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SEBASTIEN RUTES |
Mélancolie Des CorbeauxAux éditions ACTES N OIRS |
674Lectures depuisLe vendredi 14 Octobre 2011
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Une lecture de |
Karka est un corbeau freux parisien vivant dans le Parc Montsouris. Il habite au dernier étage de son arbre, un févier d’Amérique, cherchant peu de contact avec les oiseaux des alentours. Les seuls échos du monde extérieur lui sont rapportés par ses amies les mouettes voyageuses. Karka apprécie en particulier l’esprit d’aventure de la jeune mouette Iaha, la nièce de la caractérielle Ierk. Si son espèce est plutôt grégaire, le vieux corbeau préfère aujourd’hui sa solitude. Il fut autrefois un véritable bourlingueur, vie trépidante qu’il regrette. Une blessure à l’aile, qui le fait encore souffrir, l’obligea finalement à s’installer à Paris: “Jusqu’à mon accident, je n’y venais que rarement. Mes migrations occasionnelles ne survolaient pas la capitale, et ce n’était qu’à l’appel de Krarok que je quittais l’abri des futaies alpines.” Logeant dans la charpente de Notre-Dame, Krarok est le maître du Conseil des animaux de Paris. Karka et lui sont amis de longue date. Karka s’est éloigné de cette assemblée, non seulement à cause de sa blessure, mais sans doute car il n’a guère de sympathie pour le Grand Duc Bubo. Des faits inquiétants se déroulant depuis peu au Bois de Boulogne, Krarok charge son ami d’une mission. On signale la disparition de bêtes, sans que l’on retrouve les corps. On soupçonne des lions d’avoir pris possession du Bois. Ce qui, bien sûr, ne correspond à aucune répartition des zones animalières parisiennes prévues par le Conseil. Pour éclaircir l’affaire, les vieilles méthodes de Karka seront probablement les plus efficaces. Il commence par interroger Léon, le vieux lion emprisonné au Jardin des Plantes. Karka apprend ainsi la disparition suspecte de Pfurr, le chat du gardien. Il existe certainement un lien avec l’affaire des lions. Entre la jeune corneille mantelée qui s’est installée en voisine, et la tourterelle émissaire du Conseil qui ne manque pas d’aplomb, Karka se sent flatté que de belles oiselles s’intéressent à lui. Tandis qu’il enquête sur le cas de Pfurr dans un refuge SPA, où tant de chats sont encagés, Karka libère un toucan enfermé. Ce Jérémie ne tarde pas à le rejoindre au Parc Montsouris. “… il y avait trop de félidés dans cette affaire de fauves. C’était du côté des chats qu’il me fallait enquêter” conclut Karka après ses premières investigations. Toutefois, la fréquentation des siamois n’est pas sans danger même s’ils nient être impliqués. Il y aurait encore la piste plus hasardeuse d’un cirque, dont les animaux se seraient échappés. L’hiver arrivant sur Paris, l’enquête de Karka s’enlise dans le silence et le froid. Néanmoins, les sourdes tensions qui règnent entre animaux vont pousser le corbeaux chevronné à réagir… La palme de l’originalité est décernée à l’unanimité au roman de Sébastien Rutès “Mélancolie des corbeaux”. Dans tous les polars, on croise fatalement de drôles d’oiseaux, quelques trop crédules pigeons, plus souvent des rapaces que des blanches colombes. Les détectives y laissent souvent des plumes, tandis que des volatiles appelés poulets n’ont pas toujours le beau rôle. D’habitude, le corbeau est celui qui expédie des dénonciations anonymes. La noirceur de son plumage, ses croassements narquois, et son goût des déchets parfois sanglants, en font un oiseau patibulaire, sinon morbide autant que néfaste. Il était temps de réhabiliter l’image trop sinistre du corbeau. Au nom de ces bêtes à plumes, remercions Sébastien Rutès. Conte animalier polardeux ? Oser l’inventivité, tenter la différence, voilà une expérience trop rare chez la plupart des auteurs. Qu’importe de classer ce livre parmi les romans noirs, les œuvres hors normes ou autres catégories formatées. Ne ghettoïsons pas, n’imposons pas de frontières, évitons les étiquettes. Applaudissons quand un romancier imagine une intrigue excentrique, inspirée. Soyons curieux des formes singulières, de ce décalage qu’on nous propose ici. |
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