|
|
HUGUES PAGAN |
Mauvaises Nouvelles Du FrontAux éditions RIVAGESVisitez leur site |
901Lectures depuisLe lundi 7 Janvier 2019
|
Une lecture de |
Il s’agit d’un recueil de dix nouvelles signées Hugues Pagan, Prix Mystère de la critique 1998 pour: “Dernière station avant l'autoroute” (Ed.Rivages). Scénariste pour le cinéma et la télévision, Pagan n’est l’auteur que d’une douzaine de livres – où domine une tonalité sombre. Ici, la nouvelle inaugurant le recueil, “Mauvaises nouvelles du front”, illustre d’emblée l’atmosphère des histoires constituant l’univers de ses intrigues.
Il est commandant de police, affecté à une brigade de nuit. Un être désabusé : ça fait bien longtemps qu’il n’éprouve aucun goût pour la vie, ni dans son métier, ni en privé. À part peut-être Yellow Dog, son chat, rien ne l’émeut. Sans doute parce que l’animal a subi un drame, perdant sa compagne. Cela dit, le curieux Yellow Dog a été vengé par on ne sait quelle intervention punissant le coupable. Pour le reste, ce policier s’enferme dans une sorte de léthargie sociale. Jusqu’au soir où il rencontre un étrange personnage, qui semble ne rien ignorer du marasme continuel habitant le policier. Comme s’il l’observait depuis toujours, comme s’il influait sur son destin et sur sa perpétuelle morosité. Ce bonhomme énigmatique lui offre de vivre une expérience de son choix qui, peut-être, pourrait secouer son état dépressif. En effet, quelques jours plus tard, le policier est mis en cause dans une affaire – avec laquelle il n’a pourtant rien à voir. Dans le cadre du conditionnement des CRS en vue d’une efficacité maximale, on est allé très loin. À tel point qu’il devient quasi-impossible de maîtriser les troupes – qui ne se contentent plus de s’attaquer aux contestataires. Deux flics représentant l’Autorité – l’un ayant les nobles traits de l’acteur Mel Ferrer, l’autre ressemblant à Rambo jeune – sont chargés de trouver un remède à la situation. Pensent-ils que c’est ce flic "nuiteux" qui en possède la clé ? Le policier est conscient que cette affaire peut le conduire à des ennuis judiciaires, jusqu’à la prison. Il faudra bien un bouc-émissaire, et il en présente le profil. Que deviendrait le chat Yellow Dog sans lui ? Il recontacte le mystérieux deus ex machina qui a manigancé cette expérience. Ce dernier va devoir plaider la cause du policier… (Extrait) “À écouter le monde, il faudrait encore faire des risettes et des mamours, tout un tas de grimaces et de menteries, et grands dieux pourquoi ? La vie, elle nous les a déjà faites, les poches. Tout retourné, gratté jusqu’à l’os. A bout du compte, on s’est bien fait mettre : c’est pas de la camarde qu’il aurait fallu avoir peur, c’est bien d’elle, la vie. Elle nous a bien baisé, la salope, avec ses faux airs, ses falbalas et ses promesses de ne pas y toucher. Ah, si on avait su : c’est avant qu’il fallait fermer. Quand on était encore un tout petit peu regardables. Comment voulez-vous que la Mort, elle soit pas rebutée aussi, avec tous ces cadavres de merde. Vieux. Moches. Avec toujours trop de dents neuves. Comme si ça pouvait encore leur servir à quelque chose, des dents neuves. Tout de même, elle avait raison Léon : tout le monde s’en branle, qu’on vive ou qu’on meure.” (Extrait de “Wabash blues”)
Même si apparaissent çà et là des traces d’humour, ironique ou acerbe ou sarcastique, le but de Hugues Pagan n’est pas en priorité de nous faire sourire. Plus sûrement de déstabiliser le lecteur par son style, évoquant généralement des personnages tourmentés sur fond nocturne. Des nuits sales, pluvieuses, presque anxiogènes pour qui n’y est pas habitué. Le monde décrit par Pagan implique la noirceur dans les décors comme dans les têtes des protagonistes. Eux n’existent pas sans garder des images fortes de leur passé. Peut-être parce que, ainsi que l’explique Michel Embareck en préface (qu’il est conseillé de lire), Pagan est lui-même singulier. Au fil de ces dix nouvelles, voilà une bonne façon de retrouver ou de découvrir un ton différent.
|
Autres titres de |