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FREDERIC PAULIN |
Le Monde Est Notre PatrieAux éditions GOATER |
209Lectures depuisLe jeudi 23 Mars 2017
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Une lecture de |
Collection Goater Noir N°17. Parution le 21 novembre 2016. 480 pages. 20,00€. La devise des Chiens de guerre ! Les hommes politiques, souvent par démagogie, regrettent souvent le nombre élevé de fonctionnaires et leur principale préoccupation est d'en diminuer le nombre. La plupart du temps pour des motifs cachés, des conflits d'intérêt, car le travail, quel qu'il soit, doit être assuré et dans ce cas, il faut passer des marchés auprès d'entreprises privées avec lesquelles ils entretiennent quelques accointances, souvent financières. Ancien légionnaire reconverti comme mercenaire, Maxence Stroobants a créé sa petite entreprise de sécurité avec son ami Blaskó, qu'il connait depuis toujours ou presque. Ils étaient sur tous les fronts et continuent. C'est leur vie. Ils aiment et ils assument. Pour l'heure, nous sommes en janvier 2014 à Falloujah en Irak. Stroobants et son équipe ont été engagés afin d'assurer la sécurité de l'ambassadeur des Emirats arabes. C'est l'une des premières missions confiées à la Stroobants Secure SA, dont Stroobants est le président et Blaskó le vice-président, et il ne faut pas se louper. Les Américains ont plié bagages depuis quelques semaines et les insurgés sont proches. Il faut exfiltrer l'Ambassadeur qui ne se rend pas compte du danger imminent. C'est une réussite qui appelle d'autres contrats. La petite structure prend de l'importance, les missions se suivent mais ne se ressemblent pas. Presque pas. A Bagdad, Stroobants et consorts doivent réceptionner à l'aéroport des colis légers, une métaphore pour désigner des passagers. Deux hommes en costume cravate et une jeune et belle femme aux yeux verts. Une gendarme nommée Grace Battilana. Stroobants est troublé par l'apparition de cette jeune femme à l'air déterminé. Grace Battilana a été affectée en Afrique pour des raisons personnelles, une forme de repentance. Et Grace, femme libre, n'invite dans son lit que celui qu'elle veut. Par exemple, son supérieur hiérarchique qui lui met la main sur le genou et la cuisse dans la voiture qui les emmène à une destination quelconque. Elle le rabroue sèchement devant des témoins gênés. Evidemment cette réaction ne plait pas non plus au commandant Frey-Lefèbvre. Mais avec Stroobants, les atomes crochus se sont immédiatement déployés, et une part de tendresse les lie au lit. Stroobants a décroché un marché au Niger dans la région d'Arlit, auprès de la société Areva. Toujours la sécurité à assurer, les mines d'uranium sont trop précieuses pour les laisser entre les mains de n'importe qui. Les coins périlleux ne manquent pas pour Stroobants et Blaskó, qui se trouvent sur tous les fronts avec leurs hommes. Il faut déplorer des pertes, ce sont les inconvénients de la guerre. A cause de son incompatibilité d'humeur avec son commandant, Grace est mutée dans une gendarmerie en Bretagne. Stroobants vient la rechercher et lui offre un poste de vice-président, conjointement avec Blaskó. Elle sera chargée de la partie financière, et grâce à une connaissance elle parviendra à effectuer un montage financier qui devrait leur assurer leurs arrières. Mais la roue tourne et pas toujours dans le sens souhaité. A cause d'un parlementaire aux dents longues, parlementaire d'opposition est-il besoin de le préciser.
Roman de guerre, de politique-fiction, de géopolitique, roman noir et de gangsters, Le monde est notre patrie est tout cela à la fois et même un peu plus. C'est également un docu-fiction fort intéressant qui nous plonge dans les soubresauts des pays du Moyen Orient et de l'Afrique, rongés par les conflits religieux et ethniques. Stroobants, l'homme à l'oreille coupée, un géant qui mène ses hommes au combat avec charisme, est un mercenaire comme les décrivait Jean Lartéguy dans son roman éponyme : " A ma connaissance, aucun mercenaire ne répond plus à la définition qu'en donne le Larousse :"Soldat qui sert à prix d'argent un gouvernement étranger". Les mercenaires que j'ai rencontrés et dont parfois j'ai partagé la vie combattent de vingt à trente ans pour refaire le monde. Jusqu'à quarante ans, ils se battent pour leurs rêves et cette image d'eux-mêmes qu'ils se sont inventée. Puis, s'ils ne se font pas tuer, ils se résignent à vivre comme tout le monde -mais mal, car ils ne touchent pas de retraite- et ils meurent dans leur lit d'une congestion ou d'une cirrhose. Jamais l'argent ne les intéresse, rarement la gloire, et ils ne se soucient que fort peu de l'opinion de leurs contemporains. C'est en cela qu'ils diffèrent des autres hommes." Son indéfectible ami Blaskó, l'Albinos, lui est tout dévoué et quasiment immortel. C'est l'homme de terrain sur lequel Stroobants peut compter lorsqu'il doit se rendre dans un autre endroit chaud ou négocier des contrats. Grace Batillana, tout comme Stroobants et Blaskó, possède ses fractures qui ont du mal à cicatriser. La vie n'est pas un long fleuve tranquille pour cette femme aux nerfs à fleur de peau. D'autres personnages apparaissent peu à peu dans cette galerie, comme ce jeune député aux dents longues, élu d'une modeste circonscription provinciale avec seulement quelques voix d'avance sur son adversaire politique, nommé président d'une commission parlementaire chargée de contrôler les finances de structures indépendantes comme Stroobants Secure S.A. S'il n'avait pas été dans l'opposition mettrait-il autant d'ardeur dans ses recherches ?
Au départ, je n'étais guère chaud pour lire ce roman, les lieux et les événements décrits ne m'inspirant pas, les journaux et magazines, la radio et la télévision s'étendant largement sur les épisodes sanglants et meurtriers qui secouent l'Irak, la Syrie et autres parties du monde pour des problèmes religieux et ethniques. Mais j'ai été entraîné, à mon corps défendant, par ces personnages qui tout en étant des chiens de guerre défendent une certaine idée de la liberté face à des bandits de grands chemins réunis en bandes organisées brandissant le Coran pour légitimer leurs exactions. Du moins c'est ce que l'on voit du côté occidental.
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