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LEONARDO PADURA |
Les Brumes Du PasséAux éditions METAILIEVisitez leur site |
1866Lectures depuisLe mercredi 2 Septembre 2009
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Une lecture de |
Quelque temps après la chute de Batista et l’arrivée à la tête de l’île du nouveau pouvoir, Alcides Montes de Oca a émigré aux Etats Unis, abandonnant sa riche demeure et sa collaboratrice Nemesia Moré. Mais avant de partir, il a chargé celle-ci de veiller sur sa bibliothèque, bibliothèque qui referme des trésors accumulés au fil des générations. Normalement Alcides Montes de Oca aurait dû regagner Cuba au plus vite… Malheureusement le sort en a décidé autrement et Alcides Montes de Oca est mort très peu de temps après sa fuite. Et voilà une quarantaine d’années qu’Amalia Ferrero et son frère Dionisio, les enfants de Nemesia Moré, aujourd’hui cloîtrée dans la folie, veillent sur les livres. Mais à Cuba les temps sont durs et l’argent manque, aussi lorsque Mario Conde, ancien flic reconverti dans le négoce des vieux livres, frappe à la porte, Amalia et Dionisio le conduisent dans la bibliothèque. Avec son associé Yoyi el Palomo, Mario décide de faire trois piles : les livres trop précieux pour être vendu, les livres vendables et ceux, qui pour l’instant, n’entrent dans aucune de ces deux catégories… une affaire simple qui devrait satisfaire les deux parties. Mais le sort, toujours lui, en décide autrement. Entre les pages d’un vieux livre de cuisine, Mario découvre une coupure de presse, vieille d’une quarantaine d’années, où Violetà del Rio annonce qu’elle met fin à sa carrière de chanteuse. Qui est cette chanteuse de boléro dont Mario n’a aucun souvenir ? Pourquoi a-t-elle mis fin à sa carrière? Et que fait cette coupure de presse au milieu de ce livre? Pour Mario, ces questions virent à l’obsession… d’autant plus que, quelques jours plus tard, Dionisio est assassiné et qu’il devient, ainsi que son associé, le principal suspect. Au-delà de l’intrigue policière qui s’articule autour d’un drame sordide et familiale, Leonardo Padura trace la géographie d’une ville où « l’histoire semblait avoir survolé sans s’arrêter ces rues sinueuses ». Et c’est à coups de nostalgie désillusionnée qu’il dépeint la société où il tente de survivre, avec pour seul secours ses souvenirs, l’amitié et l’amour. « - Fatigue historique... Le Conde soupesa la définition du Conejo, il termina son verre de rhum et regarda ses amis, exemplaires agonisants du syndrome de fatigue historique acquis: le Flaco qui n'était plus maigre, avec la moelle épinière détruite dans une guerre, bien sûr historique, dont personne ne parlait plus; le Conejo, dégingandé, avec les dents de plus en plus longues, saillantes comme les os de son crâne, encore capable de théoriser sur la démesure insulaire mais sans avoir jamais écrit un seul des livres d'histoire qu'il avait rêvé d'écrire; Candito el Rojo, historiquement ancré dans le solar tapageur où il était né, crevant de faim depuis qu'il avait renoncé à ses multiples affaires illicites et qu'il s'obstinait à vouloir trouver des réponses transcendantales dans une chronique écrite deux mille ans auparavant, où il était question d'une fin du monde assaisonnée de châtiments terribles pour tous ceux qui ne voueraient pas leur âme au Sauveur; et Andrés, l'absent-présent Andrés, comment était-il possible que pour soigner radicalement ses nostalgies, pour effacer sa propre histoire et tromper son épuisement historique, il en soit arrivé à décider que le mieux était de ne jamais revenir dans l'île, même pas pour voir un match de base-ball dans le stade de La Havane, passer une nuit à boire, écouter de la musique et bavarder avec ses amis qui, malgré les mutilations, les frustrations, les croyances et les reniements, les fatigues historiques et les faims physiques et intellectuelles, ne refusaient jamais de partager une nuit pour évoquer des souvenirs, avec la conscience vague mais latente que s'ils n'avaient pas préservé cette fraternité, il y avait peut-être déjà longtemps qu'ils auraient oublié de vivre? » |
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