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CARMEN DE POSADAS |
Petites InfamiesAux éditions |
1143Lectures depuisjour de sa mise en ligne
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Une lecture de |
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Une telle idée ne pouvait germer que dans la cervelle d’un cuisinier de haut vol. Qui d’autre qu’un maître-queue de renom aurait pu se mettre en tête de révéler tous les petits secrets de fabrication des plats les plus prestigieux ? Et qui d’autre qu’un tel individu pouvait nourrir l’idée saugrenue d’intituler son recueil : Petites Infamies ? Habitué aux secrets, jaloux de ses savoir-faire, Nestor Chaffino ira jusqu’à détourner l’attention de son entourage en prétendant que dans l’opuscule qu’il rédige, il dévoile les infamies des diverses familles auprès desquelles il a loué ses services. Quand on sait qu’il a travaillé dans une famille qui fit fortune en Argentine à l’époque de la dictature militaire et que le hasard de la vie vient de le mettre en contact avec ces gens-là, doit-on s’étonner que la porte de la chambre froide Westinghouse 1980 se referme sur lui en poussant un lugubre clac ? Une nuit entière passée à moins trente degrés aura raison de sa vie. Et au petit matin les occupants, de la vaste demeure, constateront, avec effroi, que la mort l’a transformé en statue de glace. Nestor Chaffino a été assassiné. Il saute aux yeux que le meurtrier est l'une des personnes qui, après la réception dont Chaffino avait la charge, dormait dans la luxueuse propriété. Carmen Posadas décrit, en ouverture de son roman, la découverte du cadavre puis, dans les chapitres suivants, nous présente les différents coupables possibles, en prenant soin d’indiquer les mobiles qui auraient pu les conduire au crime. Et force est de constater que chacun avait de solides raisons de mettre un terme à la vie de ce cuisinier bavard et malveillant. Comme dans une recette de cuisine tous les ingrédients sont connus, il ne reste plus qu’à les assembler, afin d’obtenir le plat et de le déguster à l’ombre d’un bon vin. Mais cet ajustage s’apparente à un puzzle, la farine, les œufs… étant les pièces éparses que le hasard s’amuse à emboîter. Le hasard des rencontres, des fausses manœuvres, des fausses pistes… autant de tours que les dieux semblent jouer aux mortels. Dans ces conditions mourir congelé n’est pas plus étonnant que de transformer de la viande de cadavre animal en un exquis pot-au-feu. De son vivant Nestor Chaffino était convaincu que les grands plats dissimulaient les « petites infamies » du hasard, et il précisait même « Les hasards sont comme les soufflés : ils ne montent pas si personne ne s’occupe d’agiter, de battre ou de fouetter les blancs d’œufs » probablement aurait-il aimé savoir que son meurtre n’échappait pas à cette règle, que s’il n’a entendu qu’un clac il le doit à la congélation de son corps. |