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MICHEL PAGEL |
Nuées ArdentesAux éditions ORION |
791Lectures depuisLe mardi 22 Juillet 2020
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Une lecture de |
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Collection Etoiles Vives. Orion Editions. Parution mai 1997. 256 pages. ISBN : 2-84344-001-7 Réédition couplée avec Sylvana. Editions J’Ai Lu N°6378. Réédition Omnibus Les Moutons Electriques. La Comédie inhumaine Volume 1. Mai 2020. ISBN : 978-2-36183-620-7 Un poisson d’avril qui ne manque pas d’arêtes ! En ce premier avril 1976, Malvinov, le jeune assistant toutes fonctions, s’amuse à accrocher des poissons d’avril dans le dos des acteurs, des machinistes, de Francel le réalisateur du film qu’il est en train de tourner sur une plage vendéenne. Parmi les piégés, Natacha, première assistante, qui reçoit de son amie Florence une carte postale indiquant qu’elle part à New-York avec un garçon dont elle est tombée amoureuse. Une blague car Florence est derrière elle qui se marre. Depuis près d’un an elles ne se quittent pas, surtout au lit. Sur un yacht, non loin, la fête bat son plein. Etienne Chaffaux, le riche industriel, a convié quelques amis ou connaissances à partager le verre de l’amitié. Parmi ceux-ci, Richard d’Albret, célèbre romancier à succès, accompagné de sa nouvelle conquête et de Sharon, sa maîtresse en titre, qu’il a gardée comme on garde une poire pour la soif. Elle encaisse les avanies car elle est amoureuse de ce goujat. Autre invité, Claude Dumont, le nègre de d’Albret, qui recherche de la documentation pour l’histoire qu’il écrit pour son propre compte. Car cela lui arrive de publier, mais sans réel succès. Et il ne faut pas oublier Madeleine, la femme bigote d’Etienne Chaffaux, et ses deux enfants, Guy et Diane, à peine sortis de l’adolescence. Diane est un peu rebelle, et belle, ce qui attise la convoitise de son oncle Richard d’Albret, qui est le frère de Madeleine. Entre les deux beaux-frères, les points de divergence et de tension sont nombreux, mais ils se rendent toutefois le soir au restaurant afin d’écluser de nombreux verres et manger un peu. Tout est dans les apparences de famille unie, ou presque. Claude Dumont boit beaucoup, trop, et il est déjà éméché alors que le repas n’est pas entamé. Il ne peut empêcher Richard de glisser dans le verre d’Etienne, alors que celui-ci est parti soulager sa vessie, une sorte de pastille qui se dilue progressivement. Il s’agit de LSD, une drogue qui exacerbe la libido, et Etienne (à la tienne Etienne !) enfile son verre, recrachant le reliquat de cette pastille pas complètement fondue. Une blague dont les effets pervers se font bientôt sentir. Richard d’Albret signale la présence de deux jeunes femmes installées non loin d’eux. Il s’agit de Natacha et de Florence. Et le repas terminé, les digestifs surtout pour Dumont complètement paf, les trois hommes suivent les deux jeunes femmes sur la plage. Dumont assiste en spectateur incapable d’intervenir au viol, par d’Albret et son beau-frère Etienne, des deux amies. Au moins il peut enregistrer mentalement les conséquences et les comportements des deux violées pour la rédaction de son ouvrage.
Quelques mois plus tard, sur le plateau de tournage d’un nouveau film de Francel, une belle inconnue blonde attifée de lunettes noires, avec un petit chat noir qui répond au doux nom de Vengeance sur les épaules, se présente comme recherchant un emploi de comédienne. Il s’agit de Natacha qui a changé de nom, devenant Dany pour tous, et d’apparence physique, désireuse de se venger de la mésaventure survenue sur cette plage vendéenne. Son amie Florence depuis ce viol est en catatonie, quant à Natacha, elle s’en est remise grâce à sa volonté et son désir de vengeance. Et c’est ainsi qu’elle va prendre dans son filet d’Albret, jouant avec ses nerfs et sa libido, le laissant sur des charbons ardents, peaufinant son scénario en attirant par son charme dans son lit Guy et Diane, se révélant une manipulatrice de charme extrêmement dangereuse pour tous ces protagonistes du drame vécu quelques mois auparavant. Pendant ce temps Florence est toujours dans le coma à l’hôpital, ressassant dans sa tête l’histoire d’une princesse prisonnière dans la tour d’un château d’un homme malfaisant et attendant d’être délivrée. Mais les pensées inconscientes de son esprit se catapultent dans l’esprit de Diane, la jeune fille ressentant parfois les mêmes affres. Dumont, lui, écrit son histoire qui pourrait être celle de Natacha, Florence, Diane, et les autres. Comme un reflet dans un miroir.
Nuées ardentes, écrit en 1987, ne fut publié qu’en 1997, après avoir essuyé les refus de nombreux éditeurs pour des raisons qui n’engagent qu’eux mais incompréhensibles lorsque l’on considère la valeur de ce roman en tout point remarquable. Aussi bien dans le thème, l’écriture, la force de la narration, le déroulement de l’histoire, Natacha intervenant parfois en voix off comme on dit au cinéma, par l’addiction déclenchée, le lecteur ne pouvant poser ce livre même pour régler quelques problèmes d’intendance domestique genre se sustenter ou procéder à une miction. Chronologiquement, il s’inscrit avant Sylvana, mettant en scène quelques personnages figurant de façon fugitive que l’on retrouvera également par la suite dans les autres ouvrages qui composent cette Comédie Inhumaine. Tous ces romans peuvent se lire indépendamment les uns des autres, mais ils forment un tout, constituant une saga débordant largement du cadre familial, tout comme auparavant en avaient écrit Balzac dans sa série La Comédie Humaine, ou Emile Zola pour le cycle des Rougon-Macquart, dont les projets étaient de décrire une histoire sociale et naturelle d’une famille élargie mais cette fis dans un registre franchement fantastique. Dans ce décor, dont le cinéma prend une place non négligeable, il est bon de signaler un personnage, Claude Dumont, qui s’impose comme un second rôle n’apparaissant guère mais dont la présence s’avère l’instigateur involontaire de ce drame. Encouragé il est vrai par Richard d’Albret auquel il déclare : Je suis un écrivain, moi, pas marchand de soupe. On peut concilier les deux. Je te l’ai dit cent fois : fais comme moi ! Une scène d’action, une scène de cul, un massacre, une scène de cul… Le massacre est même facultatif. Tu peux le remplacer par tes conneries psychologiques, si ça t’amuse. Mais pense au cul, Claude, c’est ça qui fait vendre et les éditeurs le savent aussi bien que toi et moi…
Quelques autres citations pour le plaisir : Sans mentir, si les courbes de votre corps se rapportent à celles de votre visage, vous êtes le plus beau présent qu’aient jamais fait les dieux au monde.
La religion, c’est un truc que les gens ont inventé pour se rassurer. Il y a eu un type bien, autrefois, qui s’appelait Jésus Christ et qui transmettait un message d’amour. Ensuite, des salauds en ont fait une idéologie du sacrifice et de la répression, pour pouvoir contrôler leurs fidèles. Ce qui est mal, c’est de faire du mal, Diane, et c’est tout. Prétendre que la souffrance est meilleure que le plaisir, c’est du masochisme, pas de la piété.
Les personnages ne peuvent pas en savoir autant que l’auteur.
Réédition Les Moutons électriques. Parution 15 mai 2020. 960 pages. 25,00€. ISBN : 978-2-36183-620-7 Contient : 1 - Préface 2 - Sylvana. 3 - Nuées ardentes. 4 - Le Diable à quatre. 5 - Désirs cruels. 6 - Les Antipodes.
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