Écoutez donc « Félix Faure » titre du tout nouvel album « Suppléments de mensonges » de Hubert Félix Thiefaine ! Drôle, méchant, joyeux et désespéré. Max Félix – Obione Faure ? Étrange étranger ? Animal hybride ? Non, Max Obione est juste un homme, dont je dirais comme ça qu’il est heureux. Sa gourmandise de la vie le rapproche du personnage iconoclaste de la chanson, et sa jubilation est communicative.Son actualité récente le place dans le haut du tableau. Qu’on en juge :« Boulette » chez In 8, format extra poche, trente pages, une seule nouvelle pour un joli opus qui glisse tout seul dans le sac ou la poche. L’histoire d’une gosse de Calais, soufflée de malbouffe, qui tombe passionnément amoureuse d’un kurde affamé et pourchassé, beau comme un dieu, trouvé dans son jardin. La découverte de l’amour par une adolescente complexée et les dégâts collatéraux… Des pages hors normes sur la découverte de l’amour… Un régal… noir, forcément. Chez Buchet-Chastel, après sa participation en 2009 au recueil collectif « London Calling », c’est un hommage aux « Ramones » dans lequel il donne sa version de « Too tough to die » : les suites d’une énorme baston ayant laissé Johnny à demi mort à la fin d’un concert. Je le soupçonne d’apprécier plus le blues que le rock, mais si c’est rebelle, alors c’est bon ! Mais le morceau de choix, c’est son « Ironie du Short » . Une magnifique couverture, conquise de haute lutte par l’éditrice… Devinez qui ? Dont il s’est rapidement entichée (la couverture…). Je vous laisse d’ailleurs en juger. Joli, espiègle, primesautier, un cul joyeux qui fait plaisir à voir.On avait déjà eu un recueil de nouvelles en 2009, « Balistique du désir ». Max Obione récidive ici selon la même formule. Rassembler des textes parus ici et là ces derniers dix-huit mois, et juste pour son lecteur – ah, il l’aime, il le soigne son lecteur- il y adjoint une bonne moitié d’inédits savoureux. Un détective entré par effraction dans la cervelle de son suspect, luttant avec la vinasse qui imbibe le malfrat. Un danseur de tango exténué qui cire amoureusement ses chaussures professionnelles avant d’en chausser sa femme moribonde. Une tante accablée de chaleur qui dort, son neveu curieux découvrant un étrange numéro tatoué, caché par un éternel pansement. Max Obione torgnole la langue française pour lui faire cracher ce qu’elle a dans le ventre. Il la tord, la fait plier, glisse d’un mot précieux à une ordure jubilatoire. Vous savez quoi ? Je crois qu’il aime maltraiter les phrases, dépecer les adjectifs, déformer les verbes, secouer dans un shaker des dialogues fleurant les inoubliables années cinquante.Et nous, à sa suite, on jubile, on s’amuse, on souffre, on palpite. Il y a un ton, un style, à l’originalité profonde et quand on a lu une fois Obione, on le reconnaît en quelques lignes, même en aveugle.Et puis tout ce temps, entre deux chapitres, deux nouvelles, Max Obione œuvre à faire de Krakoen une petite maison toujours plus reconnue, avec une exigence bonhomme à laquelle il est bien difficile de se soustraire. Un homme heureux, vous dis-je…
Une autre lecture duL'ironie Du Shortde PAUL MAUGENDRE |
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Préface de Jean-Bernard Pouy Un recueil de nouvelles, c’est comme un sachet de bonbons en mélange, fabriqués par le même confiseur, dans lequel on trouverait des friandises douces, tendres, acidulées, dures qu’on piocherait selon son humeur. D’abord, on ne se jette pas dessus comme un affamé ou un goinfre, mais on apprécie l’emballage. Puis on dénoue tout doucement le ruban qui renferme les gâteries, on délie la petite faveur permettant d’accéder aux douceurs. Cette faveur n’est autre que la préface de Jean-Bernard Pouy qui selon son habitude manie et marie éloge et dérision. Attaquons maintenant nos confiseries en prenant soin de déballer proprement chaque empaquetage, puisons au gré de notre inspiration, engloutissons voracement, goinfrons-nous et lisons tout, un bonbon à peine terminé un autre enfourné, ou soyons sages et dégustons en esthètes, une ou deux nouvelles le soir pour que le plaisir dure. Débutons par le plus gros morceau, Marcel Bovary. La nouvelle sert d’entrée à ce volume, et bien qu’elle soit placée sous le signe de Gustave Flaubert, elle serait plutôt à ranger aux côtés des histoires cauchoises dignes de Maupassant. Avec ce cynisme et cet humour noir qui caractérisait ce chantre de la ruralité normande. Ensuite je vous propose Crâne d’os, l’histoire d’un flic qui se permet, sans l’avoir demandé poliment, de s’introduire dans le crâne d’un tueur. Ce qu’il y découvre n’est pas joli, joli, mais comme tout un chacun, il n’a pas anticipé les événements. Dans Un ticket dans le tuyau, trois cadavres ont été disséminés en trois points stratégiques de la ville. Mais dans une des oreilles de l’un des cadavres, un policier retrouve un ticket de caisse établi par une librairie. Un moment de pur plaisir de lecture. Fin de moi difficile narre le parcours accidenté d’un individu qui souhaite se suicider, mais c’est dur d’être immortel ! Revenons légèrement en arrière pour se plonger dans D’amour tendre, au rythme tranquille d’un train qui emmène un couple jusqu’à Venise. Seulement la proximité d’un voyageur gêne considérablement nos deux tourtereaux. Attention à la marche met en scène un éditeur qui rêve de publier un roman qui devrait faire un carton en papier, mais il n’a pas compté sur les impondérables. La gaule à Mickey n’est pas ce que vous pensez mais une canne à pêche. Seulement celui qui s’en sert n’est pas du tout content, le Rhône est pollué et les silures sont impropres à la consommation. Que faire dans ce cas ? Se venger évidemment. Reprenons notre petit chemin à rebrousse-pages, et intéressons-nous à Arrière-cuisine et au jour où Blumenfeld propose à Walt Disney le scénario adapté d’un conte des frères Grimm, Blanche-Neige et les sept nains. Seulement Blumenfeld s’est permis une petite entorse avec le texte original : il n’y a pas sept nains dans son canevas mais dix. Et l’on sait très bien que Walt Disney n’a jamais extrapolé les histoires qu’il a adaptés en films d’animation, et qu’il a toujours été respectueux envers les auteurs auxquels il a emprunté les trames de ses dessins animés. Dans L’ironie du short, titre éponyme de l’ouvrage, une adolescente, en short et long imperméable, déambule dans la cité. Elle dissimule un couteau de boucher afin de se venger de l’affront, et ce n’est qu’un faible mot, que des quidams lui ont fait subir. Banal me direz-vous, non car le dernier paragraphe nous démontre que la vidéo surveillance dans les rues peut être détournée de son aspect sécuritaire et qu’un président de la République, jamais à court d’idées, même si elles sont courtes, trouve toujours une parade à une situation délicate et sociale. Au total dix-huit friandises pour un poids de 300 grammes environ à déguster sans modération. Certaines ont déjà été publiées dans des recueils collectifs, comme ceux édités à l’occasion de festivals, Mauves sur Loire, Drap ou Lamballe. Mais ces recueils étant difficiles à trouver, il était de bon goût d’assembler ces textes. Vous aurez compris que ces nouvelles au goût délicat, subtil, irrévérencieux parfois, tendre, ironique, sont le reflet d’une certaine société examinée d’un œil scrutateur et impartial, celui d’un entomologiste, non je me trompe, celui d’un confiseur qui traque les défauts d’une fournée afin justement de les mettre en valeur et obtenir quelque chose de différent.
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