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STANLEY PEAN |
Le Tumulte De Mon SangAux éditions LA COURTE ECHELLE (QUEBEC)Visitez leur site |
Lectures depuis Le samedi 27 Novembre 2010
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Une lecture de |
Lui, c’est un jeune poète originaire d’Haïti, élevé par sa grand-mère au Québec. Elle, sa compagne journaliste Madeline Duché dite “Mady”, est également native d’Haïti. Elle fut élevée par son oncle et parrain, le colonel Rodrigue Duché, dans une propriété de Nouvelle-Angleterre. Une enfance protégée, bourgeoise même, dans ce manoir dont elle fut “la Princesse du château”. À l’initiative de Mady, le couple va passer quelques jours en amoureux chez Rodrigue Duché. Quand ils arrivent, ils sont (mal) accueillis par des gardes armés Noirs, sous la direction d’un certain Wilson. Il semble qu’une panne technique explique cette sécurité renforcée. Reçu par l’oncle de Mady, le couple s’installe. Troublé par l’ambiance inquiétante du manoir, le jeune Haïtien cauchemarde dès la première nuit. Le lendemain matin, il fait la connaissance de Ouidah, l’ex-nounou de Mady. Il remarque le regard perçant et méfiant de cette Haïtienne. Dès le premier réel contact avec le colonel Duché, le jeune intellectuel éprouve une nette aversion envers ce militaire. Certes, l’oncle fut plutôt un opposant à Papa Doc, mais on peut s’interroger sur l’aisance financière dont il jouit. Ce n’est sans doute pas le fruit d’une honnête activité. Rodrigue Duché reste imprécis sur les menaces dont il serait l’objet. Pour sa sécurité, il a besoin de ces mercenaires armés. Wilson, leur chef, se montre insultant envers le jeune invité. Mulâtre au teint noir pâle, il accepte mal les termes “mal blanchis” et “Haïchiens”. Il apparaît que le cynique Wilson est, en réalité, agressif envers tout interlocuteur. Rodrigue Duché adopte finalement le compagnon de sa nièce et filleule. Il a lu et apprécié la poésie du jeune homme. Pourtant, ce dernier continue à se sentir mal dans ces lieux. Il est victime d’hallucinations et d’autres cauchemars. Assez habituelle, la légende du manoir maudit n’explique rien. La nounou Ouidah reste discrète sur les menaces évoquées par l’oncle. Néanmoins, le danger se précise bientôt. Puisqu’un chien ragé rôde dans la propriété, il serait prudent que le couple s’en aille. Mady s’y refuse obstinément. Ni son oncle, ni son compagnon ne parviennent à la décider. La suite va prendre une tournure dramatique… Il est à craindre que Stanley Péan soit largement méconnu en France. Pourtant, se procurer ses livres n’est pas bien difficile. Né à Port-au-Prince en 1966, il vit au Québec depuis sa prime enfance. Son premier roman, “Le tumulte de mon sang”, date de 1991 et fut récompensé par un Prix littéraire. Ce n’est donc pas une nouveauté, mais il est toujours disponible (réédité en 2007). L’auteur s’inspire de ses racines haïtiennes pour cette fiction à suspense. On y trouve des références marquées au vodou. Plus que religion ou sorcellerie, le vodou exprime l’âme traditionnelle haïtienne. Un glossaire nous permet de traduire certaines formules créoles d’Haïti, et nous présente quelques personnages ayant jalonné l’Histoire de ce pays. On devine le parallèle entre cette maison maléfique et les tragédies qu’a connu Haïti au fil du temps et des dictatures. “A-t-on jamais vu un pays si petit, si pauvre, avec autant d’écrivains, d’intellectuels et de penseurs de tout acabit par pied carré ? — Là, vous avez tort, colonel. Le principal problème du pays, de toute l’Amérique latine à vrai dire, c’est le trop grand nombre de soldats ambitieux qui voudraient tous être Pinochet.” Certes, comme le précise l’auteur, nous observons Haïti “depuis des balcons trop éloignés” pour comprendre tous les enjeux menant à la pauvreté permanente de cet état. Toutefois, Haïti ne possède pas moins de richesses et de capacités humaines que tout autre pays. Il n’est pas absurde d’imaginer une volonté internationale de maintenir Haïti et quelques autres pays dans la misère, afin de les présenter comme exemples d’incompétence et d’instabilité. Si elle est utile, l’aide caritative n’apporte guère de solution à long terme pour Haïti. Cette opinion personnelle nous éloigne du contenu de ce livre, pas de son contexte. Un roman de très belle qualité. |
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