Les nostalgiques de la fin des années cinquante et des années soixante, ainsi que des éditions Fleuve Noir, retrouveront avec plaisir ce romancier qui fut l’un des auteurs majeurs des collections Espionnage (40 titres), Spécial-Police(39 titres) et L’Aventurier (14 titres). Qui a oublié les aventures de l’agent secret Calone ou de l’émule d’Arsène Lupin qui se cachait sous l’alias de L’Ombre ? Les cinéphiles connaissent certainement son nom, mais pour le commun des lecteurs, qu’en est-il ? Il est vrai que les scénaristes ne possèdent pas, en général, l’aura des réalisateurs et des interprètes. Pourtant le succès d’un film leur doit tout autant. Il est également à l’origine de la série télévisée les Cordier, juge et flic. Aujourd’hui, cet octogénaire n’a perdu en rien son souffle et sa vitalité d’écriture. Il n’est plus astreint à un cahier des charges en nombre de pages comme l’exigeait des maisons d’éditions telles que le Fleuve Noir, aussi il se défoule et ce roman de 720 pages possède toutes les qualités que les feuilletons qui firent le bonheur de lecteurs assoiffés de romans épiques au long cours. Vous pouvez lire ici l’entretien qu’Alain Page m’avait accordé il y a quelques mois lors de la parution de L’écume des nuits, chez Pascal Galodé éditeurs. Depuis quelques temps des messages signés Les Compagnons d’Eleusis fleurissent sur Internet, pourtant les membres du Cartel, le banquier Georges Verdier en tête, pensaient bien s’être débarrassés de la nébuleuse avec la mort d’Emmanuelle. Métamorphose est le maître mot, les Compagnons d’Eleusis annonçant que l’or n’est plus la valeur refuge des spéculateurs et thésauriseurs de toutes nationalités, mais un métal inconnu, nommé tout simplement Métal. Un petit cube est envoyé via la poste aux membres du Cartel mais le laboratoire chargé de l’analyser explose. Romain Delamare, le petit-fils de Verdier, vient d’apprendre une mauvaise nouvelle. Son père, un journaliste qui avait déserté le foyer familial, s’est suicidé. Il ne l’a guère connu, mais quand même c’était son père. C’est le consulat de France en Grèce qui a signalé le décès de Vincent Delamare à la mère de Romain. Durant les funérailles, dans le cimetière parisien, Verdier aperçoit une vieille connaissance perdue de vue depuis des années, Beaumont, qui n’a pas changé physiquement. Un notaire, qui n’est pas celui de la famille, leur apprend qu’il doit leur remettre des documents. L’enveloppe, mise à l’abri dans un coffre-fort, contient une chemise sur laquelle est inscrit Le dieu sans visage. Mais les feuillets sont vierges de toute écriture, et les membres de la famille qui participent à cette réunion pensent qu’une substitution a été effectuée. Alors qu’il n’avait jamais remis les pieds dans la maison familiale sise en Sicile, Verdier, sa fille, son petit-fils accompagné de son amie Lola décident de partir sur l’île. Mais Romain, aussi têtu que son père, est bien décidé à retrouver les traces de celui-ci et éventuellement découvrir quel est le sens du message qu’il voulait lui faire passer. Il embarque donc avec Lola pour la Grèce et rejoint le port de Lepsina ou Elefsina, anciennement dénommé Eleusis. Il retrouve des amis de son père dont un professeur dont le fils a lui aussi disparu, puis sur des indications qui lui sont données rejoint la Crête afin de retrouver le bateau de son père, un voilier tout noir. Un individu s’est installé sur le navire prétendant que Vincent Delamare lui en a fait cadeau. Mais ce n’est pas ce genre d’héritage que Romain cherche, et lorsqu’il rentre à l’hôtel où il loge avec Lola, celle-ci a disparu. Commence une longue partie de cache-cache avec la jeune femme, celle-ci ne répondant pas à ses appels puis lui envoyant des texto lui demandant de la rejoindre. Seulement Romain est accaparé par d’autres activités, notamment des rencontres inopinées avec une famille vivant dans un grand domaine, l’Olympe. Y vivent des jeunes gens et des jeunes filles répondant entre autres aux noms d’Ariane, Aphrodite, Jason, Oria, Tessa ou encore Sybille, tout ce petit monde placé sous la coupe d’un patriarche, Appolonakis. Mais il semblerait que ces personnages possèdent la faculté de ne pas vieillir et de mourir, portant en permanence un médaillon fabriqué d’un métal inconnu sur lequel figure d’étranges inscriptions, genre idéogrammes. Ce domaine possède également la particularité d’être nimbé d’un nuage, le cachant aux survols d’hélicoptères. Ces supposés descendants des dieux grecs ne sont pas bien vus dans l’île ce qui n’empêche pas Romain de les rencontrer. Il effectue de nuit une plongée non loin du rivage, grâce à un papier émanant de son père et qui lui a été remis par l’un des amis rencontrés à Eleusis. Ce papier signale les longitude et latitude d’un endroit secret. Il découvre sous la mer une mystérieuse grotte et suit des indications fléchées et phosphorescentes. Un roman complexe et foisonnant dans lequel le lecteur est aspiré, voyageant entre mythologie grecque et crétoise et l’univers actuel régi par la finance et l’informatique. Un thriller teinté de fantastique, mais un fantastique qui ne gêne en rien les cartésiens puisque celui-ci s’inscrit dans une atmosphère qui baigne dans une allégorie mettant en scène des divinités. Un peu comme, même si l’on n’aime pas le fantastique, on se laisse porter par les contes de Grimm, Perrault, Andersen, mais version adulte. Apparemment Alain Page est fâché avec Internet, cet outil qui permet de transporter les informations sans que celles-ci soient vérifiées et vérifiables. Internet. International défouloir, vaste ramassis de vérités, de contrevérités, d’approximations, de mensonges éhontés et d’affirmations douteuses, c’est le vecteur privilégié pour balancer tout et n’importe quoi, plus souvent le pire que le meilleur. Dans cette vaste volière, au volatile caquetage, les corbeaux s’activent, les faisans s’agitent, les perroquets répètent à l’envi et les pigeons se pâment. En attendant de se faire plumer. Conséquence, il se moque également des internautes : Les internautes ne vivent que dans l’événementiel, les internautes sont de petites bêtes versatiles. Mais tous les jours des affabulations circulent sur ce nouveau média et les exemples ne manquent pas. Dernièrement on en a eu les preuves. Mais Alain Page pointe aussi les dérives de la spéculation : Une nouvelle vague de spéculation sauvage s’est emparée des marchés qui, maintenant, jouent inconsidérément contre les Etats au risque de faire voler en éclats un système que plus personne ne contrôle. C’est dans ces périodes explosives que les peuples perdent confiance et se révoltent si leurs dirigeants sont trop faibles pour s’opposer à ces manœuvres car la solution, à ce stade, ne peut-être que politique. Et nous vivons effectivement à une époque où la spéculation va bon train, que ce soit sur l’or ou les denrées alimentaires, et bien des chefs d’état ne contrôlent plus l’aspect financier, et justement nous assistons à des embryions de débordements, Espagne, Grèce justement, alors qu’Alain Page avait écrit ce roman bien avant l’actualité qui agite l’Europe, et d’autres pays.
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