physique de cette enfant lui parait assez typé. Husson s’adresse à une agence de détectives, fin 1938, afin qu’on enquête en Allemagne sur la famille Wolffsohn. Le rapport s’avère explicite : il s’agit bien de juifs, les parents semblant avoir quitté depuis peu l’Europe pour la Palestine. Même s’il garde une haine profonde envers tous les juifs, Husson est plus modéré dans le cas de sa belle-fille, dont il est toujours secrètement amoureux : “Concernant Ilse, on ne pouvait la tenir responsable de la famille où le hasard l’avait fait naître…” Géométrie variable des convictions ! Au printemps 1940, l’invasion des troupes allemandes n’épargne pas la sous-préfecture de l’Eure où habite Husson. Embarquant Ilse et Hermione dans son automobile, l’Académicien participe à l’Exode. Un hasard le fait côtoyer Man Ray, photographe célèbre qui ne partage pas les idées d’Husson. Le maréchal Pétain ayant fait don de sa personne à la France, il est temps de rentrer à Paris, puis dans l’Eure. Husson récupère bien vite sa maison et, comme beaucoup d’autres écrivains de son temps, se montre un collabo zélé. Contrairement à son fils, qui ne tarde pas à rejoindre Londres, tandis qu’Ilse accouche d’un second enfant. L’Académicien trouve bientôt l’occasion de se rapprocher de sa belle-fille, et fait en sorte qu’on n’enquête pas sur les origines de celle-ci. L’époque des lois anti-juifs, de l’étoile jaune et autres interdictions, est loin de déplaire à Husson. Il ne se prive pas de dénoncer dans un article le seul juif connu dans sa commune. Si sa fidélité au maréchal Pétain ne faisait déjà aucun doute, il en donne des gages sous prétexte de protéger Ilse. Husson va découvrir, sans vraiment comprendre, que des gibiers de potence profitent sans vergogne de la situation troublée… C’est à travers une longue confession, une lettre détaillée, que Paul-Jean Husson retrace les épisodes de sa complexe vie familiale, sans omettre de les situer dans l’époque. En 1942, cet académicien sexagénaire, ancien combattant médaillé de 14-18 , est aveuglé par sa violente détestation des étrangers. Il ne mesure nullement l’abjection d’un tel comportement. Il s’illusionne avec aisance sur le renvoi vers l’Est, en Allemagne ou ailleurs, des indésirables sur le sol français. Il adopte la politique de Collaboration que, dès avant la guerre, il appelait de ses vœux. Sa haute idée de la Nation ne l’empêche pas de mépriser la population française, trop encline à admirer le bolchevisme. Il fait fièrement partie des propagandistes qui, se trompant eux-mêmes à cause d’idéologies passéistes ou fallacieuses, ont berné leurs compatriotes. C’est un remarquable portrait que dessine Romain Slocombe dans ce roman. Égoïsme, supériorité affichée et intérêt politique font de son personnage un véritable monstre. Certes, il s’agit d’une fiction, mais basée sur une complète documentation, sur la réalité de ce temps-là. Tous les détails sonnent juste dans ce passionnant et terrible récit. D’une grande noirceur, car c’est l’odeur de mort qui plane sur ce roman. |
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