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JEAN-CHRISTOPHE PORTES |
Minuit Dans Le Jardin Du ManoirAux éditions LE MASQUEVisitez leur site |
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Editions du Masque. Parution le 13 mars 2019. 380 pages. 19,90€. ISBN : 978-2702449141 Minuit, l’heure du crime… Nous ne sommes pas à l’époque de la Révolution Française, quoique, mais bien au début du XXIe siècle. Pourtant une pique surmontée d’une tête dont les orbites sont garnies d’écus en métal doré est dressée dans le parc d’un manoir normand dont la construction remonte à 1562. Le jeune homme qui a découvert cette tête, qui apparemment ne lui revient pas, à minuit et quelques minutes, en profite pour la photographier et divulguer sur les réseaux sociaux sa trouvaille. Naturellement les journalistes et les policiers de Rouen sont rapidement sur les dents. Ce manoir appartient à Colette Florin - un rapport avec les écus en métal doré ? – une vieille dame quelque peu excentrique. Son petit-fils, Denis, a repris l’étude notariale familiale, mais c’est un homme réservé, un peu gauche, célibataire, et auprès de la population locale il passe pour un benêt, pour ne pas dire un attardé, dont la principale occupation est de reconstituer dans l’une des pièces de cette demeure, la bataille de Marignan, petits soldats de plomb amoureusement peints par lui-même et décors reconstitués fidèlement. Evidemment, il est en première ligne des soupçons portés sur lui. L’inspecteur Trividec, le beau gosse de la brigade infatué de sa personne est chargé de l’enquête policière, et que ferait ce prétentieux s’il n’avait comme adjointe Miss Je-Sais-Tout, laquelle est nettement plus érudite que lui. Nadjet Bakhtaoui, une journaliste grand-reporter qui revient du front moyen-oriental, est dépêchée sur place. C’est une accrocheuse qui sait se débrouiller pour s’infiltrer au nez et à la barbe de ses confrères et des policiers dans le parc et prendre des photos. Elle aime son travail et ne néglige aucune piste. La grand-mère Colette est considérée comme une vieille folle par ses concitoyens, mais elle est loin de ce qu’elle paraît. Elle tient un blog, organise des réunions costumées, elle est riche et s’oppose à certaines décisions municipales ou préfectorales, n’hésitant pas à s’enchaîner aux grilles de la préfecture rouennaise. Et elle possède assez de bagout et de charisme pour amener une certaine partie de la population à la suivre dans certaines batailles contre les élus assujettis aux multinationales. Denis, malgré son air distrait mais timide, est un brillant adversaire aux échecs, se confrontant via Internet, n’ayant plus d’adversaires proches à sa taille. Et il serait un expert en cryptogrammes selon le libraire. Et comble d’imbécilité, ou de naïveté, excédé par les journalistes, il les provoque sabre au clair afin de les empêcher d’investir le parc. Et voilà pour les personnages principaux. Ah, j’allais oublier Monroy, richissime homme d’affaires dont la présence est quelque peu énigmatique. Plus quelques cadavres qui seront retrouvés non loin.
Une enquête particulièrement réjouissante qui emmènera le lecteur jusque dans le sud de l’Espagne, avec un côté social puisque des réfugiés africains feront de la figuration plus qu’intelligente au fort de Gibraltar, découpée en chapitres courts, accentuant la vivacité et la complexité de l’intrigue, mettant en scène chacun des protagonistes. De plus se greffe, en intercalaires, un épisode historique avec la conquête du Mexique par Hernán Cortés, une chasse au trésor, et quelques épisodes qui remontent à la guerre d’Algérie. Un roman sandwich, composé d’éléments nutritifs intellectuellement, une diversité qui se complète admirablement. Une nouvelle facette, du talent de conteur de Jean-Christophe Portes, qui comporte quelques anomalies, dans les dates et les âges, je ne peux m’empêcher de les relever, c’est un peu un TOC, Trouble Obsessionnel Comparatif, mais qui par ailleurs est un regard acéré, aiguisé, sur notre société, surtout sur les chaînes d’info en continu, les journalistes et chroniqueurs qui s’estiment des spécialistes mais ne sont que des masturbateurs de l’esprit en se concentrant sur des détails sordides et futiles, et les débats télévisés où l’on parle de tout et de rien, uniquement pour occuper l’espace-temps et se faire voir. Un roman enlevé (à plusieurs titres !), virevoltant, amusant et précis, jouant sur le sensationnel, moins académique et didactique que la saga révolutionnaire de Victor Dauterive et donc plus passionnant.
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