mortels desseins de Serge RADOCHEVITCH


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SERGE RADOCHEVITCH

Mortels Desseins


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Le mercredi 21 Fevrier 2013

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Serge RADOCHEVITCH




Une lecture de
PAUL MAUGENDRE

PAUL MAUGENDRE  

Mon, petit doigt m’a dit…

Un salon du livre se tient à Bricourt, petite ville de Lorraine, et Simon Bielik, journaliste romancier, est chargé par son rédacteur en chef d’un journal parisien, d’interviewer Roland De Campos, l’écrivain brésilien, normand par sa mère, coqueluche du moment. Tout le monde en a entendu parler mais personne ne le connait. Aussi l’occasion est trop belle pour l’approcher. De Campos a été invité par le maire qui a fait la connaissance de l’écrivain à Recife, sa femme étant d’origine brésilienne et c’est une première pour la ville qui se conforte dans sa léthargie.

Le lendemain, un dimanche, Bielik doit retrouver De Campos et en attendant il déambule entre les stands, accompagné de son amie Amélia, comédienne. Il retrouve avec plaisir un ancien condisciples et ami, André Derex, un artiste peintre local installé en Bretagne et qui expose au salon. Pour sceller leurs retrouvailles Derex invite Bielik et sa compagne à manger et le repas terminé l’artiste en apprend de belles à ses invités : Bourdeau, notaire et adjoint au maire a été agressé alors qu’il effectuait son jogging matinal et dominical.

D’après son témoignage recueilli par les policiers, un joggeur le suivait, l’a dépassé, lui a placé une manchette à la gorge. Il a été retrouvé attaché à un arbre par un autre sportif dans l’après-midi. Petits détails qui ne manquent pas de saveur : l’agresseur portait un masque de clown, il a découpé un doigt à Bourdeau, doigt retrouvé sur le siège du véhicule du notaire dans une enveloppe avec un dessin. Derex a appris tout ceci grâce à une amie d’une amie, les racontars circulent vite dans les petites villes de province. Chloé Bourdeau pourrait être affolée, il n’en est rien. Cela l’amuserait presque que son mari a subi la vindicte d’un inconnu. Vengeance d’un mari cocufié par le notaire ? Pourquoi pas, les frasques de l’adjoint au maire entretenant les conversations le soir au cours des veillées de chaumières. Et puis il y a cette affaire de délit d’initié dans laquelle il aurait été impliqué quelques années auparavant. Une histoire de terrain acheté à bas prix et dont la valeur a été multipliée par X lorsqu’un promoteur s’est intéressé à des parcelles en friches environnantes.

Le même dessin est déposé dans la boite aux lettres de très nombreux destinataires, des personnes en vue principalement. Derex fait partie de ces privilégiés. Aussi, en compagnie de Simon qui prend cette enquête au pied de la lettre, je pourrais même dire au doigt de la lettre, avec l’aval de son rédac-chef, Derex participe à une enquête de voisinage.

Un nouvel incident se produit. Cette fois c’est Hilaire qui est la victime de l’agresseur masqué dans son magasin de meubles alors qu’il venait d’embaucher une jeunette qui devait l’aider, une petite main comme on dit, par exemple à soulager sa libido. Il avait peut-être entendu quelque chose qu’il n’aurait pas dû puisque l’individu lui a coupé une oreille. Et déposé une petite image, un nouveau dessin, ce qui constitue le deuxième élément d’un puzzle semble-t-il.

Si Bourdeau était considéré comme un personnage arrogant, sûr de lui, macho et malsain, d’autres personnes ne valent guère mieux que lui. Par exemple Poiret, un garçon de ferme qui a su séduire la fille de son patron et qui aujourd’hui est le plus gros propriétaire de la région. Il joue régulièrement aux cartes avec Bourdeau et Hilaire et deux trois autres comparses et il ne mâche pas ses mots. Il a des idées tranchées. Tous ces trucs dégueulasses qui arrivent maintenant, ce n’est pas dû au hasard ! D’abord, il y a eu ce nouveau quartier, avec ses logements sociaux, c’est comme ça que ça s’appelle. Allez y faire un tour, rien que de la racaille de feignants et de camés et si on ajoute le campement de Roms, que la municipalité a laissé s’installer dans la ville, faut pas chercher plus loin.

Et que dire de l’ancien juge Dormieux qui aurait enterré une affaire dans laquelle un ancien ministre était impliqué. Pas vraiment l’enterrer mais laisser traîner en longueur, le temps que les preuves s’envolent et que les alibis se forgent. Il n’a fait qu’appliquer les consignes, raison d’état oblige, et sa carrière en a été facilitée.

Rien de bien nouveau sous le soleil provincial. Mais ces dessins qui circulent alimentent les rumeurs et les conversations. Simon, Derex et Amelia enquêtent, ensemble ou séparément, se retrouvent souvent, mais pour Simon, qui ne se laisse pas berner comme le premier échotier venu mais réfléchi, y’a comme un truc. Et cela ne lui plait pas.

Serge Radochévitch, qui possède un passé d’instituteur, écrit avec des phrases courtes, elliptiques parfois, passant aussi bien de la troisième personne à la première, afin que le lecteur s’immisce dans les pensées du locuteur occasionnel. Il retrace la vie cachée d’une petite ville de province, pointant les idées malsaines qui circulent alimentées par un contexte social souvent délabré. Il ne s’agit pas pour l’auteur d’écrire une diatribe virulente mais simplement de montrer du doigt, c’est de circonstance, ce qui ne va pas, de mettre en exergue les idées préconçues, les déclarations perverses de ceux qui se sentent intouchables et flattent l’égo de la masse populaire. Combien d’hommes politiques expriment avec le sourire, et parfois dans une forme onctueuse, des déclarations que le simple péquin, plus franc dans ses propos, ne pourrait pas énoncer sans être catalogué comme raciste, ségrégationniste, xénophobe, chauvin. L’homme politique est plus habitué à délivrer des coups bas sans être vu par l’arbitre. Des incendies dialectiques allumés par des pompiers qui s’érigent ensuite en sauveurs providentiels. Nous en avons des exemples tous les jours, mais je ne vous dirais pas qui, sinon je risquerai d’écoper.

La lâcheté des hommes est également mise à l’index. L’origine de cette affaire remonte à vingt ans en arrière. Un fait de société qui a tendance à se banaliser mais qui à l’époque avait fait grand bruit. Et c’est grâce à un localier qui connait un caricaturiste que l’énigme sera résolue. La vengeance est un plat qui se mange froid, pas besoin de vous faire un dessin.

Ce roman, dont le titre est particulièrement bien choisi, ne manque ni d’humour, ni de gravité et le suspense est garanti.

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