188 mètres sous berlin de Magdalena PARYS


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MAGDALENA PARYS

188 Mètres Sous Berlin


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Le mardi 19 Septembre 2017

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Magdalena PARYS




Une lecture de
CLAUDE LE NOCHER

CLAUDE LE NOCHER  
La chute du Mur de Berlin, en novembre 1989, a marqué la fin d’une époque. La division entre l’Allemagne de l’Ouest et celle de l’Est s’achevait enfin. Un nouveau contexte, qui ne pouvait tout effacer de la mémoire des Berlinois, ni même des Polonais. En 2010, Peter Michalski rassemble encore des témoignages sur un épisode méconnu, auquel il s’associa trente ans plus tôt. Ce fonctionnaire ministériel fut mis très tôt à la retraite, bénéficiant de faveurs inhabituelles. Être compétent au point de faire trop bien son métier à Berlin-Ouest en ce temps-là, ça dérangeait les autorités. C’est surtout depuis 2000, suite à la mort de son ami Klaus, que Peter a repris tous les éléments accumulés sur l’affaire. Maintenant, il invite les derniers témoins vivants à relater leurs souvenirs. Non sans une raison précise.

Des tunnels permettant l’évasion de gens de l’Est, il y en eut un certain nombre. À Berlin-Ouest, des volontaires tels que Klaus élaborèrent des projets, creusèrent des souterrains. Vers 1980, un groupe (Thorsten, Jürgen, Klaus et quelques autres) prépara le passage de leur ami Franz, à l’initiative de Roman, le frère de celui-ci. Franz, Roman, l’enseignante Magda, et Victoria, étaient d’origine polonaise. Ils vivaient à Berlin-Est, mais gardaient des liens avec leur pays natal. La famille de Franz et de Roman appartenait à la nomenklatura, d’ailleurs. Leur mère était Polonaise, leur père fut un communiste acharné. Tandis que Roman s’installait bientôt à l’Ouest, Franz suivit de brillantes études. Admirative, Magda fut amoureuse de lui, avant qu’elle n’ait l’opportunité de s’installer à Berlin-Ouest.

Prof retraité, Jürgen reste nostalgique de ses élèves d’autrefois, surtout les filles. Entourée de chats, l’ex-professeur d’Allemand Magda se remémore ses retrouvailles avec Franz. Passé à l’Ouest, s’appelant désormais Alfred Zollner, il ne tarda pas à devenir directeur d’une école. On y accueillait beaucoup d’élèves issus des pays de l’Est ; le niveau y était exigeant et la réussite était au rendez-vous. Son frère Roman était aussi enseignant dans cet établissement, comme Magda et Jürgen. Bien que marié, Franz-Alfred ne s’occupait guère de son épouse. Ils finirent par se séparer : sa femme témoigne en 2010 que ce ne fut nullement un drame pour elle. Des éléments, Peter en trouvera aussi dans le "journal" du défunt Klaus. Avec son frère aîné Filip, Klaus traversa l’époque chaotique de la guerre.

Thorsten fut probablement celui qui se posa le moins de question sur la construction de ce fameux tunnel. Ni hier, ni aujourd’hui, Thorsten ne s’est demandé pourquoi ce boyau de 188 mètres sous Berlin concernait l’évasion du seul Franz. Certes, il fut envisagé de faire passer quelques dizaines d’autres personnes, mais le risque semblait trop grand. Et puis, les années passèrent, jusqu’à ce que la réunification de l’Allemagne gomme cette histoire. Dans ce cas, pourquoi supprima-t-on l’alcoolique Klaus en 2000 ? Soucieux des détails, Peter parviendra à éclaircir les mystères de cette opération de naguère…

(Extrait) “Comme je l’ai déjà mentionné, c’est moi [Roman] qui avais suggéré à Franz de construire ce tunnel, car je ne voyais pas d’autre solution. Franz était tellement excité que, en l’espace de quelques mois à peine, il avait pris la décision de s’évader par la cave de l’un des immeubles situés à proximité du mur. Pas trop près, mais tout de même. Il me disait qu’il avait examiné le terrain dans les moindres détails. J’ignore comment il avait pu le faire, car les patrouilles sillonnaient souvent les quartiers frontaliers. Se balader près du mur aurait pu se terminer de manière tragique pour lui. Mais qui aurait pu dire ce qui passait par la tête de Franz ? Personne ! En quelques jours, il s’était procuré une carte détaillée du secteur avec toutes les mesures nécessaires…”

Berlin au temps du Rideau de Fer, de la Guerre Froide. Cette époque historique, on s’en souvient généralement en globalité. On pense à un noyau d’Allemands de l’Ouest isolés au milieu de la RDA avec ses pays satellites communistes ; aux "check-points" entre les deux moitiés de Berlin, franchissables sous strictes conditions. À partir de 1961, se produisirent de multiples tentatives d’évasion de l’Est vers l’Ouest, via des souterrains. Avec la bénédiction des services secrets alliés, et malgré la surveillance omniprésente des VoPos en face. Ces images, pas si lointaines dans le passé finalement, on a pu les voir ponctuellement, pour peu que l’on se soit intéressé à cette situation. Un contexte ambigu, et des tensions, dont les arcanes nous échappent peut-être encore.

Toutefois, ce ne sont pas seulement les grands moments qui font l’Histoire. C’est d’abord sur les populations qui les ont vécus qu’il est bon de se pencher. Par quel processus un homme tel que Klaus devient-il un "Fluchthelfer", coordonnant l’évasion des gens venus de l’Est ? Quel rôle fit-on jouer à des braves âmes comme Magda, à un solitaire du genre de Jürgen ? Des questions parmi tant d’autres, que l’on élucide en dressant le portrait de chacun. En donnant successivement la parole à ces témoins. Native de Gdansk, l’auteure décrit des personnages et des situations crédibles concernant le peuple polonais. Certains notables s’accommodaient fort bien du régime communiste, d’autres étaient motivés par l’espoir d’une meilleure vie à l’Ouest. Ce qui conditionnait la vie de chaque famille.

Évidemment, on trouve ici une intrigue criminelle, puisqu’un meurtre fut commis dix ans avant "l’enquête" de Peter Michalski. Cela rappelle la technique classique des "pièces du dossier", gardant néanmoins une excellente fluidité narrative. Au-delà de l’énigme, c’est la restitution du climat de ces décennies qui offre son principal intérêt à ce roman. Un polar noir de très belle qualité.

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