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DAVID PATSOURIS |
Cognac BluesAux éditions LE ROUERGUE |
1266Lectures depuisLe mardi 19 Mars 2013
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Une lecture de |
Cognac est en ébullition. Mécontents, pas loin d’être enragés, les viticulteurs font le blocus de la ville. Preuve de leur détermination, ils manifestent en septembre alors qu’ils doivent s’occuper bientôt des vendanges. La crise qu’ils traversent, c’est forcément de la faute de l’État. Les syndicats viticoles ne lâcheront rien, on exige des subventions. Dans l’ombre, le nommé Guitton se charge d’alimenter les rancœurs. Du folklore contestataire, dont la plupart des vignerons ignorent qui tire les ficelles. Ou ils oublient que ce sont les multinationales qui ont racheté la totalité du négoce de l’alcool produit dans la région. Longtemps, chacun a profité de la manne financière faisant prospérer le Cognaçais. Désormais, la ville et ses alentours n’obtiennent que le minimum, les groupes commerciaux internationaux se goinfrant sans vergogne. Avec la complicité des chefs de syndicats viticoles. Bernard Bellion avait fini par en faire les frais. Il s’opposa à ce système, créant sa propre structure syndicale. Il vient de le payer de sa vie. À coups de batte de base-ball, il a été massacré dans ses vignes. Une exécution. Décidée par le Boss des viticulteurs, organisée par Guitton, réalisée par Charly et son complice Thierry. Charly, âgé d’environ trente ans, cynique, solitaire car estimant ne pas avoir besoin d’amis. Il habite Royan, déteste le plat paysage des vignes mais adore son bord de mer, pratique le surf. Même très bien payé pour tuer, lui qui a effectué quatre missions meurtrières, Charly est réaliste sur sa position de larbin. Si les viticulteurs restent dupes, lui connaît ceux qui les trahissent, les cocufient. Figeol, sous-chef de leur syndicat, n’a pas les épaules aussi solides que leur leader. Ce dernier n’est lui-même qu’un guignol, estime Charly. Mais un puissant guignol, dont il convient de se méfier. D’autant que le suicide de Thierry au lendemain de l’exécution, ça peut faire tache. Guitton l’avait imposé à Charly, qui ne le trouvait absolument pas fiable. Quand Bernard Bellion est retrouvé mort quelques jours plus tard, il y a évidemment enquête criminelle. Dans le contexte de l’agitation qui continue à Cognac, pas grand risque qu’on suspecte un jour Charly. C’est sur la plage de Nauzan que Charly fait la connaissance de la brune Gail. Il ne fait guère d’effort, c’est elle qui le drague. Elle est vendeuse saisonnière dans une boutique de fringues. Le sexe laisse bientôt la place aux sentiments, sans doute pour la première fois dans la vie de Charly. Tant pis s’il ne peut guère lui avouer sa réelle activité de tueur, s’il doit se faire passer pour un rentier. Il admet que cette relation, même s’il garde un certain mépris envers les autres, change sa vision des choses. Au point de refuser froidement une mission proposée par le Boss en personne. Charly est lucide : “L’amour est une bulle à la con, qui ne reste jamais bien longtemps étanche aux emmerdes.” À un moment, sûrement, il devra tout dire à Gail. En attendant, malgré les conseils de Guitton, il tarde à quitter Royan. Pourtant, la sourde menace est bien présente autour de lui, et de Gail. Se vider la tête en surfant ne suffira pas à écarter le danger… D’abord, il ne s’agit en rien d’un roman d’enquête, d’un assassin à identifier, ni d’un mystère à élucider. Celui qui nous parle se veut un pro du crime, parce que cette marginalité lui convient. Hélas, avoir des états d’âmes, ça vous gâche le meilleur des tueurs à gages. “J’incarne le mal. Je suis la mauvaise conscience de tout leur bordel cognaçais. Je suis le nuage noir à vomir… Peut-être suis-je le fantôme absolu, rien qu’un rêve, rien qu’un cauchemar qu’on rappelle de temps en temps à la réalité, histoire de bien la bousculer, de bien l’inverser…” Charly n’ambitionne pas les prouesses criminelles, il sait n’être qu’un exécuteur salarié, qu’un employé, un sans-grade. Il est au service des puissants, ne les respectent pas plus qu’il n’est respecté. D’où sa tentative de changer de vie. Ensuite, c’est un premier roman, donc pas exempt de défauts mineurs. Il est bon de situer l’action, pas d’abuser quelque peu des noms de lieux. N’empiétons pas sur le boulot des GPS. En outre, on risque les redondances quant au néfaste rôle des financiers et de leurs complices locaux. |