|
|
JEAN-BERNARD POUY |
Lord GwynplaineAux éditions ALBIN MICHELVisitez leur site |
1079Lectures depuisLe jeudi 13 Decembre 2018
|
Une lecture de |
Un roman de Jean-Bernard Pouy et Patrick Raynal Les deux compères sont amis depuis trente-cinq ans et plus. C’est sous l’égide de Patrick Mosconi qu’est publié en 1983 dans sa collection Sanguine, un volume intitulé “Very Nice” incluant deux romans : “La clé de Seize” de Patrick Raynal et “Spinoza encule Hegel” de Jean-Bernard Pouy. Depuis, les deux romanciers ont poursuivi des carrières parallèles, jamais loin l’un de l’autre. Auteur d’une centaine de romans (dont onze dans la Série Noire) et d’une multiplication de nouvelles et d’écrits en tous genres, Pouy a aussi créé diverses collections (Pierre de Gondol ou la Série Grise). Sans oublier le personnage du Poulpe (Gabriel Lecouvreur) publié dès 1995 aux éditions Baleine. Prix Mystère de la Critique pour son roman “Fenêtre sur femmes” en 1989, ex-directeur de la Série Noire chez Gallimard, Patrick Raynal a permis à toute une génération de nouvelles voix du polar de figurer au catalogue de la Série Noire. S’il ne dirige plus de collection, Raynal a toujours un poids certain dans l’édition, qu’on ne s’y trompe pas. On aura compris le point commun de Pouy et Raynal : mettre en valeur la littérature populaire, montrer par toutes leurs initiatives que c’est un genre vivant et en perpétuel renouvellement. Sils vont à la rencontre des lecteurs dans les Festivals et salons du livre, c’est plus sûrement pour valoriser les livres d’autres auteurs que les leurs. En 1985 tous deux avec Daniel Pennac, écrivent leur premier roman en commun : “La vie duraille”. Publié sous le pseudo de J.B.Nacray, c’est le n°1968 de la collection Spécial Police du Fleuve Noir, un numéro fort symbolique (et ironique). Pouy et Raynal vont par la suite écrire à quatre mains d’autres romans, tel le réjouissant “La farce du destin” (Les Contrebandiers, 2004). S’ils ne manquent pas d’expérience dans cet exercice de style, et s’ils aiment se donner des contraintes en écriture, les deux amis se sont lancés un défi un peu fou avec “Lord Gwynplaine”. Car il s’agit ici d’imaginer une version actuelle d’un monument de la littérature française : “Le comte de Monte-Cristo”, la plus magistrale et la plus palpitante histoire de vengeance. Il serait présomptueux de tenter un résumé de cette transposition de l’œuvre de Dumas. “Le comte de Monte-Cristo” débute en 1815. Edmond Dantès, marin de dix-neuf ans, second sur le navire "Le Pharaon" débarque à Marseille pour s'y fiancer le lendemain avec la belle Catalane Mercédès. Victime de jalousies, il est dénoncé par plusieurs personnes pour de prétendues opinions politiques. Sans jugement, on l’envoie croupir dans une geôle du château d’If. Après de longues années, devenu l’ami de l’abbé Faria, Dantès s’évade et prend possession d’une fortune cachée sur l’île de Monte-Christo. Sous diverses identités, dont celle du comte de Monte-Cristo, il se montrera généreux envers les rares qui lui sont restés fidèles, mais il se vengera de ceux qui l’ont accusé à tort et fait emprisonner. Dans cette version actuelle, toute aussi riche en aventures, pour ne citer qu’eux, Dantès est devenu Erwan Le Dantec, pilote d’avion pour une société en relation avec l’Afrique, et l’abbé Faria s’appelle Vargas, ancien comptable des narcotrafiquants colombiens, ayant détourné des sommes faramineuses – et s’étant fait beaucoup d’ennemis. Sans avoir été jugé alors qu’il eût pu réfuter sans mal les accusations, Erwan Le Dantec est envoyé très discrètement dans une sorte de pénitencier au cœur de la jungle de Guyane. Vargas va lui offrir une chance de s’en sortir après des années à végéter dans cette prison. Un hélico, ça se manie aisément pour un pilote d’avion comme Le Dantec. Celui-ci va devoir se cacher en Amérique du Sud pendant quelques années encore, le temps de peaufiner son retour et de se trouver des allié(e)s. Entre-temps, la fiancée du captif (dont on lui a fait croire qu’il était mort) s’est mariée par ailleurs. C’est sous les traits de “Lord Gwynplaine” qu’Erwan Le Dantec – assisté de Maria-Luisa et de Brendan Kane – reviendra hanter ceux qui l’ont trahi, non sans avoir renoué avec d’anciens amis et avec son père. Les époques changent, mais pas les motivations de ceux qui visent le pouvoir et l’argent. La vilenie reste un puissant moteur pour les arrivistes, les cyniques. Il convient donc de les affronter avec les mêmes armes. Arriver au sommet ayant en grande partie endormi la vigilance de ces adversaires, sûrs de leur position sociale, ils ne voient pas le piège qui se referme méthodiquement sur eux… Pas ennemis de la tonalité sarcastique, Pouy et Raynal ne se contentent pas de "revisiter" l’original, ils y apportent leur touche personnelle… Un roman fertile en incessantes péripéties, alliant noirceur et regard sociétal. Très excitant ! |
Autres titres de |