La mort n’a pas d’amis de Gilles SCHLESSER


La Mort N’a Pas D’amis SCHLESSER238

GILLES SCHLESSER

La Mort N’a Pas D’amis


Aux éditions PARIGRAMME (NOIR 7.5)

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Lectures depuis
Le jeudi 7 Mars 2013

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Gilles SCHLESSER




Une lecture de
CLAUDE LE NOCHER

CLAUDE LE NOCHER  

Paris, décembre 1924. La jeune Camille Baulay est spécialiste des faits divers au Petit Journal. Cette journaliste ambitieuse et perspicace signe Oxy B. Son amante Blanche est l’épouse du député Théodore Dieuleveult, réactionnaire cachant mal son envie de devenir Ministre de l’Intérieur. La belle Camille ne dédaigne pas non plus l’amour avec les hommes. Mais pas ceux de son cercle d’amis huppés, ni son collègue Henri chargé de la publicité au journal. Blessé de guerre muni d’un pilon, ce dernier garde le sens de l’humour. La relation de Camille avec le commissaire Louis Gardel est autant filiale que professionnelle. Écoeuré par la récente guerre, “aujourd’hui les meurtres civils qui constituent son ordinaire lui paraissent bien fade à côté du carnage à grande échelle.” C’est grâce à lui que Camille obtient souvent l’exclusivité sur les meurtres dont il doit s’occuper.

Un meurtre est découvert rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie, dans le Marais. La mise en scène apparaît singulière, comme s’inspirant du légendaire Fantômas. En réalité, Camille comprend bientôt que la référence est autre. C’est un tableau de Max Ernst, Au rendez-vous des amis, que suggère ce crime. Si Gardel collecte peu d’indices, Camille s’interroge sur ce mouvement Surréaliste qui commence à faire parler de lui. À Vaugirard, c’est l’artiste Dédé Sunbeam, sympathisant du groupe créé par André Breton, qui est le mieux capable de la renseigner. Lui aussi fait référence à Fantômas. Camille rencontre chez lui, à Eaubonne, l’écrivain Paul Eluard, ami de Max Ernst. Elle est encore loin de cerner l’esprit des Surréalistes, rejetant le conformisme, ne semblant pas opposés à l’idée criminelle.

C’est une femme, bourgeoise épouse d’un colonel, qui est la deuxième victime de ces crimes surréalistes. Par rapport au tableau de Max Ernst, elle symbolise Gala Eluard. Si Théodore Dieuleveult considère le mouvement d’André Breton comme politiquement dangereux, le publicitaire Henri a sa propre définition : “L’erreur serait de considérer le crime comme un rébus, dont il faudrait découvrir la clé. Il n’y a pas de rébus, il n’y a pas de clé. Le crime est là, sa seule raison est d’exister.” Le commissaire Gardel a interrogé quelques-uns des Surréalistes. Dont André Breton et Louis Aragon, dont la rivalité ironique est affichée. C’est à Montparnasse que Camille fait la connaissance de Robert Desnos. Il est lucide sur les inimitiés que s’attire Breton, en particulier de leur ami homo René Crevel, en marge du groupe. Ce dernier ferait un vague suspect.

Tandis que Desnos, adepte de l’hypnose aux images morbides, devient l’amant de Camille, un voyou est retrouvé assassiné rue de la Roquette, devant la prison. Troisième victime. Louis Gardel va finalement être écarté de l’affaire, au profit d’un incompétent. La police soupçonnera trop aisément deux activistes “Allemands”. Comme l’avait prévu Camille, il y a une quatrième victime, une femme. Un crime différent, peut-être. Le stylomine de la journaliste a été placé près du cadavre. En effet, Camille a de bonne raison de se sentir visée, cette fois. Son entourage aussi ? Elle ne peut se contenter de la formule de Robert Desnos : “L’écriture automatique est une écriture sans sujet. Pourquoi un crime surréaliste ne serait-il pas un crime sans auteur ?”…

Pour qu’il s’agisse d’un authentique polar historique, étaler son érudition sur une époque est insuffisant. Un véritable roman d’enquête s’appuie sur le mystère, les indices, les suspicions et les péripéties. On avait déjà pu vérifier avec “Mortelles voyelles” (2010) que Gilles Schlesser maîtrise avec habileté les intrigues riches en suspense. Il le confirme grâce à cette histoire ou plane l’ombre de Fantômas, le génie du Mal créé par Souvestre et Allain. Il reconstitue à merveille le monde intellectuel de cette période, ici entre décembre 1924 et mai 1925. On va croiser, côtoyer, André Breton et les Surréalistes, y compris Jacques Prévert, et on citera le jeune Queneau. On fréquente également la bourgeoisie, autour d’un député aux certitudes ridicules. On n’oublie pas les séquelles de la Grande Guerre qui reste dans les esprits, et dans la chair d’hommes tels que Gardel ou Henri. Pour certains tel Dédé Sunbeam, quelques meurtres “à côté des vingt millions de morts de la guerre, c’est vraiment du pipi de chat de gouttière”. Certes, on se perd un peu dans le feu d’artifice d’hypothèses imaginées par Camille. On comprend que l’ambiance d’alors s’y prête, dans ce Paris si pétillant, peuplé de personnages fort originaux, où s’installe la modernité (les voitures à chevaux s’y font rares). Un séduisant suspense historique, de très belle qualité.

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Une autre lecture du

La Mort N’a Pas D’amis

de
PAUL MAUGENDRE

PAUL MAUGENDRE

Lorsque le commissaire Louis Gardel, du 36 Quai des Orfèvres, réveille par téléphone Camille, jeune journaliste au Petit Journal, celle-ci est langoureusement couchée avec son amie Blanche. Elle émerge d’un cauchemar surréaliste : un homme range son fusil parmi des parapluies, prend sa tête à deux mains et la pose sur une commode. Il suffit que Gardel lui annonce qu’un beau crime vient d’être découvert rue Sainte-Croix de la Bretonnerie pour qu’elle s’apprête immédiatement. Effectivement la mise en scène est alléchante : un homme, poignardé par ce qu’il semble être un stylet, tenant dans une main un couteau, dans l’autre une moitié de pomme découpée en croix, adossé contre le mur du bar Le Rendez-vous des Amis, portant une cape rouge cousue sur son veston, ainsi que des souliers vernis, trop grand pour lui. Le meurtre a été perpétré ailleurs et le cadavre a été transporté. L’image d’un assassinat à la Fantômas se glisse immédiatement à l’esprit de Camille Baulay, dite Oxy, pour oxymore en référence à son nom.

Quelques jours plus, le 5 décembre 1924 exactement, Camille assiste à une réception donnée par Théodore Dieuleveult, récemment élu à la Chambre des députés et cultivant l’espoir non secret d’accéder à un ministère, de préférence celui siégeant Place Beauvau. Théodore est l’époux de Blanche, qui ne sait pas que celle-ci aime et couche avec Camille. Assistent également à cette petite fête, Hortense de La Rochefoucauld, leur amie commune, Edouard de Fontanges, frère d’Hortense et journaliste littéraire au Comœdia illustré, plus quelques autres personnalités en vue. Edouard entraîne à l’écart Camille afin de lui faire part d’une idée qui lui est venue en lisant son article.

Selon lui une impression de déjà vu, le souvenir d’un tableau qu’il a admiré au précédent Salon des indépendants, un tableau de Max Ernst intitulé Au rendez-vous des amis. Or sur cette œuvre figurent quelques éléments qui ont imagé le meurtre de l’inconnu. Le lieu même, référence au titre du tableau, une pomme et un petit couteau ainsi qu’un personnage portant une cape rouge. Edouard apporte quelques renseignements supplémentaires sur l’origine de cette toile représentant les amis d’André Breton, le chef de file du groupe surréaliste. Camille qui n’est pas journaliste pour rien désire en connaitre un peu sur ce mouvement littéraire assez violent qui prône une révolution totale. Outre Breton, Aragon, de nombreux artistes en devenir comme les peintres Chirico et Picabia composent cette fratrie artistique marginale. Et afin que Camille puisse se faire une opinion complète il lui propose de lui envoyer quelques exemplaires de l’ancienne revue Littérature ainsi que le Manifeste rédigé par Breton. En compulsant ce manifeste, Camille trouve parmi les noms cités, outre ceux déjà mentionnés, ceux de René Crevel, Robert Desnos, Paul Eluard, Michel Leiris, Benjamin Perret, Philippe Soupault, en tout une vingtaine, mais surtout celui de Dédé Sunbeam qu’elle a déjà eu l’occasion de rencontrer.

Il lui faut rencontrer ce jeune homme au regard inquiétant, aux sourcils charbonneux et à la voix râpeuse. Aussitôt elle s’enquiert du domicile du dit artiste, lequel vit dans le quartier des abattoirs hippophagiques de Vaugirard, dans un atelier niché au fin fond d’une cour. D’après Dédé le tableau est chez Paul Eluard près de Montmorency, Max Ernst vivant chez Eluard tout en étant l’amant de Gala la compagne du poète. Doit-on en déduire que les Surréalistes étaient partageurs ? Mais ceci ne nous regarde pas !

Que fait pendant ce temps Louis Gardel ? Il ne s’adonne sûrement pas au tango comme son presque homonyme Carlos, mais lit l’article de Camille, lui reconnaissant un certain talent, pour ne pas écrire un talent certain, tout en réfléchissant sur les événements déroulés depuis peu. Son enquête l’accapare, et cherche à comprendre un point de détail découvert à l’autopsie et qui n’a pas été ébruité. L’homme avait le sexe peint en noir. Et il ne s’agit pas d’un bizutage. Reste à découvrir l’identité du cadavre.

Seulement d’autres cadavres viennent peu à peu compléter la panoplie du tableau de chasse d’un tueur qui n’est pas encore considéré comme un tueur en série. Une femme puis un homme, dont les identités seront peu à peu retrouvées mais qu’aucun point commun semble rattacher. Seules les références au tableau de Max Ernst pourraient éventuellement les lier, et de là à penser que les amis d’André Breton, ou Breton lui-même, seraient à l’origine de ces meurtres pour le moins originaux, il n’a qu’un pas à franchir. Camille est introduite (en tout bien tout honneur, quoi que si elle aime les femmes, les hommes ne l’indifférent pas non plus) dans ce cénacle et est même adoptée.

Si Gardel possède en Bartholet un adjoint efficace, Camille détient en Henri Lenoir, spécialiste de la rédaction des réclames dans le même journal qu’elle, un complice, amoureux déclaré, farceur invétéré qui aime poser sur les banquettes des cafés le pilon, peint en diverses couleurs selon les circonstances, qui remplace sa jambe perdue lors de la Grande Guerre.

Seule manque dans ce roman la figure de Léo Malet puisque celui-ci ne rejoignit le mouvement surréaliste qu’en 1930. C’est dommage ! Mais Gilles Schlesser met en scène tous ces protagonistes avec verve, soulevant les antagonismes entre ces artistes qui s’aimaient ou se détestaient cordialement, et fait revivre une époque révolue. Fort peu courtois et totalement iconoclastes, jouant les trublions et manquant de respect envers les anciens comme Anatole France, ou les nouveaux qui ne sont pas de leur bord, comme Jean Cocteau, cette confrérie se lézarde parfois, Breton agissant comme un petit dictateur, les autres n’acceptant pas toujours son autorité. D’où des conflits larvés. Ils sont même sectaires en certaines occasions, vouant aux gémonies les homosexuels, entre autres. Pourtant René Crevel qui est pédéraste fait partie de cette communauté composée de bric et de broc. Robert Desnos pratique le rêve éveillé, d’autres hantent les boites de Montparnasse, au grand dam de Breton et de son dauphin Antonin Arthaud.

Cette enquête menée par Gardel, et par Camille malgré l’injonction du commissaire de ne pas s’immiscer dans les affaires de la police, est particulièrement réjouissante presque à la recherche du temps perdu. Le personnage de Camille est particulièrement réjouissant, ne s’embarrassant pas d’interdits, de tabous, vivant en femme libre et consciente de son charme, de sa valeur, mais toutefois se méprenant sur l’attitude de Gardel.

Un livre hautement recommandable pour son érudition débonnaire, pour la reconstitution jouissive d’une époque et d’une petite frange de la société parisienne, un parcours dans un microcosme qui réunit toutes les facettes des mauvais côtés de l’être humain mais également de ses qualités.

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