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JEAN-BERNARD POUY |
Samedi 14Aux éditions LA BRANCHEVisitez leur site |
3081Lectures depuisLe vendredi 7 Octobre 2011
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Une lecture de |
Ils se tiennent aujourd’hui peinards, les activistes d’ultragauche, les semeurs de foutoir et autres provocateurs de pagaille. Le collectif Van Gogh, par exemple, on n’en entend plus parler. Souvenez-vous de ces activistes qui coupaient l’oreille de nos dirigeants avant de les relâcher. S’ils ont disparu dans l’anonymat, leur chef Maxime Gerland reste un des hommes les plus recherchés de France. Qui penserait qu’il vivote dans un bled de la Creuse, ce quinquagénaire un peu usé ? Un jardin avec quelques pieds de cannabis, un exemplaire en Pléiade des romans de Raymond Queneau, un voisinage pas trop curieux. Il aspire à la tranquillité sous le nom de Maurice Lenoir. Mais un nouveau ministre de l’Intérieur a été nommé le vendredi 13 mars. Comment aurait-il fait le rapprochement entre ce Stanislas Favard et le vieux couple Kowa, ses voisins immédiats ? Ce sont les parents du ministre. Pour l’ancien activiste, voilà le début des emmerdes. Les forces de polices ont envahi la contrée. Gerland-Lenoir négocie sa liberté surveillée avec Dormeaux, l’agent de la DCRI (ex-Renseignements Généraux), qui ne l’a pas reconnu. L’ambiance vire vite au pénible : “En attendant, il faisait bleu. Ce n’était pas la teinte d’un ciel de printemps inespéré, non, c’était la couleur des uniformes disposés autour de moi et de ma petite maison, comme une haie de thuyas. Et ça commençait déjà, au bout d’une semaine, à me courir sérieusement sur le haricot.” Tant qu’à courir, puisqu’on a réveillé son instinct d’activiste, autant posséder une longueur d’avance. Le voilà qui file en train, de Châteauroux à Lorient, du Havre jusqu’à Annecy. Dans une cache, il a récupéré un peu de fric, une arme et des papiers d’identité. Dormeaux est invité par sa supérieure de la DCRI, Yvonne Berthier, à aller se placardiser à Saint-Hilaire-de-Riez, charmante commune côtière de Vendée (treize kilomètres de plage). Se faisant appeler Patrick, l’activiste s’installe à Ginostra, dans la baie de Naples, à l’ombre du volcan Stromboli. Justine, une jeune Française y séjourne déjà. Elle ne tarde pas à être séduite par cet énigmatique Patrick. Une relation amoureuse éphémère, sous l’égide de Queneau. La demoiselle n’est pas n’importe qui, on le verra. Retour en France, détour par Bordeaux pour endosser encore une autre identité. Berthier et Dormeaux, finalement indispensable à sa chef, le traquent toujours en vain. “La cavale était comme une douce psychanalyse. Pour me pister, pour qu’un profiler quelconque prévoie ma prochaine étape, bon courage. Le zigzag analytique comme style de vie.” Les médias sont informés des diverses casseroles, des pires secrets du Ministre de l’Intérieur. Ses relations intimes avec une banquière suisse ou son tableau hérité d’une spoliation, ça fait tache. Tout en restant méfiant, l’ex-activiste va trouver un allié inattendu. On ignore si ses tribulations de l’emporteront jusqu’à Comodoro Rivadavia, mais un peu de bonheur à l’horizon lui ferait le plus grand bien… On imagine Patrick Raynal lui exposant la thématique de la collection Vendredi 13, et Jean-Bernard Pouy répondant : Pour moi, ce sera “Samedi 14”. Esprit de contradiction, oblige. Non sans respecter le sujet, puisqu’il nous en colle deux, des vendredi 13. Voici donc son héros erratique pérégrinant à travers la France (et un coin d’Italie), guidé par l’envie de nuire à ce ministre qui l’a privé de sa tranquillité, pourchassé par les flics secrets les plus incompétents du pays. Souffrant d’un douloureux lumbago, le personnage admet appartenir plutôt au passé, l’ultragauche étant désormais bien endormie. “Je ne pense pas non plus qu’il va se relancer dans des actions violentes ou subversives. Il va simplement tenter de nous emmerder un maximum” estime la DCRI. En effet, un dernier tour de piste visant le patron de la police, ça ne se refuse pas. Surtout si ça permet de s’offrir d’agréables trajets en train, et de relire romans ou poésies du grand Raymond Queneau. Il est inutile de rappeler les délices de cette tonalité enjouée qui habite la plupart des romans de Pouy. Une fois encore, on se régale.
Le mot de l’éditeur Alors que Maxime s’était rangé des voitures et retiré à la campagne, voilà que, sous prétexte que ses voisins sont les parents du nouveau ministre de l’Intérieur, les CRS viennent lui chatouiller les arpions et piétiner son potager. Mais on ne réveille pas impunément un ancien terroriste à la retraite ! Surtout un vendredi 13. Les onomatopées du Bertrand Quand on lit le dernier roman d’un ou d’une archi-connu(e), faut parfois se méfier. Amélie NOTHOMB et son « Tuer le père » par exemple… Peut mieux faire ! Alors là, c’est un POUY, le maître incontestable et toujours vivant du polar actuel. Avis tout personnel, comme de juste, et si je dis « vivant », c’est à cause de José Giovanni ou de Simenon. Donc méfiance… Et si POUY allait tomber dans la facilité comme NOTHOMB ? Eh bien, il ne faut surtout pas vous méfier ! Jean-Bernard POUY est toujours bien le POUY qu’on vénère, avec son style assez inimitable et ses histoires particulièrement bien construites. RES-PECT, Jean-Bernard ! Addictif, le bouquin ! Pas facile de s’en extraire une fois commencé. En plus, l’histoire se déroule dans le milieu des « Services », ce que j’affectionne tout particulièrement (pas un hasard si j’ai critiqué « Mort d’un pourri » de Raf VALLET ou « Les cahiers du ministre » de SAINT-LUC, c’est que le polar mêlé au monde politique, j’adore ça). Celui-ci, c’est du Pouy, pas autre chose : le style est allègre, c’est le mot qui vient, sorte de dialecte de parigot montmartrois qu’aurait une maîtrise de lettres. Raymond Queneau est présent à chaque page et Pierre Daninos n’est pas loin. Pierre Dac non plus. L’histoire est tortueuse à souhait, fondante comme un vieux calendar qu’exhalerait ses vacheries aux consommateurs d’un vieux café qu’aurait encore son zinc vieux, l’histoire d’un terroriste qui prenait une petite retraite et d’un poulet des « services » qui joue les apprentis Iznogoud . Juste un infime bémol : si J-B voulait bien laisser un espace entre deux dialogues tenus par des protagonistes différents, pour qu’on sache que la scène vient de changer, ce serait sympa. Lisez ça, vous m’en direz des nouvelles. Bon appétit ! |
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