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RENE PERON |
La Mort Dans L’algueAux éditions LA GIDOUILLEVisitez leur site |
195Lectures depuisLe vendredi 24 Novembre 2017
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Une lecture de |
Toujours à l’affût d’infos sur les dysfonctionnements de notre époque, Léo Tanguy est un cyber-journaliste qui sillonne en priorité l’Ouest de la France. C’est ainsi que ce grand rouquin alimente son site internet, suivi par de nombreux abonnés. Cette fois, il se dirige vers la baie de Saint-Efflam, sur la côte nord de la Bretagne. Marc, un ami artiste peintre, y a été retrouvé mort. Certes, les paysages maritimes étaient le sujet préféré de Marc. Mais c’est dans une petite crique où croupissent de puantes algues vertes nocives, un cul-de-sac fangeux que le corps a été découvert. Émanations létales de gaz, ou résultat de la vie effectivement dissolue de Marc ? C’est Louise, l’ancienne compagne du défunt, qui a alerté Léo Tanguy. Toutefois, le journaliste ne peut pas lui accorder pleine confiance, car il n’ignore pas ses rancœurs envers Marc, à cause de la nouvelle copine de celui-ci, Janny. Les enquêteurs tiennent un suspect, Alain. Il s’agit d’un militant écologiste "ultra". Même si Marc était aussi défenseur de l’environnement, ils avaient de nets désaccords. Une dose de violence pour dénoncer des situations néfastes à la nature, c’est discutable. D’ailleurs, il y a le cas de cette truie morte, échouée dans le secteur. Elle n’était pas "piégée", ainsi qu’on cru, mais ce peut être une action militante au crédit des écolos virulents. Ou pas, car il faut se méfier des manipulations, de quelque bord qu’elles viennent. Des employés de la société EuroPlages, proche du groupe SA March, nettoient les lieux après l’affaire de la truie. Léo Tanguy est méfiant concernant ces entreprises soi-disant vertueuses dans le domaine de l’écologie. En théorie, elles apportent du "mieux" pour les algues vertes, mais leurs pratiques sont-elles concrètement aussi saines qu’elles l’affichent ? Léo se renseigne d’abord auprès du Ceva, Centre européen de valorisation des algues, non loin de là. Oui, leur exploitation est promise à un bel avenir, y compris pour remplacer un jour le pétrole, à condition de mener des projets solides. L’algoculture vaudrait mieux que le recyclage des algues vertes. Ce qui est la spécialité de la SA March. Léo s’informe de ce côté aussi. Communication positive, sans nul doute, mais laissant perplexe le journaliste. Selon eux, la mort de Marc n’est qu’une affaire privée, probablement causée par la jalousie d’une de ses compagnes. Il est vrai que l’univers de Janny est très particulier. La jeune femme est actuellement introuvable, pas sûr qu’il s’agisse d’une disparition volontaire. Cet ex-baroudeur qui rôde dans les parages mérite d’être soupçonné. Il est vraisemblable qu’il soit au service d’un commanditaire. L’enquête de Léo peut devenir assez dangereuse… (Extrait) “Léo récolte le matériau qui lui sera nécessaire pour nourrir son prochain papier. Des images lui reviennent de l’agriculture bretonne d’antan. Surchargées de goémons de fond, des charrettes, qui ont creusé des ornières encore visibles dans le granit des rochers, n’existent plus que sur les cartes postales des boutiques de souvenirs. Il se dit que c’est quand même un comble de voir les [chevaux de] traits bretons au travail, là, ramassant les immondices de l’agro-business. Ils seraient bien plus utiles employés au binage dans les champs d’artichauts, d’endives, de choux-fleurs, entre les rangs d’échalotes. Ou à promener les amoureux en calèche.” Héros d’une série de romans écrits par plusieurs auteurs, à l’instar du Poulpe initié par Jean-Bernard Pouy, le sympathique Léo Tanguy se penche ici sur un sujet très sensible. Les algues vertes, et leurs émanations de gaz mortel, on en parle ponctuellement dans les médias. Souvent pour montrer que de gros efforts sont consentis afin d’éliminer l’énorme tonnage de ces algues toxiques. Pour rappeler aussi que des gens, tel Thierry Morfoisse en 2009, sont décédés après intoxication au gaz H2S. Malgré l’évidence d’un problème de santé publique, les autorités veillent à tempérer les arguments de chacun. L’agriculture et l’élevage intensifs ne sont pas responsables de tous les maux, c’est sûr. Mais il serait vain de nier qu’ils contribuent très largement à cette pollution. Le ramassage et le recyclage des algues vertes sont bien réels, mais coûtent des fortunes à la collectivité. L’agro-business suscite passions et controverses. René Péron en donne une excellente illustration, suite à l’article où Léo Tanguy interpelle les officiels et les protagonistes de la filière. Impossible de concilier une industrie nécessaire et des militantismes divers, qui s’écartent quelquefois du raisonnable. Néanmoins, face aux intérêts des uns et des autres, on ressent une lenteur dans les solutions mises en œuvre. Pourtant, c’est aussi souligné, les algues serviront à de multiples applications dans les décennies à venir, on le sait déjà. S’il s’agit d’un roman d’enquête à suspense, la thématique socio-économique captive tout autant dans cette intrigue documentée. Et suivre Léo Tanguy est toujours un plaisir. |