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JEAN-BERNARD POUY |
Revue “temps Noir” N°19Aux éditions JOSEPH K.Visitez leur site |
1105Lectures depuisLe mardi 2 Novembre 2016
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Une lecture de |
La revue “Temps Noir” n’est pas un magazine polar, mais une publication annuelle de référence pour celles et ceux intéressés par l’univers des littératures policières, d’hier et d’aujourd’hui. Animée par Franck Lhomeau, qui a en particulier le privilège d’avoir accès aux archives de la Série Noire, cette revue présente de précieux témoignages, documents et illustrations, sur ce genre littéraire et son histoire… -“On ne présente plus Jean-Bernard Pouy…” Il n’est pas rare que débute ainsi un article ou un interview consacrés à cet auteur de polars, créateur littéraire par excellence. Sans doute a-t-on tort de ne plus suffisamment rappeler le parcours du “père” de Gabriel Lecouvreur, Le Poulpe. Car les lecteurs risquent de ne retenir qu’une des facettes de J.B.Pouy. Soit c’est l’auteur labellisé Série Noire, où il publia une dizaine de titres, qui reste dans les mémoires. Soit on le situe comme initiateur de la série du Poulpe, où quasiment chaque roman est dû à un auteur différent. Ou alors, dans sa production disparate, on aura adoré quelques romans dont on se souvient encore. Certains, qui l’auront rencontré dans un des multiples festivals auxquels il participe, garderont l’image d’un J.B.Pouy qui les a tutoyés d’emblée, fraternellement, et leur a conseillé tel ou tel livre d’un confrère polardeux. Cet homme-là n’est pourtant pas monolithique, bien au contraire. L’étiqueter et le ranger dans une catégorie normative, ce serait ne rien comprendre au personnage Pouy. Ce sont des rencontres et des amitiés fortes (Daniel Pennac, Patrick Raynal) qui décidèrent de son destin. Non pas d’écrivain, qualificatif qu’il rejette, mais d’auteur passionné d’écriture. Un graphomane pour qui tout est source d’inspiration, d’exploration, d’utilisation. Il n’y a pas de calcul (sûrement pas de carriérisme), ni la moindre posture chez lui : jamais Pouy ne dit "non" quand on lui demande un texte inédit, car il entrevoit toujours l’occasion de se triturer les méninges et de gratter sa tignasse pour en sortir le meilleur possible. Il lui vient l’idée de lancer une collection, fût-elle improbable ? Il essaie. Des amis ont besoin ou envie de l’avoir au catalogue de leurs éditions ? Il accepte. Ne rien s’interdire. C’est Jean-Bernard Pouy dans la globalité de sa démarche que le lecteur doit chercher à approcher. L’entretien très complet qu’il accorde à Jean-Marie David dans le numéro 19 de Temps Noir permet de décrypter, derrière l’auteur de polar, ses motivations altruistes et ses plaisirs d’anar modéré. Avec en prime, une bibliographie intégrale et une iconographie incluant, hormis beaucoup de couvertures de ses livres, des photos plus rares. (On ne tardera pas à évoquer son nouvel ouvrage, “Le casse-pipe intérieur”, qui paraît en parallèle aux Éd.Joseph K) Si Pouy figure incontestablement parmi les auteurs de littérature populaire, il en est un autre qu’on a trop vite oublié : Francis Didelot (1902-1985), auquel Jacques Baudou rend un hommage amplement mérité. C’est à l’âge de trente ans que Didelot débute dans le roman policier. Avant-guerre, il publie des histoires énigmatiques fort bien ficelées, dont “Le suicide de Caïman” qui sera adapté au cinéma (“Les gosses mènent l’enquête”) ainsi que plusieurs autres de ses titres. Si son aventurier Samson Clairval n’est le héros que de deux romans, Dominique Lecain est le premier policier officiel qu’il va créer. Après-guerre, c’est le commissaire Bignon qui prendra la relève dans ses suspenses, avant que ne lui succède le policier Gaston Renard. Tous des "cousins" du commissaire Maigret ? Un air de famille, sûrement, mais les affaires traitées se distinguent de l’original, estime Baudou. Magistrat de formation, Francis Didelot est très convaincant aussi dans les énigmes aux ambiances judiciaires. Son roman “Le 7e juré” est probablement celui dont on se souvient le mieux, car il fut porté au cinéma par Georges Lautner, avec Bernard Blier dans une de ses plus belles interprétations. Si Didelot collabora à quelques films, il fut encore un très bon auteur de pièces radiophoniques, et le panel de ses créations est multiple (recensé intégralement à la suite de l’article). Une œuvre riche pour un écrivain aujourd’hui méconnu, ayant toute sa place dans le panthéon des grands noms du roman populaire. Des simples lecteurs jusqu’aux universitaires, nombreux sont ceux qui cherchent la clé qui ouvrirait la porte du cerveau de James Ellroy. Dans son article “Sweetest Taboo”, Frédéric Sounac s’efforce d’analyser "la représentation de l’homosexualité chez James Ellroy". On partagera son constat, ou pas. On ne peut qu’admettre la complexité de pensée de cet écrivain. Il décrit un temps où, de Montgomery Clift à J.Edgar Hoover en passant par Rock Hudson et bien d’autres, les homosexuels affichent une virilité de façade. Au fil de ses intrigues, Ellroy ne leur attribue généralement pas le beau rôle à ces délinquants ou ces criminels, à ces pervers de sodomites. En face, les flics et leur virilité violente, ça ce sont de vrais hommes. Sauf que, chez les policiers, la notion de "partenaires" introduirait une ambiguïté nuançant l’homophobie patente de James Ellroy. En relisant quelques titres de cet auteur, Frédéric Sounac pense avoir déniché de la tolérance homophile chez lui. Le dossier réalisé par Pierre Charrel s’intitule “D’après une histoire vraie…”. Ce qui pourrait faire tiquer certains lecteurs de polars noirs, peu partisans qu’une fiction s’inspire d’un fait divers, ou colle de trop près à un scandale médiatisé. Néanmoins, la spécificité du roman noir consiste à utiliser, en toile de fond ou au cœur de l’affaire, un contexte social réaliste. À travers des entretiens avec Dominique Manotti (sur l’or noir), Kishwar Desai (sur l’Inde), Anne Rambach (sur l’amiante), Leonardo Padura (sur Cuba), Nathalie Ferlut, Pierre Schoeller, Dominique Kalifa, Richard Birkefeld et Göran Hachmeister (sur Berlin), Xavier Mauméjean (sur Jack l’Éventreur), c’est autant l’intention de chacun des auteurs que le thème abordé dont il est question. -“Premier roman édité de William R.Burnett, "Little Caesar", l’ascension et la déchéance de César Bandello, le chef d’un gang italien de Chicago, a été porté à l’écran deux ans après par Mervyn LeRoy […] Ainsi, du 25 février au 5 avril 1933, la traduction de Marcel Duhamel paraît dans l’un des plus forts tirages de la presse parisienne, chaque feuilleton étant accompagné d’un bon de réduction de 2 Francs pour une place au cinéma Rexy, où repasse pour l’occasion le film. Cette traduction va bouleverser la vie de Marcel Duhamel et mettre fin à sa série de petits boulots.” Nul n’est censé ignorer que Marcel Duhamel fut le créateur de la Série Noire, aux éditions Gallimard. Mais, si l’on n’a pas lu son autobiographie “Raconte pas ta vie”, il est probable que l’on connaisse moins bien les jeunes années de Marcel Duhamel. Parlant la langue anglaise, il aurait pu être directeur de grands hôtels durant toute sa vie. Son amitié avec une bande de joyeux drilles en décida tout autrement. On ne fréquente par impunément les frères Prévert, le peintre Yves Tanguy, le poète Benjamin Péret, et tant d’artistes qui faisaient bouger la culture dans les années 1930. De petits rôles au théâtre et au cinéma, et surtout beaucoup de doublages de films, l’aideront à passer ce cap, tandis que la guerre approche. Franck Lhomeau retrace la vie de Marcel Duhamel jusqu’à la naissance effective de la collection Série Noire. Au sortir de la guerre, malgré la solidité de la maison Gallimard et un prometteur début de catalogue, pas simple d’attirer et de garder Peter Cheyney (par ailleurs auteur star des Presses de la Cité, rivales de Gallimard), James Hadley Chase ou Raymond Chandler. Se posent autant des questions de droits d’auteurs que de traductions. La trajectoire de Marcel Duhamel est hors norme, passionnante.
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