|
|
ANNE RAMBACH |
RavagesAux éditions RIVAGES/ THRILLER |
2163Lectures depuisLe vendredi 19 Janvier 2013
|
Une lecture de |
Diane Harpmann est une journaliste pigiste parisienne. Elle traite à la demande de sujets légers, sûrement pour gommer des épisodes douloureux de sa vie. Elle a en ce moment pour amant Pascal, sérieux journaliste de LCI, mais habite seule avec une pieuvre d’aquarium. Elsa, sa meilleure amie, est une pro du reportage pour Le Parisien. Cette dernière téléphone d’abord à Diane, quand elle découvre le suicide de leur collègue Dominique André. Journaliste d’investigation, il enquêtait en toute indépendance sur des dossiers sensibles. Une lettre posée près du corps indique sa lassitude par rapport à son métier. Selon Elsa, ça ne suffit nullement à expliquer un suicide. Si le policier Nakache est mécontent que les deux femmes n’aient pas immédiatement donné l’alerte, il n’est pas hostile envers elle. On en restera à la thèse du suicide, mais il admet que ça peut cacher autre chose. Richard Jaucourt, l’éditeur de Dominique André, accepte de financer une enquête en profondeur. Ces derniers temps, le journaliste s’informait sur l’amiante. Ce produit n’est interdit que depuis quelques années, après avoir probablement été cause de multiples décès. Diane parvient à rencontrer la juge d’instruction Janine Wadrawane, qui traite les plaintes liées à l’amiante. Après les attentats mortels ayant éliminé deux collègues italiens et leurs proches, la juge est provisoirement sous haute protection. S’agissant d’un dossier en cours, elle ne peut guère en dire à Diane. D’autant que l’amiante n’a pas causé de crimes directs permettant de traquer un coupable, et que les responsables n’ont pas de remords. Diane et Elsa se rendent à Condé-sur-Noireau, en Normandie, afin de questionner les témoins vus par Dominique André. Il y eut là-bas plusieurs sites de production d’amiante. Les effets sur la santé des ouvriers, hommes et femmes, ont été catastrophiques. Décès prématurés ou à plus long terme, l’amiante ronge ceux qui l’ont respirée. En 1976, un houleux débat organisé dans la région aurait dû servir de mise en garde. Par leur silence complice, les médecins du travail ne sont pas exempts de véritable fautes. Ils ont rassuré le personnel, colporté les infos mensongères de la direction de Ferodo et autres sociétés, nié un quelconque danger. On ne peut pas dire que la presse de l’époque ait dénoncé ce scandale, non plus. Ni Diane, ni le policier Nakache, ne peuvent croire au hasard quand Elsa est victime d’un grave accident. L’aïkido avec Maître Zorn ne suffit pas à faire baisser la pression pour Diane, qui n’écoute guère les conseils de prudence de son ami homo Abdel. C’est à Londres qu’elle pourrait retrouver la piste d’un médecin, qui refusa autrefois de collaborer avec le lobby de l’amiante… Après “Bombyx” et “Parfum d‘enfer”, cette troisième enquête de Diane Harpmann est en priorité à considérer comme un noir suspense. Péripéties, meurtres et actes criminels, le parcours est mouvementé jusqu’au bout pour s’approcher des vérités de cette affaire. Malgré quelques relatives pauses dédiées au céphalopode Arthur, à l’aïkido, ou à son amant, Diane est une héroïne qui ne renonce jamais, même dans un cas aussi difficile que celui-ci. “Plusieurs fois dans ma vie, j‘ai laissé des morts derrière moi. Je sais que tout le monde pense que j‘ai eu de la chance. Mais survivre est amer quand on porte le souvenir de ceux qui sont morts…” Cette fois encore, Diane va être largement cernée par la mort, à tous points de vue. Outre l’aspect polar, cette histoire est parfaitement documentée sur l’amiante, et les conséquences pour la santé que ce produit nocif entraîna si longtemps. C’est un euphémisme de rappeler que l’industrie n’a jamais été vertueuse. Cynisme des dirigeants ou autoprotection de ces entreprises par leurs puissants lobbies, postes assurés pour les médecins coopérant avec les affirmations erronées des groupes, et comme toujours énormes enjeux financiers, autant de mauvaises raisons pour taire les dangers de l’amiante. Quelle est la place des juges, facilement accusés de vouloir nuire aux décideurs économiques ? C‘est aussi une question abordée ici. Petit coup de griffe, également, envers la presse et les médias complaisants avec tous les pouvoirs. Un roman riche en thèmes de réflexions, autant qu’un sombre polar servi par une narration fluide. |
Autres titres de |