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ELENA PIACENTINI |
Carrières NoiresAux éditions AU-DELA DU RAISONNABLEVisitez leur site |
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Une lecture de |
Carrières NoiresElena PiacentiniEditions Au-delà du Raisonnable 2012Voici que l’on retrouve le commissaire Leoni, sauf qu’il n’est plus commissaire. Enfin, oui, mais non… Après le décès brutal de sa Marie adorée, qui a juste eu le temps de donner le jour à une petite Lisandra, Leoni prend le maquis, se retirant sur ses terres corses avec sa grand-mère, l’ineffable mémé Angèle. La mamie se charge du bébé, petite fille sans mère, et pas beaucoup de père, car la cruauté de son destin éloigne Léoni de tout et de tous de longs mois durant. Et puis la vie reprend ses droits, la petite Lisandra va séduire son papa et le rendre à la vie. Bien obligé de venir s’occuper à Lille des restes de sa vie d’avant, Leoni va retrouver le contact avec son ancienne équipe, dirigé par un commissaire calamiteux : conventionnel, trouillard et carriériste, pas beaucoup dans le citron, et rien dans le pantalon… dixit ses hommes. Alors qu’il s’est laissé entrainer à un concert par la belle Eliane, médecin légiste de charme très attirée par le flic, Leoni se trouve mêlé à l’enquête sur la mort suspecte d’une vieille sénatrice, particulièrement retorse. Notre commissaire corse ne peut croire que la vieille dame se soit vraiment injecté le flash de coke qui l’a tuée. La femme politique, vieille dure à cuire,rompue à toutes les magouilles, a patiemment façonné un neveu, le faisant élire député, usant de tous les moyens possibles pour en faire le prochain présidentiable de son bord. Lesquels moyens supposent un poil de chantage, un soupçon de menace et beaucoup de cynisme, le tout orchestré par un répugnant homme de main.Ajoutons à la sénatrice qui bien que morte, apparait en filigrane tout le long du roman, un personnage étrange, fracassé de la vie, qui ne se supporte que dans les couloirs obscurs d’anciennes cavernes sous Lézennes transformé en royaume sous-terrain. Et puis deux enfants disparus. Et enfin, cerise sur le gâteau, un trio improbable. Josy, Chantal et Marie-Claude. Trois galériennes rêvant de mettre quatre sous de côté pour partir en retraite ensemble, quelque part sur la côte. Un petit rêve de petite maison, pour des petites vies. Mais des femmes au grand cœur, pas épuisées par les ménages, pas déteintes par les lessives.Avec leur simplicité, leur chaleur, ces trois femmes éclairent tout le roman d’une lumière qui éclabousse même Leoni. On entend chanter les accents, le corse de la mémé, le lillois des copines, on renifle à plein museau l’odeur de la chicorée, on rêve de lier amitié avec ces femmes là. Déjà relevé dans « Un Corse à Lille », le traitement que fait Elena Piacentini de ses personnages au travers d’une écriture légère, mérite la plus grande attention. On n’est pas loin de l’humanisme rêveur d’une Fred Vargas, et la référence est plus que méritée. A quand le retour du commissaire ?
Les anciennes carrières de craie de Lezennes forment un véritable labyrinthe dans lequel l’homme se déplace avec assurance. Certaines galeries portent un nom comme la galerie Sans-Souci, d’autres n’ont pas été répertoriées, oubliées par la mémoire collective. Il les parcourt depuis sa plus jeune enfance, et il a tendu des cordes, véritable fil d’Ariane qui le conduisent avec sûreté là où il le désire. A l’âge de treize ans, le 13 août 1967, en conflit avec sa mère depuis des années, il a commencé à rédiger son journal. Depuis il en a noirci une bonne vingtaine et a nommé son domaine Invictus. Joséphine Flament, dite Josy pour tous donc pour nous aussi, approche de la soixantaine. Elle est restée célibataire par choix, habite la petite maison héritée de ses parents, et vit chichement en effectuant des ménages par ci par là. Elle a recueilli ses amies d’enfance, Chantal et Marie-Claude, qui ont goûté aux joies du mariage, joies accompagnées de coups à l’âme et au corps pour l’une, d’infidélités pour l’autre. Alors elles ont abandonné leurs conjoints respectifs et depuis toutes trois demeurent ensemble, dans une harmonie sans faille. Elles sont même allées en vacances à La Panne, une station balnéaire belge et elles en sont revenues émerveillées, avec l’espoir d’acquérir une petite résidence secondaire qui leur permettrait de s’évader de temps à autre. Seul problème, mais d’importance, les fonds dont elles disposent ne pourraient leur permettre que d’acheter un mur, et encore. Le hasard parfois réserve de bonnes surprises. Ainsi, employée quelques heures par semaines chez une vieille dame, Josy a trouvé dans le dressing (armoire-penderie en français, je traduis) de l’entrée, des billets pour un montant de dix mille euros. Elle les rend à sa patronne, mais l’idée germe en elle de visiter le coffre-fort de la vieille dame en demandant l’aide de son ami Angelo, spécialiste en braquages. Et comme il vaut mieux battre le fer, en l’occurrence l’argent, pendant qu’il est encore chaud, le coffre-fort est forcé, et son contenu emmené. Des bijoux dont elles ne peuvent se débarrasser car trop voyants, des documents à étudier et un peu d’argent. Justine Maes, quatre-vingt quatre printemps, sénatrice, ancienne résistante, envisage un avenir prometteur à son neveu Norbert Fauvarque, député-maire de son état et séduisant quadragénaire. Elle lui a prédit qu’il pourrait accéder aux plus hautes marches de l’Elysée avec un peu de travail et ses très nombreuses relations, hommes politiques ou personnes influentes. Elle lui avait déclaré alors qu’il était encore jeune : Tu vas commencer par réussir le concours de l’ENA. Nous avons le temps de décider quel parti correspond le mieux à ton tempérament. Quel que soit celui que tu choisiras, garde en mémoire que tes ennemis les plus dangereux seront dans ton propre camp. Un carnet d’adresses bien fourni, un portefeuille bien rempli, un homme de main, un factotum, fidèle, René Laforge, au regard de fouine, tout concourt pour qu’elle vive encore de nombreuses années. Le commandant Pierre-Arsène Leoni, ou plutôt l’ex-commandant car suite à la mort brutale de sa femme il a préféré se mettre en disponibilité et rejoindre sa Corse natale, le commandant Leoni donc est de retour à Lille afin de régler des affaires familiales mais également sous l’impulsion d’Eliane Ducatel, médecin légiste et accessoirement son amie. Les hommes composant son ancienne équipe, le sachant devant sa maison qui est promise à la démolition le rejoignent. Ils se plaignent de leur nouveau commandant, Vidal, un fonctionnaire borné plus qu’un homme de terrain. En compagnie d’Eliane et de son neveu Baptiste atteint d’une forme rare d’autisme, Leoni va assister à un concert que l’adolescent doit donner dans une maison de retraite. Mais la propriétaire de la résidence pour seniors (ou personnes âgées, c’est comme vous voulez, moi cela ne me gêne pas) est en retard. Une habitude mais ce soir là, l’attente est un peu longue. Alors Eliane et Leoni décident de se rendre chez la vieille dame, dont la demeure se dresse à une cinquantaine de mètres de là, pour découvrir un cadavre. Celui de Justine Maes, la sénatrice. Un accident cardiaque selon toutes vraisemblances, mais Eliane qui connait son métier prétend qu’une autopsie devrait être réalisée. Ce qui n’est pas du goût de Vidal qui n’apprécie pas qu’on empiète sur ses plates-bandes. Et puis à quoi correspond ce coup de téléphone émanant d’une personne qui aimerait échanger des documents contre une forte rançon ? Et pourquoi enquêter sur la mort d’une sénatrice octogénaire alors que deux enfants ont disparu ?
Tous ces personnages sont comme les membres, jusqu’aux doigts et aux orteils, et la tête d’une marionnette dont les fils seraient attachés aux mains d’Elena Piacentini. Elle les fait évoluer, remuer, se secouer, brasser de l’air, gigoter, danser, avec dextérité, virtuosité et souplesse. Au début le lecteur n’aperçoit qu’une partie du corps, puis une autre, encore une, et peu à peu tout est relié, prend forme et le spectacle peut commencer. Mais il ne faut pas croire que ce pantin est squelettique, étique, hâve. Au contraire, nous sommes en présence d’un être charnu, polychrome, à l’humeur changeante, virevoltant, nous adressant même quelques clins d’œil. Elena Piacentini nous fait visiter les galeries souterraines d’une ancienne carrière de craie qui circulent sous Lezenne, et dont certaines cheminées sont reliées aux caves des maisons. Elle nous emmène également sur les berges du Lac bleu, mais il ne s’agit pas d’établir un documentaire. Elle s’en sert comme décor pour certaines scènes, en instillant un sentiment d’inquiétude propice à tenir le lecteur en haleine et le faire frissonner. Si les carrières sont plongées dans le noir presque absolu, en surface, c’est la pénombre qui entoure crimes et méfaits. Elena Piacentini offre parfois un lumignon afin d’éclairer quelques événements, mais la lueur est rapidement écartée au profit d’un autre épisode tout aussi sombre. Jusqu’à ce qu’enfin, le lecteur débouche du tunnel, ébloui. Et la morale là dedans me demanderez-vous avec justesse. Ne vous inquiétez pas, l’ex commandant Leoni s’arrangera avec elle le moment venu, tout comme il s’aménage une porte de sortie avec Eliane Ducatel. Mais chut, nous entrons dans le domaine privé. C’est le premier roman d’Elena Piacentini que je lis. J’avais lu ici et là des échos élogieux à propos de ses précédents ouvrages, et maintenant je peux confirmer, Elena Piacentini a tout d’une grande.
Âgée de quatre-vingt-quatre ans, la sénatrice Justine Maes conserve une grande influence dans la région lilloise et au-delà. Ancienne Résistante, veuve d'un riche Écossais, son parcours politique lui a permis de peser sur les sphères dirigeantes du pays. Sans doute la craint-on encore, car cette femme de réseaux possède des dossiers compromettants sur bien des gens haut-placés. Au besoin, son consciencieux homme de mains René Laforge est capable de régler les situations épineuses. Justine Maes prépare sa "succession" en la personne de Norbert Fauvarque, son neveu. Elle pense qu'il a l'étoffe d'un Président de la République. Du moins si ce petit notable séducteur ne commet pas trop d'erreurs. Un problème inattendu survient chez la sénatrice. Son coffre-fort a été cambriolé : argent, bijoux, et surtout dossiers ont été volés. Joséphine Flament, avec ses amies Marie-Claude et Chantal, sont des sexagénaires n'ayant jamais été fortunées, ni chanceuses. Pourtant, elles rêvent d'un achat immobilier à La Panne, station cossue de la côte belge. Femme de ménage au service de Justine Maes, Joséphine a pris conseil auprès d'un truand local afin de s'attaquer au coffre de la vieille sénatrice. Tout s'est passé à merveille. Encore que Josy et ses copines ne sachent pas trop comment tirer de l'argent grâce aux dossiers dérobés. Laforge ne soupçonne pas la femme de ménage, mais il va mener son enquête. Le commandant de police lillois Pierre-Arsène Leoni s'est mis en disponibilité après la mort de sa compagne. Avec son bébé Lisandra, il s'est réfugié en Corse, auprès de sa Mémé Angèle (soixante-quatorze ans), assez vaillante pour élever l'enfant. Néanmoins, devant revenir brièvement à Lille, il retrouve son ancienne équipe de policiers. Ils l'apprécient bien davantage que Clément Vidal, le nouveau chef qu'on leur a imposé. Leoni renoue avec son amie de cœur Éliane Ducatel, dynamique médecin légiste. Alors qu'ils se trouvent ensemble, ils sont amenés à constater le décès de Justine Maes, à son domicile. Selon la légiste Éliane, il s'agit d'une mort plutôt suspecte. Une autopsie, ce n'est pour plaire ni au policier Vidal, ni à Norbert Fauvarque. Un risque pour leur image, déjà que le neveu de la sénatrice est flanqué d'une épouse alcoolique et fade, Domitille. Malgré tout, le Corse et Éliane sont bien décidés à enquêter. Bien que ses collègues soient mobilisés par la disparition de deux enfants, Théo et Sophie, Leoni peut compter sur eux. Pendant ce temps, un personnage rôde dans les carrières de la petite ville de Lezennes, non loin de là. Pour celui-ci, longtemps mal traité par la vie, ces galeries souterraines sont devenue le royaume d'Invictus. Cette ombre observe, surveille, fuyant ceux d'en-haut. Si le policier Vidal se croit efficace, Leoni et Éliane le sont encore plus… Lorsqu'on lit beaucoup, il arrive que l'on se trompe sur le potentiel d'un auteur débutant. Il est vrai que, outre l'écriture et le talent proprement dits, une certaine ténacité s'avère nécessaire pour s'inscrire dans la durée. Quand fut publié en 2008 “Un Corse à Lille”, pas besoin d'être devin pour comprendre que cette Elena Piacentini appartenait à la catégorie des romancières pleines d'avenir. Son éditeur Gilles Guillon n'en doutait pas, et quelques chroniqueurs mirent en valeur ses premiers livres. Le festival Polar'Encontre (près d'Agen) ainsi qu'Ugo Pandolfi et leurs amis de Corse lui apportèrent aussi une "visibilité". Puis, en complicité avec sa nouvelle éditrice, le nom d'Elena Piacentini s'imposa. Aujourd'hui, ses romans commencent à être disponibles en format poche. À découvrir sans plus tarder ! Inutile d'épiloguer sur “Carrières noires”, un suspense sinueux et diablement captivant. Un pur bonheur pour les lectrices et les lecteurs de polars de qualité. |
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