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O MALLEY - PURDY |
Les Morsures Du FroidAux éditions 10/18Visitez leur site |
409Lectures depuisLe mardi 19 Decembre 2017
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Une lecture de |
À Boston, en 1951. Cal O’Brien et Dante Cooper sont deux amis d’enfance, aujourd’hui âgés d’une petite trentaine d’années. Marié à Lynne, revenu amoché de la guerre, Cal a été flic durant quelques temps. Il dirige maintenant la Pilgrim Security, petite société de sécurité employant des vigiles. S’il force un peu sur l’alcool, sa santé est moins atteinte que celle de son copain Dante. Car celui-ci est un toxicomane incapable de décrocher. Son épouse Margo est morte d’une overdose voilà plusieurs mois. Dante habite avec sa sœur Claudia, végétant chez eux, tout aussi fauchée. Plus grave pour lui, il s’est endetté pour acheter de la drogue, et les sbires du caïd Sully mettent la pression pour être remboursés. Dante promet de payer, et même d’arrêter de se shooter, mais comment le croire ? Sheila Anderson était une jolie fille de vingt-trois ans. Son cadavre a été retrouvé sur une plage de Boston, celle où Cal et Dante jouaient étant mômes. Sheila a été violentée et martyrisée, ce qui laisse penser qu’elle est une nouvelle victime d’un tueur en série appelé le Boucher de Boston. L’instinct de flic de Cal lui indique que ce n’est pas obligatoirement la bonne version. Sheila était la jeune sœur de Margo. Dante veut absolument savoir qui l’a tuée. Cal est d’accord pour s’impliquer dans une enquête. S’il n’y a pas de traces sur la plage, il remarque les camionneurs livrant non loin de là, en interroge un. Cal suppose qu’un criminel peut utiliser une remorque pour maltraiter ses victimes. Ce qui le met sur la piste d’un chauffeur, Scarletti, dont le camion n’est pas revenu à son entrepôt. Dante retourne au foyer où Margo et Sheila habitèrent il y a quelques années. Il trouve certains éléments, dont des photos dénudées et érotiques de Sheila. L’endroit a été fouillé avant son passage, et les visiteurs ont supprimé M.Baxter, propriétaire de la maison. Il existe donc assurément des secrets autour de Sheila. D’ailleurs, Cal apprend qu’elle avait très récemment accouché, peu de jours avant le crime. D’autres pistes seraient à suivre : le Pacific Club, dont Sheila était une habituée, où elle fut vue avec un mystérieux ami ; où le très coûteux hôtel Emporium, où la jeune femme fut invitée. De loin, Cal observe les succès d’un autre de leurs copains d’enfance, Michael Foley. Député, il mène campagne pour accéder au poste de sénateur. Ayant de puissants alliés, il semble sur la bonne voie. Par contre, le jeune frère du député, Blackie Foley, a des fréquentations plus brutales. Il fait partie du gang de Sully, s’affichant parmi les plus féroces de la bande. Ceux-ci n’en ont pas fini avec Dante, qui a du mal à tout rembourser. Parmi les objets chez Sheila, il y avait des billets de banque neufs, sans nul doute issus du braquage de la Brink’s, dont on n’a encore pas retrouvé le butin. Un prêtre irlandais indique à Cal une adresse où des filles enceintes peuvent trouver quelque secours. Même si, dans le cas de Sheila, le bébé était mort-né. L’enquête de Cal et Dante avance vraiment quand ils découvrent la remorque de camion où fut suppliciée Sheila. Avec ou sans Owen, le cousin flic de Cal, ils vont pouvoir cerner les protagonistes concernés par ce meurtre… (Extrait) “Il revoyait sa mère debout au coucher du soleil, les mains en porte-voix pour les appeler d’abord en italien, ensuite en anglais, et lui s’élançant sur la plage vers la petite péninsule envahie par les herbes folles, comme s’il s’agissait d’un lieu magique et non d’une décharge pour les usines construites près de la baie. Dante souffla dans ses mains en se tournant de nouveau vers les cabines obscures. En hiver, la puanteur de la merde s’y mêlait à celle des cigares bon marché. L’endroit avait été visité récemment, par des clochards ou peut-être par des jeunes qui avaient bu, fumé et fait ce qu’on fait généralement à cet âge. Il s’engagea dans le passage étroit entre les cabines de toilettes et les vestiaires. Des planches en contreplaqué occultaient en partie les deux fenêtres, ne laissant filtrer qu’un peu de grisaille…” De Dennis Lehane, avec son tandem de détectives privés Kenzie et Gennaro, jusqu’à Todd Robinson (“Une affaire d’hommes”, Gallmeister 2017), l’agglomération de Boston a souvent inspiré les auteurs de romans noirs. Thomas O’Malley et Douglas Graham Purdy s’inscrivent de belle manière dans cette lignée. Que les auteurs se soient parfaitement documentés sur cette ville autour de 1950, on s’en doute. Mais restituer l’ambiance d’un passé révolu n’est jamais chose facile. En entraînant les lecteurs dans les quartiers de Dorchester, Scollay Square, Roxbury ou Savin Hill, ils nous font réellement partager des images d’alors. Celle d’une ville qui, en cet après-guerre, traverse une crise économique fortement destructrice au niveau social, comme on le voit avec les nombreux sans-abris. Cal O’Brien et Dante Cooper forment un duo d’amis d’enfance qui ont, tous deux, subi de lourdes épreuves. Si l’épouse de Cal lui apporte un semblant de stabilité, Dante culpabilise au sujet de la mort de sa femme, et maintenant de sa belle-sœur. Leurs faiblesses ne les rendent pas pitoyables, malgré tout. Parce que Cal reste un enquêteur dans l’âme, et que le triste exemple de sa sœur Claudia peut inciter Dante à sortir du marasme. Également parce que, entre un ex-ami devenu politicien et les milieux interlopes du banditisme, le duo opère en territoire connu. Interroger un chauffeur de camion, le proxénète Shea Mack ou le clochard J.J., c’est plus simple pour eux dans la mesure où ils ne sont pas flics. Tarder à alerter sur une "scène de crime" n’a aussi que des conséquences limitées. Le coupable est-il ce Boucher de Boston, tueur en série qui rôde et massacre des jeunes femmes ? On peut penser que les auteurs ont pris pour modèle l’Étrangleur de Boston, qui a sévi une dizaine d’années plus tard, au début des années 1960. Cet Albert de Salvo (1931-1973) fut un personnage plus que troublant, effectivement. “Les morsures du froid” étant une histoire digne de la meilleure tradition du roman noir, c’est un titre à ne pas manquer. |