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MARC PASTOR |
La Mauvaise FemmeAux éditions JACQUELINE CHAMBONVisitez leur site |
1366Lectures depuisLe vendredi 7 Juillet 2012
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Une lecture de |
Vers 1917, Moisès Corvo est policier à Barcelone. Mal marié, il passe le plus clair de son temps dans les quartiers miteux de la ville. Il traîne entre les prostituées et les bars, l’imprimerie de son frère Antoni et le cinéma Napoleón où il a droit à des séances spéciales. Corvo n’est guère apprécié de sa hiérarchie, ni de certains de ses collègues, tel l’inspecteur Buenaventura Sánchez, du genre flic parfait. Il enquête généralement avec le policier Juan Malsano, tous deux s’entendant assez bien. Le meurtre en pleine rue d’un traîne-patin appelé Le Borgne n’est pas une affaire de grande importance. Pourtant, il porte des traces de morsures, que l’on pourrait attribuer à quelque monstre. À l’autopsie, il est impossible de déterminer quelle est l’arme du crime. Le Borgne et son jeune complice Bocanegra étaient employés par un médecin, pour lequel ils volaient des cadavres. Corvo et Malsano ne tardent pas à retrouver le Dr von Baumgarten. S’il ignore les causes de la mort du Borgne, l’Autrichien ne nie pas le trafic de cadavres. Il s’agit d’expériences scientifiques. Son étude des monstres humains doit aller plus loin que celle du Pr Lombroso, basée sur un échantillon trop restreint. Le médecin ne déplait pas à Corvo, mais peut s’avérer suspect. Le duo de policiers à vite repéré Bocanegra, qu’ils bousculent pour l’obliger à parler. Le jeune homme accuse trois Nègres de la mort du Borgne, affirmant qu’ils pratiquent des rites sanguinaires. On arrête bientôt ces Africains, ce qui octroie quelques jours de repos à Malsano et Corvo. De son côté, Bocanegra est engagé par la mystérieuse Enriqueta, une femme influente des quartiers miséreux de Barcelone. Elle l’initie aux milieux qu’il va fréquenter, ainsi qu’aux risques des missions qu’elle veut lui confier. La disparition d’enfants de prostituées n’entraîne évidemment aucune enquête de police. Bien qu’au moins huit gosses aient disparu, on parle encore de rumeurs. Connaissant plusieurs de ces filles, Corvo tente quand même d’obtenir des détails sur ces probables kidnappings. Malsano estime son entêtement bien inutile. Le duo interroge un vieux pédophile ayant fait de la prison, Bernat Argensó. Pour lui, le coupable est un vampire, qui a besoin du sang des enfants. S’il en est un qui connaît la dangerosité d’Enriqueta, c’est son père Pablo Martí. Mais ce n’est pas la police qui l’interroge. Le jeune Bocanegra est, lui aussi, témoin de la cruauté d’Enriqueta envers un bébé. Comme tous ceux qui approchent cette femme, il reste fasciné par sa personnalité. Entre la perversité monstrueuse d’Enriqueta, et le vampirisme, accrédité par le Dr von Baumgarten, Corvo s’enfonce dans cette affaire sans garantie d’en trouver le dénouement… Bien que le contexte de la Catalogne fin 19e-début 20e siècle soit restitué avec un soin admirable, voilà un roman à ne pas lire comme un simple polar historique. Il est d’abord bon de retenir que Corvo est un policier hors norme, dont on découvre peu à peu les facettes. Il n’est pas exagérément cultivé, mais connaît les textes d’angoisse de Robert Louis Stevenson, Sherlock Holmes et le Chevalier Dupin. Il se fond sans mal dans cette atmosphère plutôt glauque des quartiers mal famés de Barcelone. Ambiance étrange, cruelle et troublante, qui donne son charme à cette histoire d’une grande noirceur. Soulignons qu’un aspect narratif peut gêner certains lecteurs, du moins tant qu’on ne l’intègre pas. En effet, un personnage asexué qui parle au présent intervient ponctuellement dans le récit : il s’agit de la Mort. Elle rôde autour des protagonistes, ombre inquiétante toujours présente. Le cas d’Enriqueta (inspirée d’une vraie criminelle de l’époque) ne peut laisser la Mort indifférente, bien sûr. Un suspense insolite, sombre et magnétique, très réussi. |