|
|
ROMAIN R. MARTIN |
VerminesAux éditions FLAMANT NOIRVisitez leur site |
981Lectures depuisLe mardi 21 Novembre 2017
|
Une lecture de |
Parution le 2 octobre 2017. 186 pages. 19,50€. Les vermines ne sont pas forcément celles que l’on croit… Imaginez la rencontre inopinée d’une semelle de santiag et d’une portion de bitume avec entre les deux une araignée. Evidemment cela ressemble à un sandwich avec pour résultat un arachnide écrasé. C’est un peu pareil, avec une armoire normande, un plancher, et en guise de complément d’hamburger un chien. Plus précisément un Labrador retriever, nommé Einmal, Une fois en allemand. Arnaud, taxidermiste trentenaire, ne le possédait que depuis une semaine. Il n’aura pas eu le temps de s’attacher à cet animal, qui lui était attaché… à l’armoire, un animal qu’il avait acquis une semaine auparavant. De toute façon, pour Arnaud, le canidé ne disposait d’aucune des qualités requises. Il était paresseux, oisif, peu enclin à partager toute forme d’introspection. Avec son ami Pascalin, enfin son ami, c’est peut-être un peu excessif mais n’ergotons pas, donc avec Pascalin, Arnaud tient une boutique à Bourganeuf, dans la Creuse, où sont entassées dépouilles d’animaux naturalisés. C’est naturel chez lui. Pascalin a hérité d’une vieille boutique, Arnaud s’est intéressé à ce mono-daltonien en recherche d’une carte d’handicapé, catégorie 6, et l’a pris sous son aile de prédateur. Je m’avance peut-être. Mais Pascalin, outre la boutique possède également un vieux véhicule, couleur argentée ce qui va bien pour ce désargenté aviné, et aide à recevoir la clientèle lorsque Arnaud vaque à rendre une apparence vivante à ses animaux, iguanes, renards, et autres bestioles plus ou moins grosses dont j’ai oublié le nom. Pascalin cuisine les nouilles et se prépare des cigarettes de cosmonaute. Et lorsqu’Arnaud en trouve une, déposée négligemment sur une marche, et qu’il commence à la fumer au grand dam de Pascalin, il lui trouve un goût étrange venu d’ailleurs. Et c’est ainsi qu’il se réveille le lendemain, l’esprit en vrac et le corps couvert de bleus, il se rend compte que son armoire et l’animal transformé en carpette ont déserté sa chambre. Ne reste plus qu’un trou dans le parquet. Puis il est importuné en pleine nuit, la sonnette retentit, et au lieu d’être face à un individu il découvre sur le pas de sa porte un emballage de biscuits. Pas de biscuits à l’intérieur mais une feuille, une page déchirée d’un vieil ouvrage de 1883 sur laquelle est inscrite cette injonction : Tu tues je t’empaille, et un morceau de plastique ressemblant à une carte mémoire. Son vieil ordinateur renâcle mais parvient toutefois à lui restituer un semblant de film, en deux séquences. Sur la première, deux hommes dans la nuit, l’un supportant l’autre, l’aidant à marcher et le bousculant au passage contre des voitures ou des lampadaires. Une énigme qui en annonce d’autres. Il ne faudrait pas oublier un troisième personnage qui prend de plus en plus d’importance au fil de l’avancement de l’histoire. Madame Clarence, prénom Pénélope, quatre-vingt trois balais, plus un pour disperser la poussière dans l’échoppe d’Arnaud, ménage qu’elle fait une fois par semaine. Il existe un contentieux entre elle et le thanatopracteur animalier, mais ils se supportent. Et puis d’autres protagonistes apparaissent au fur et à mesure que le temps passe.
Antisocial, chantait Bernie Bonvoisin du groupe Trust au début des années 80, mais Arnaud, le narrateur n’est pas antisocial. Il est, en plus d’être cynique, asocial. C’est lui qui l’avoue, faute avouée est à moitié pardonnée affirme un dicton populaire auquel on ne peut pas toujours se fier, et l’on ne peut se trouver une once d’empathie avec lui, ou même ressentir une certaine sympathie. Un être qui engendre la répulsion et pourtant en même temps la fascination. C’est tout petit et même avant, qu’il s’est ainsi conduit, envers sa mère, qui n’appréciait guère sa relation affective, ou non affective d’ailleurs, et un père qui fermait les yeux sur ses débordements. Pourtant : Enfant, j’avais trouvé un moyen de limiter la souffrance de mon existence en secrétant des idées simples mais malveillantes à l’encontre des autres.
Arnaud pratique l’humour à froid, et il déambule sur le fil du rasoir, ne sachant pas s’il va basculer d’un côté ou de l’autre, glissant vers le vide ou restant assis sur la lame affûtée au risque de se retrouver découpé en deux. Il me fait penser à certains hommes politiques ou à de prétendus humoristes qui pratiquent le mépris envers la société, et ses représentants, et qui pourtant sont admirés parfois par ceux-là même qu’ils dénigrent. Chaque chapitre est précédé d’une citation, de Platon à Voltaire, de Jules Renard à Henri Jeanson, connu pour ses saillies, ou encore Jack Kérouac et Oscar Wilde, ce qui offre un aspect littéraire à un texte qui ne l’est pas moins. Et l’on se demande quel pourra être l’épilogue de cette histoire étonnante qui frôle le sublime dans la dérision et la suffisance, de la part du narrateur. |