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ELENA PIACENTINI |
Des Forêts Et Des âmesAux éditions AU-DELA DU RAISONNABLEVisitez leur site |
2126Lectures depuisLe mardi 12 Aout 2014
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Une lecture de |
Experte en informatique, la frêle Aglaé Cimonard appartient à l'équipe du commandant Pierre-Arsène Leoni, à la Brigade criminelle de Lille. Sans doute est-elle la plus discrète du groupe, qui ignore tout de sa vie. On la surnomme Fée. Victime d'un accident avec une voiture pendant son jogging, l'agente Cimonard a été hospitalisée. Elle est dans le coma. Doutant d'un simple choc accidentel, Leoni prend l'affaire au sérieux. Dans l'appartement de la victime, ordinateurs et matériel technique ont d'ailleurs disparu. Elle est mise sous protection policière à l'hôpital. Il s'avère que la jeune femme a changé d'identité. Fille métissée d'une Chinoise, elle s'appelait Feng Leveneur. Sa vie a basculé à cause d'un drame familial. Une bonne raison de tourner la page, en changeant de nom. Pendant une récente semaine de congés, Aglaé-Feng a pris contact avec Sophie Delaunay à Wissemberg, bourgade de trois cent habitants dans les Hautes-Vosges. Une piste que Leoni va explorer avec sa compagne, la médecin légiste Éliane Ducatel. Ils louent un gîte dans la région, tandis que Mémé Angèle – la grand-mère de Leoni, qui s'occupe de sa fille Lisandra – va tenter d'aider la victime. Tous les jours, la vieille Corse se rend à l'hôpital pour veiller sur Aglaé-Feng, espérant susciter une réaction de sa part. À Wissemberg, si le couple est bien accueilli par le loueur Fredo, la population pratique une certaine omerta au sujet de Sophie Delaunay. Ou plutôt, concernant l'établissement de soins pour adolescents dépressifs, où est elle employée comme beaucoup de gens d'ici. Peu d'infos non plus sur la disparition de Mathieu Perrin, Juliette Becquart et Lucas Simler, trois ados traités au Centre Anna-Demange. Trois semaines plus tôt, le trio s'est enfui en volant la voiture de la directrice et de l'argent. Ils étaient devenus très complices depuis leur arrivée au Centre. Alors qu'ils sont reçus par Évelyne Thouvenot, directrice de cet établissement depuis l'origine, Leoni et Éliane apprennent la mort de Sophie Delaunay. Sa chute dans le massif montagneux environnant n'est sûrement pas due au hasard. Leoni et les gendarmes intervenus sur place sympathisent, n'ayant pas de raisons d'être rivaux. À l'hôpital de Lille, Mémé Angèle repére ce qui semble être une fausse infirmière. Il faut renforcer la surveillance autour d'Aglaé-Feng, dont l'état s'améliore vaguement. Le fondateur du Centre, c'est le médecin Élias Marchal. L'établissement porte le nom de sa défunte épouse Anna, décédée prématurément. Si Évelyne Thouvenot lui est fidèle, il n'a jamais voulu en faire son amante. Élias Marchal fut naguère l'inventeur d'un médicament sédatif aux effets secondaires dévastateurs, bien que le Zolopram n'a jamais été interdit. Aujourd'hui, avec le groupe pharmaceutique Akos dont il est un des directeurs, il lance un nouveau médicament, le Selenor. À cause d'une récente visite contrariante, menaçante pour sa réputation, Élias Marchal s'est isolé dans son chalet de Wissemberg. Il laisse au nommé Ferreira le soin de régler certains problèmes. D'autres morts violentes, passées ou à venir, risquent d'endeuiller ces décors forestiers… Après la belle réussite de son cinquième titre, “Le cimetière des chimères” (2013), Elena Piacentini n'avait pas le droit de décevoir son public. Elle est certainement consciente de cette exigence. Une manière de ne pas se répéter consiste à changer d'ambiances. On va donc s'éloigner de la métropole lilloise, non pas en direction de la Corse natale de Leoni, mais vers les Vosges. Dans ces paysages de vallées et de forêts, le climat serait apaisant si l'on n'y commettait aussi quelques crimes. Bien qu'elle nous décrive la réelle beauté des lieux, l'auteure ne s’appesantit pas sur de redondants clichés. Par exemple, on dessine une fois pour toutes le village ou le bâtiment du Centre de soins Anna-Demange. À noter au passage que ce nom de famille, Demange, et ses déclinaisons sont très courant dans ce département lorrain. L'incontournable Mémé Angèle est heureusement présente, avec ses délicieux aphorismes en langue corse et sa tendresse naturelle. Soulignons le rôle actif de la médecin légiste Éliane au côté de son compagnon Leoni. Outre l'équipe de policiers, et le cas singulier d'Aglaé Cimonard, on rencontre ici des personnages possédant de vrais caractères. Tels le loueur de gîte et éleveur de canards Frédéric, et la directrice trop soumise Évelyne, ou encore le couple de gendarmes associés à l'affaire. L'écriture nuancée nous permet de capter la nature intime de ces protagonistes. En toile de fond, c'est du bizness des médicaments (et ses faramineux profits) dont il est question. À la suite du roman, Elena Piacentini explique sa réflexion à ce sujet. Pour élargir le marché, on “crée” de nouvelles maladies ou des problèmes psychologiques pas si avérés. Si la population mondiale est visée commercialement, les enfants sont une cible prioritaire : “Votre enfant se montre agressif ? Il est hyperactif. Il est victime de sautes d'humeur ? Il est bipolaire. Il a du mal à se concentrer pour faire ses devoirs ? Il fait preuve d'un grave déficit d'attention. Les prescriptions de psychotropes s'envolent, alors que les effets à long terme de ces molécules, notamment sur le développement du cerveau, sont mal connus.” Il semble que les méfaits annexes de certains traitements n'entament pas la bonne conscience des industriels de la pharmacie, ni de quelques médecins complices. L'affaire du Mediator en a témoigné. On pourrait qualifier ces milieux de mafias, pour leurs pratiques souvent occultes, ou du moins opaques. Avec “Des forêts et des âmes”, un suspense d'enquête aussi réussi que les précédents, Elena Piacentini confirme ses qualités de romancière. Récompensée par le Prix Calibre 47 et par le Prix Soleil Noir en 2014, c'est une auteure dont il faut lire tous les livres.
Aussi, Leoni se sent touché quasiment dans sa chair quand Aglaé Cimonard, dite « Fée », la spécialiste informatique de son équipe, se trouve gravement blessée, renversée par une voiture qui a pris la fuite. Se rendant chez son adjointe pour rapporter quelques affaires à la jeune femme plongée dans le coma, Leoni découvre que les lieux ont été visités. Il comprend que le hasard ou la malchance n’ont rien à voir avec ce qui devient donc une tentative d’homicide. Fée, jeune femme d’origine asiatique exemplaire de discrétion, fuyant les contacts, cache de lourds secrets dans son passé. Malgré sa répugnance à violer l’intimité de la jeune femme, Leoni et ses gars vont décortiquer la vie de leur collègue pour comprendre. L’enquête va les mener sur les pas discrets de la jeune enquêtrice, et dans le sillage laissé par ses déplacements dans les Vosges pendant quelques jours de vacances. Ils vont mettre au jour des événements étranges, dont la disparition de trois patients d’un centre pour jeunes en difficultés. Mathieu, Lucas, Juliette, dont l’incipit raconte le passé poignant. C’est donc le sixième opus de la série « un flic corse à Lille » d’Elena Piacentini. Sans doute, dans celui-ci, peut-on dire qu’elle a porté son art à la maturité. Elle a construit un univers dont ne sont pas exclues les vilenies de notre temps. Ici, on découvre l’absence criminelle de scrupule d’un laboratoire pharmaceutique. Fiction, vous avez dit fiction ? Elena Piacentini tempère cependant cet arrière fond noir par une infinie tendresse pour ses personnages : les petits défauts des uns et des autres, dont elle arrive à faire des caractéristiques sympathiques, la grand-mère qui distille son amour dans des plats mijotés … la description de la nature : ici, les sapins noirs des Vosges, l’air de la montagne sont dépeints avec une poésie presque poignante. Sans exclure un talent pour les scènes d’amour, belles sans crudité, infiniment sensuelles. On sent les qualités de la femme dans l’épaisseur de la trame romanesque et on apprécie les qualités de l’écrivain dans l’apparente simplicité, fluide, légère, de l’écriture. Elena Piacentini est entrée dans la cour des grands. Celle où règne Fred Vargas et son commissaire Adamsberg amoureux des nuages auquel Leoni répond par une âpreté corse non dénuée de douceurs. Ceux dont on attend avec impatience chaque sortie et qui savent se renouveler dans la fidélité. |
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