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HELIETTE OSSANT |
Extrême Tango à ParisAux éditions LE FANTASCOPE |
504Lectures depuisLe jeudi 9 Novembre 2012
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Une lecture de |
Parisienne dans l’âme, après avoir voyagé de par le monde, Morgane est auteure de polars. Très méticuleuse, elle effectue de longues recherches documentaires avant d’écrire ses romans. Pour cela, elle fait souvent appel à sa meilleure amie, la journaliste Sylvaine. Celle-ci est une fonceuse, n’hésitant jamais à aborder des dossiers sensibles. Toutes deux s’intéressent entre autres à la recrudescence des mouvements “identitaires”, groupuscules d’extrême droite. Leurs théories racistes ne sont pas nouvelles, mais leurs réseaux s’étendent à travers les frontières Ils semblent désormais mieux capables de s’organiser, entre nationalistes, contre la société démocratique. Si Raoul Beaumet, ancien de l’OAS qui s’exila en Argentine, affirme avoir renoncé à la politique, Morgane remarque dans son entourage des gens patibulaires tels “le Blond et le Trapu”. Autour de concerts rock “identitaires” Morgane et Sylvaine croisent des militants très actifs, dont un certain Max. Par ailleurs, la romancière emmagasine des infos concernant les dictatures latino-américaines, en particulier sur l’Argentine. Le trop fameux Plan Condor reste un dossier douloureux, plusieurs décennies plus tard. Étudiant en Histoire, Didier Lenoir est peu agréable, mais il possède une riche documentation sur cette sombre époque. C’est grâce à lui que Morgane fait la connaissance de Luz Solana, de se mère artiste peintre Maria, de son oncle médecin retraité Nestor. Ils ont peu de contacts avec leurs compatriotes argentins de Paris, n’évoquant guère non plus leur pays d’origine. C’est Morgane qui découvre Didier Lenoir assassiné chez lui. Ayant alerté la police, elle pense pouvoir faire confiance à l’enquêtrice Ève. Celle-ci insiste pour que Morgane n’interfère pas dans les investigations. D’autant que le cadavre d’Eduardo, Argentin que l’auteure connaissait un peu, est déposé chez Sylvaine. Il y aura encore une troisième victime du même pays, Angelina. Se faisant passer pour une sympathisante, Morgane rencontre un des ténors du mouvement “identitaire”, qui se fait appeler Le Professeur. L’élimination de ceux qu’ils détestent est maintenant programmée, ils s’en cachent à peine. Sylvaine et elle vont réussir à franchir le périphérique pour aller jusqu’à Dourdan, où une propriété cache le QG du groupuscule. Morgane y sera bientôt invitée. Dans une ambiance paranoïaque, elle y rencontre les apôtres du Professeur. “Le Blond et le Trapu” ne sont pas loin. Côté Argentins, les indices convergent vers l’ESMA, le centre de principal centre de torture au temps de la dictature. Morgane s’interroge sur l’oncle Nestor autant que sur la sincérité de Beaumet. Un autre ancien de l’OAS avoue qu’il participa à former les militaires de la Junte. Tout ça appartenant au passé, il est bien difficile de trouver un vrai lien avec le triple meurtre… Sans être brouillonne, l’intrépide Morgane aurait tendance à se disperser, mais elle sait y remédier, se recentrer sur les deux dossiers qui l’occupent. Le Plan Condor, de sinistre mémoire, fut autant un moyen de répression qu’un instrument de propagande. Pas sûr que tous les Argentins et la diaspora exilée ait totalement tourné la page de cette cruelle période. Quant à ces “identitaires” nazillons se proclamant plus Français que les autres, envahissant les esprits au nom d’une croisade nationaliste de reconquête, pour être très peu nombreux ils n’en sont pas moins dangereux pour la République. Des thèmes similaires, s’agissant d’imposer la dictature militaire ou la suprématie du white power. Quand une véritable lectrice assidue de romans noirs telle Héliette Ossant se fait créatrice, elle sait éviter détails inutiles et autres lourdeurs. On préférerait juste qu’elle cite l’Est de l’Allemagne, plutôt que la défunte RDA. Pour le reste, elle nous entraîne avec une belle vivacité sur les pas de ses héroïnes. Si elles apprécient le thé et leurs douceurs gustatives, Morgane (forcément l’alter ego de l’auteure) et Sylvaine sont opiniâtres dans leurs recherches. Équilibre réussi entre les deux sujets, chapitres courts, portraits suggérés et péripéties à foison, voilà les réelles qualités de cette histoire très excitante. On espère retrouver ces personnages féminins dans de prochaines aventures, aussi sombres que palpitantes. |