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FREDERIC PAULIN |
Les Cancrelats à Coups De MachetteAux éditions GOATER |
351Lectures depuisLe dimanche 17 Juin 2018
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Une lecture de |
Collection Goater Noir N°24. Parution le 26 avril 2018. 240 pages. 18,00€. ISBN : 978-2918647485. En Bretagne, il ne pousse pas que des choux-fleurs et des artichauts… Des cadavres démembrés également ! Des cadavres éparpillés un peu partout dans la nature, un bras ici, une jambe par là et quelques têtes qui accompagnent le tout. Un constat macabre effectué par les gendarmes de la brigade de Sens-de-Bretagne. D’autant que ces cadavres, des Noirs, sont inconnus de la population. Comme s’ils étaient venus par la voie des airs. Deux autres affaires similaires ont été recensées, une dans l’estuaire de la Gironde, l’autre dans un terrain vague de la région parisienne. Une vengeance ? Cela se pourrait car trois personnages sont immédiatement dépêchés sur place afin d’enquêter et de fournir une identité à ces morceaux humains. A bord du véhicule de l’Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie Nationale, voyagent le colonel Dante de la BLAT, Anton Tue-mouche, probablement affecté à un service secret, et Dafroza Rwigyema, une Rwandaise d’origine Tutsie, présidente de l’association Contre l’oubli. Dafroza a mis un nom sur chacun des cadavres retrouvés dans les mêmes conditions, et il en va de même en Bretagne. D’anciens Hutus, au passé sulfureux. Tout débute le 6 avril 1994. Un avion amorce sa descente sur Kigali avec à bord le président Habyarimana et son homologue burundais. Dans la brousse se terrent des hommes, des Rwandais et des Blancs. Sur l’ordre d’un des Blancs un missile est envoyé abattant l’avion. C’est le point de départ officiel du soulèvement Hutu et des exactions qui seront commises par la suite dans la capitale et dans le pays. Plus de 800 000 morts sont recensés ou estimés. Pillages, incendies, massacres, actes de barbarie, sont à l’ordre, ou désordre, du jour et des semaines qui vont suivre. Dans les faubourgs de Kigali, François Gatama a quitté son amie Dafroza pour affronter sur le ring un boxeur surnommé le Maillet. Un Hutu tandis que François Gatama et Dafroza sont Tutsis. Ils sont jeunes, à peine vingt ans pour lui, dix-sept pour elle, et la vie devant eux. Un avenir prometteur pour François car c’est un boxeur qui compense son physique par son élégance pugilistique. Même si sa garde est un peu basse. Il gagne son match, au grand dam des spectateurs Hutus, et il se retrouve plongé en enfer. Dafroza aussi, emmenée par des rebelles. L’enfer va durer 100 jours, au cours desquels Hutus et Tutsis s’affrontent dans des combats de rue violents, Hutus violant les femmes et décapitant leurs adversaires. Les Tutsis reprenant peu à peu l’avantage et se montrant aussi féroces. L’armée française, obéissant à des ordres venus d’en haut se contente de regarder les affrontements, de leur base aérienne, ayant pour ordre de n’évacuer que certaines personnes.
Frédéric Paulin narre l’enquête d’aujourd’hui et les atrocités, les combats, les affrontements ethniques qui se sont déroulé vingt et un ans auparavant, et dont Dafroza est la figure principale, ayant été physiquement et moralement impliquée dans ces deux périodes. Le colonel Dante, alors capitaine, et Tue-mouche aussi ont vécu ces événements tragiques à divers stades. En alternance nous suivons donc le parcours cahoteux de Dafroza et François Gatama, avec quelques descriptions de combats de boxe, et d’autres protagonistes également, pour une histoire de vengeance hors norme et pourtant compréhensible. Seulement, l’ONU et la France ne peuvent, malgré les déclarations politiques mises en exergues, qu’elles proviennent de François Mitterrand alors président de la République, ou d’Alain Juppé quelques mois plus tard, affadir cette guerre interne, intestine, aux relents de génocide qui se traduit par une hécatombe. En effet, s’il est difficile de s’immiscer dans les affaires internes d’un état, il est tout aussi difficile de supporter ce genre d’exaction et d’établir une préférence, surtout lorsque cette préférence est économique et commerciale. Les enjeux financiers devraient passer outre les guerres or justement c’est le contraire qui se passe la plupart du temps. Il ne faut pas se leurrer, un jour, le bâton revient comme un boomerang dans la figure de ceux qui l’ont ignoré. Enfin, devrait car ils ne sont plus aux rênes d’un pays mais c’est bien l’héritage qu’ils laissent, et c’est une honte indélébile qui est laissé à tout un peuple, par dommage proche ou collatéral. Roman, récit, docu-fiction, quelle que soit l’appellation que l’on peut donner à cet ouvrage, il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un reportage poignant sur des événements atroce qui ont bouleversé une partie de l’opinion publique, mais pas la classe politique. D’ailleurs, à aucun moment n’apparait la mention Roman, que ce soit sur la couverture ou à l’intérieur du livre, ni cette petite phrase qui dédouane en général l’auteur : Ce roman est une œuvre de pure fiction. Toute ressemblance avec des personnages ou des événements…
Dernière petite précision, les cancrelats, c’est ainsi qu’étaient surnommés par les Hutus, les Tutsis. Ce qui montre à quel point la nature humaine peut se révéler méprisante envers elle-même. Même les bêtes ne réagissent pas ainsi. Et il parait que l’homme est plus intelligent que les animaux. Il parait…
-Tu ne lis pas de polars, hein ? raille gentiment D’entrerroches. -Non, ça m’emmerde : il y a toujours un sérial killer, des complotistes francs-maçons ou nazis, et un vieux flic bourru qui mène l’enquête accompagné d’une jeune fliquette reubeu qui le trouve terriblement sexy. Ça m’emmerde, si tu savais. -Tu as dû lire de mauvais polars. -J’ai pourtant essayé de me fader ceux qui se vendent le mieux, les trucs qui font la une des magazines chaque année. -C’est bien ce que je dis : tu as lu les mauvais polars.
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