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JANIS OTSIEMI |
Le Festin De L’aubeAux éditions JIGALVisitez leur site |
1861Lectures depuisLe mercredi 14 Mars 2018
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Une lecture de |
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À Libreville, capitale du Gabon, certaines enquêtes sont menées par la gendarmerie, et d’autres par la Police Judiciaire. Quand un vol important se produit dans un camp militaire, c’est le service du capitaine Pierre Koumba et de son collègue Owoula, de la PJ, qui s’en occupe. Vingt détonateurs, dix pains d’explosifs, vingt grenades, dix fusils Famas et bon nombre de pistolets semi-automatiques ont été dérobés, un sacré arsenal. C’est l’œuvre d’un gang organisé qui, quelques jours plus tard, va braquer en pleine ville un fourgon blindé. Koumba espère que ses indics lui fourniront des infos utiles. Ayant retrouvé la voiture des braqueurs, la PJ dispose d’une piste sérieuse. Le Gabon étant en campagne présidentielle, dans un contexte électoral tendu, les autorités peuvent craindre que les armes volées servent à un coup de force, à un attentat. Côté gendarmerie, le lieutenant Louis Boukinda et son collègue Hervé Envame font face à une affaire criminelle énigmatique. Circulant de nuit avec sa compagne Jacqueline, Louis Boukinda a heurté une jeune femme égarée sur sa route. Vite hospitalisée, l’inconnue n’a pas survécu, mais sa mort n’est pas due au choc. Elle avait été ligotée, brûlée, battue et même violée par le ravisseur qui la séquestrait. Son décès a été causé par de multiples morsures de serpent, la dose de venin dans son sang s’avérant inhabituellement haute. Ce n’est pas autour du lieu de l’accident que Boukinda et Envame trouveront des indices. Ils font appel à un ami journaliste pour publier la photo de la victime à identifier. La résultat ne tarde pas : une de ses jeunes voisines reconnaît Gabrielle Ndombi. Toutefois, on ignore les circonstances exactes de sa disparition. Les deux gendarmes entrent en contact avec le Dr Gassita, herpétologiste. Cet expert en reptiles estime que les morsures proviennent de "vipères du Gabon", une espèce au venin puissant. Dans ce cas précis, vu le taux d’empoisonnement, il confirme que le ravisseur doit posséder un élevage de ces vipères. Massoulé, vendeur de serpents, admet avoir une bonne clientèle, notamment des restaurants cuisinant ces reptiles. L’enquête de proximité continue pour Envame et Boukinda. La réaction d’un voisin apparaît suspecte à Envame, qui réagit illico en le prenant pour cible. Celui-là était impliqué dans l’enlèvement de Gabrielle Ndombi, comme le montrent certaines traces. Si ce n’est pas "l'homme-serpent" qu’ils recherchent, il existe un lien entre lui et le gang des voleurs d’armes. Le duo de gendarmes et la PJ de Pierre Koumba vont collaborer pour éclaircir cette double affaire… (Extrait) “— Essaie de te renseigner auprès de tes anciens copains. Quelqu’un a peut-être eu vent de quelque chose… Appelle-moi sur mon numéro habituel si tu as du nouveau. Koumba se leva. Papy le raccompagna jusqu’à sa voiture. Avant de regagner le siège de la PJ sur l’avenue Félix Éboué dans le centre ville, Pierre Koumba rendit visite à trois autres de ses indics. Mais personne n’avait entendu parler du vol des explosifs et des armes au camp Julien Ngari. Il devait prendre son mal en patience. Il en était convaincu, quelqu’un savait forcément quelque chose. Les nervis librevillois n’étaient pas vraiment connus pour leur discrétion. L’un des types ayant pris part au casse jacterait sûrement à une greluche après une partie de jambes en l’air, ou bien s’en vanterait au quartier pour en mettre plein la vue à ses copains… Il suffisait d’attendre.” Avec une population estimée à plus d’un million d’habitants, au-delà de la moitié des Gabonais, Libreville n’est pas seulement la capitale du pays. C’est surtout sa métropole la plus peuplée, entre ses quartiers modernes et ses bidonvilles. Malgré les sourdes querelles entre ethnies, le Gabon est un pays structuré, dont l’Économie est plutôt stable. Ce qui semble d’ailleurs attirer des exilés d’autres états africains. Outre la traditionnelle corruption, un des maux endémiques de ce continent, une population nombreuse entraîne fatalement quantité de délits et de crimes. Évitons quand même d’assombrir le tableau, la situation n’étant sans doute pas dramatiquement chaotique. Et puis, à l’exemple des enquêteurs mis en scène ici, beaucoup d’éléments de la police et de la gendarmerie font certainement leur travail aussi correctement que possible. À travers ses romans, depuis une dizaine d’années, Janis Otsiemi apporte un témoignage sur la vie de son pays, en particulier à Libreville. C’est ce que l’on retient en priorité dans ces fictions teintées d’une large part de réalisme. Le quotidien qu’il décrit illustre le climat social, sans négliger le contexte politique. Les portraits des enquêteurs et des autres protagonistes sont toujours parfaitement crédibles. Y compris quand des flics appliquent une justice quelque peu radicale, s’agissant d’un pédophile non sanctionné, par exemple. On retrouve avec un égal plaisir des formulations typiques, telles “Il avait son sentiment à côté” (une opinion différente), “compter les lattes” (avoir des insomnies), ou “boutiquer son cul” — qui est facile à traduire. Chaque tête de chapitre nous offre une expression inspirée du parler local, comme “Si la chouette crie sur ton toit, c’est que tu as quelque chose qui lui appartient”. Cela contribue également à évoquer l’ambiance gabonaise. Les polars de Janis Otsiemi sont plein de saveur, on ne s’en lasse jamais.
Sous une pluie battante, en compagnie de son épouse, le lieutenant Louis Boukinda rentre d’un mariage. Subitement, surgissant du bas côté, une femme se précipite sous les roues de sa voiture. Conduite à l’hôpital, la jeune femme décède le lendemain. Le constat du médecin est sans appel : elle a été ligotée, brulée, violée… la mort est due aux multiples morsures de serpent venimeux dont son corps porte les traces. En véritable Vasco de Gama des continents langagiers, Janis Otsiemi explore les territoires glauques et poisseux, collants et grouillants de vie, ceux où misère et débrouille rythment avec magouilles politiques et où parfois le kalachnikov tient lieu d’arguments face au despote paternaliste. Mais pour autant ces terres agitées d’un mouvement aussi chaotique qu’erratique n’échappent pas aux perversions d’ici et d’ailleurs. Là où les différends politiques se règlent au fusil d’assaut, les dégoupillées mentaux se résolvent dans les fosses à serpents, l’un nourrissant parfois l’autre. « Si la chouette crie sur ton toit, c’est que tu as quelque chose qui lui appartient »… |
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