Qu’est-ce qu’un Kadogo ? La signification de ce titre énigmatique trottinait dans ma tête jusqu’à ce que, enfin, la solution m’apparût au détour d’une page. Un kadogo, c’est une petite chose, une chose sans importance en swahili. C’est le nom donné aux enfants soldats en Afrique subsaharienne. Dès lors je pouvais poursuivre ma lecture en toute sérénité. Une lecture normale, qui débute au premier mot à gauche de la première page jusqu’au dernier mot à droite de la dernière page. Car il existe une autre forme de lecture suggérée par le diabolique Christian Roux. Mais comme il n’y a pas de sommaire je n’ai pas osé, de peur de me perdre dans les méandres des chapitres. Trois personnages ou groupes de personnages dont le destin va se percuter dans une trajectoire en dents de scie, avec fulgurance, comme trois éclairs qui se télescoperaient. D’abord Marnie, qui officie pour le bien des familles. Sa dernière mission, supprimer en douceur un patient en phase terminale dans une clinique près de Rambouillet, clinique dont accessoirement il est propriétaire. Mais elle ne pensait pas retrouver sa commanditaire, Catherine Bermann, la belle-fille du défunt, assassinée, atrocement mutilée, ainsi que ses jardiniers et gardiens. Eustache Lerne, officier de police, est chargé de l’enquête qui s’avère délicate d’autant que des événements imprévus se greffent sur cette histoire à priori incompréhensible. Le cadavre du vieux monsieur est retrouvé dans le parc de la clinique, éviscéré et non loin de son cadavre gît celui d’un jeune noir. Et que viennent faire là dedans ces jeunes kadogos, qui ont pour noms Cobra le Dur, Zig la Folle, Tigre affamé, La Mort dans les Yeux ou encore Gyap ? Chacun de leur côté, Marnie et Eustache vont tenter de cerner la vérité tout en essayant de gérer leur vie privée. Marnie hérite d’une étrange compagne, tandis que Eustache qui a recueilli un gamin perturbé, est bien embêté par le comportement renfermé et vindicatif de celui-ci. Heureusement il est aidé dans ses recherches par une spécialiste de la police scientifique, ancienne membre des ONG ayant travaillé en Afrique et qui en garde des traces indélébiles. Traitant de sujets sensibles comme l’euthanasie, les abus sexuels, les guerres en général et guerres tribales en particulier, guerres tribales dont le nom a bon dos puisque fomentées par des politiques et des lobbies mercantiles, Christian Roux ne joue pas avec les sentiments, ne grattant pas la corde sensible avec faux effets de sensiblerie à bon compte. Il ne dénonce pas, ou si peu, il énonce des vérités que beaucoup voudraient voir recouvertes d’un voile pudique. Il apporte sa vision, sa touche, sa sensibilité, sa fougue humaniste et un bon sens dénué de démagogie, sans tomber dans la grandiloquence de philosophes de bazars. Un roman puissant qui amène le lecteur à réfléchir sur certaines déclarations qui ne sont que de la poudre aux yeux jetée par des politiciens qui veulent se donner bonne conscience sans véritablement désirer réfléchir à la réalité.
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