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STEPHANE PAJOT |
Deadline à OuessantAux éditions ATELIER MOSESUVisitez leur site |
930Lectures depuisLe dimanche 23 Juin 2013
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Une lecture de |
Luc Mandoline est thanatopracteur, métier consistant à préparer les défunts. Médecin légiste, ça lui aurait bien plu. Mais ses études bifurquèrent, et il s’engagea dans la Légion étrangère pendant huit ans. Se liant d’amitié avec le légionnaire Sullivan, Luc a découvert la thanatopraxie. À sa sortie de la légion, il se lance dans cette profession d'embaumeur. Il sera itinérant, car le besoin de remplaçants se fait sentir partout en France. Une mort peut être entourée de certaines étrangetés. Bien qu'il ne soit pas enquêteur, c'est ainsi que Luc est impliqué dans des affaires énigmatiques. Cette fois, l'Embaumeur prend la direction de l'île d'Ouessant, au large du Finistère. Son vieux copain Pat Kerbili a disparu avec d'autres dans un naufrage. Il n'y a qu'un seul rescapé, en piteux état à l'hôpital de Brest. Mona, la vieille mère de Pat, tient à ce qu'un hommage posthume soit rendu à son fils. Tradition insulaire à laquelle Luc est invité. Sitôt débarqué, l'Embaumeur assiste à une scène dramatique. Une dispute oppose Simon Terrien et Hector Tramor, deux purs îliens octogénaires. Bousculé, le second meurt à cause de sa chute, tandis que Simon s'éloigne. Les villageois prient Luc de ne pas témoigner, de ne pas mêler la maréchaussée à l'affaire. L'Embaumeur ne tarde pas à repérer le plus accueillant commerce du bourg de Lampaul, le café-boulangerie de Phiphi. Il devient vite ami des piliers de ce bistrots, qui sert un cocktail ravageur. Parmi les habitués, comment ne pas remarquer Chiquita, la punkette férocement sensuelle, digne d'une chanson de Jean-Patrick Capdevielle ? Qu'on ne sache pas grand chose sur cette Lise Jordanie importe peu, ici. Plus inquiétante est l'ombre fantomatique qui rôde, à la nuit tombée, dans le cimetière en face du bar, surveillant probablement Luc et ses nouveaux potes. Quant aux messages que l'Embaumeur reçoit par SMS, il y comprend moins que rien. C'est généralement dans un bar nantais d'habitués qu'on trouve Arlock, camarade hacker de Luc. Depuis Ouessant, l'Embaumeur le charge de décrypter lesdits SMS. Mais Arlock garde aussi un œil sur un curieux cow-boy qui fréquente ces jours-ci son bistrot préféré. Un bluesman, peut-être, mais pas sûr qu'on puisse s'y fier. À Ouessant, les piliers du café-boulangerie ont déniché l'épave d'une barrique d'alcool, du raide qui se laisse boire. Sauf qu'ils vont avoir une surprise en voyant ce qu'il y avait à l'intérieur. Le cas des deux vieux, Simon et Hector, toute la population de l'île le connaît plus ou moins. Simon, obsédé par le général de Gaulle. Un passé aux désagréables engagements pour Hector. Et il y a toujours ces types qui rôdent, celui du cimetière et son frère, des Anglais. Quant au naufrage de Pat et de ses copains, sans doute la vérité doit être rester confidentielle. Ce qui n'empêche pas Luc d'essayer de comprendre tout ce qui se passe sur Ouessant... Au lieu de “Deadline à Ouessant”, on pourrait proposer un titre de substitution : “Les fantômes de l'apéro”. Car Luc Mandoline, expert ès-défunts, reste un bon-vivant. Plutôt adepte de ces breuvages curieux comme on en buvait jadis chez Lulu la Nantaise, que de la consommation d'eau plate. Plus sûrement fidèle au rock ou au blues, qu'au requiem. Plus attiré par une mystérieuse punkette que par de dignes vieilles dames, aussi. Du moins dans cet épisode, car Luc Mandoline est le héros d'une série façon Le Poulpe, où chaque roman est dû à un auteur différent. Il est certain que Stéphane Pajot apporte son propre univers à cette histoire. Avec les références et anecdotes qu'il a pu glaner, dans sa quête d'insolite. Même s'il s'agit d'une fiction, nul doute qu'il nous présente un visage de l'île d'Ouessant, telle qu'il la connaît. Pas seulement à travers ses tavernes. N'évoque-t-il pas le rite du proella, qu'on ne pratiqua qu'ici, jusqu'en 1962 ? Il n'y eût pas qu'Anatole Le Braz pour l'évoquer. Dans le roman de Serge Laforest “Les croix de cire” (Fleuve Noir 1964), un policier se donne pour mission de “retrouver votre fils afin que vous ayez autre chose qu'une croix de cire à porter au cimetière, au prochain pardon des trépassés.” Pour en revenir à l'intrigue, il ne s'agit pas d'un roman d'enquête. C'est un vrai suspense, qui s'agrémente de scènes souriantes, mais également de passages bien plus sombres ou agités. Après “Carnaval infernal” (Léo Tanguy) et “Aztèques freaks” (Le Poulpe), Stéphane Pajot s'approprie avec une certaine réussite cet Embaumeur. |
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