Quand deux alibis valent mieux qu’un. Il est évident que chaque lecteur de revues possède ses petites manies. Personnellement je sacrifie à un rite immuable : je débute toujours par la chronique des livres. N’étant pas bédéphile ni vidéophile, ce ne sont que les notules concernant les romans, adultes et juvéniles, qui m’intéressent le plus. Qu’ai-je loupé, qu’aurai-je dû lire, suis-je d’accord avec les chroniqueurs sur ce que j’ai lu, aimé ou pas, c’est mon premier réflexe. Ensuite je me suis intéressé à la panoplie adéquate et indispensable à tout détective privé digne de ce nom. Puis j’ai entamé le compte à rebours des pages, d’abord l’entretien accordé par James Ellroy. Cet entretien est révélateur de l’homme. Quelle est la part d’arrogance, celle de sincérité, de provocation dans ses propos, dans ses réponses, tout reste flou. Il revendique son appartenance à la droite, réclame le retour de Reagan, écrit ses romans avec une documentation abondante collectée par sa secrétaire et une équipe de chercheurs qui lui fournissent documentation et coupures de journaux, ne lit pas, ne regarde pas la télévision, ne s’intéresse pas aux informations, mais surtout il refuse de voir la réalité sociale en face. « Je n’aime pas la pauvreté et je ne veux pas voir le tiers-monde ». Beaucoup d’êtres humains réagissent comme lui, personne n’aime la pauvreté, mais beaucoup essaient soit d’aider par la charité, soit en participant à des œuvres caritatives. « Je ne passe que dans les beaux quartiers et je préfère faire un détour plutôt que de me retrouver dans un endroit que je ne veux pas voir. Il est hors de question pour moi de me retrouver dans une rue où je pourrais croiser la misère sociale, les bas-fonds d’une ville ou les endroits les plus glauques. Ici à Paris, vous ne me ferez pas mettre les pieds à Pigalle par exemple ». Dommage, Pigalle c’est beau, clinquant, animé et ce n’est pas considéré par les tour-operators comme l’un des bas-fonds parisiens. Et bien sûr Ellroy revient sur ses fantasmes récurrents, la mort de sa mère, ses livres, sa façon de travailler. Il avoue qu’ American Death Trip est « trop long, trop complexe et trop difficile à lire à cause du style direct, de phrases qui n’en sont pas et des successions d’onomatopées qui s’enchainent sans que le lecteur puisse reprendre son souffle ». Et s’il déteste le rock, il apprécie Beethoven. Puis je suis allé du côté d’Harlan Coben, qui contrairement à Ellroy n’écrit pas pour chasser ses cauchemars, mais pour communiquer et être lu. Ensuite petit voyage à Oslo entre Ombres et Lumières en compagnie de Jo Nesbø, dont le dernier roman Le Léopard vient d’être édité à la Série Noire, le tout agrémenté de très belles photos. Ensuite retour au début de la revue avec ce que l’on pourrait appeler les brèves. L’anthropométrie, l’œil du photographe sur quelques personnalités littéraire du moment, des infos, parfois amusantes comme celle de l’application Stop pervenche destinée à prévenir les automobilistes qu’une Pervenche est dans le quartier à la recherche de véhicules en infraction. Parole est donnée à Christophe Alévêque, le trublion des planches et Najat Belkacem, secrétaire nationale en charge des questions de société au parti socialiste, qui a trouvé quel rôle pourrait endosser Nicolas Sarkozy dans un roman policier. Ensuite la parole est donnée à six experts qui s’expriment sur des sujets divers. Décidemment je ne reconnais pas notre ami Claude Mesplède sur le dessin qui lui est consacré, mais l’important c’est son texte qui s’articule autour d’Ed McBain. Ingrid Desjours, Marie Colmant Anne Martinetti et sa roborative chronique culinaire, Eric Halphen et le philosophe Michel Eltchaninoff qui tire sur le Taser, complètent cette rubrique. Ensuite le dossier, conséquent sur Crimes à la Une. Un petit historique sur la revue Détective, aujourd’hui le Nouveau Détective, le traitement des faits-divers à la télé, un articulet sur le chroniqueur judiciaire Paul Lefèvre, et Dominique Lemarié, dessinatrice judiciaire qui a suivi de nombreux procès dont ceux de Barbie, Papon et l’affaire des bébés congelés. Un court passage avec trois journalistes écrivains dont Patrick Bard, puis direction le Mexique avec un reportage sur les narcotrafiquants. Sans oublier la reconstitution du casse du siècle à Nice, casse dont l’auteur n’est pas forcément celui qui a été accusé. Et plein d’autres belles et bonnes choses à se mettre sous les yeux dont l’article consacré à Céline Nicloux, mi scientifique mi flic, une Expert à la française. Je pourrais parler encore longtemps de ce numéro 2 d’Alibi, qui oscille entre Détective, Ça m’intéresse, Historia et autres revues, mais je pense que le mieux est encore de vous le procurer. 15€ dans toutes les bonnes libraires.
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