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JEAN-HUGUES OPPEL |
AmbernaveAux éditions RIVAGES NOIRS |
2955Lectures depuisLe samedi 8 Fevrier 2003
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Une lecture de |
Jean-Hughes Oppel ouvre son ouvrage sur un hommage à Jacques Brel puis en dédie un autre plus vibrant à John Steinbeck, à travers la lecture récurrente et prophétique Des souris et des hommes. Entre les deux, s’étalent la misère, le chômage, les ruines d'un port jadis prospère, les petits et les grands trafics, les vapeurs d'alcool… et la mort. Une nouvelle fois Jean-Hughes Oppel met en scène un tueur qui semble serial puisque plusieurs cadavres démantibulés sont retrouvés au milieu du no man’s land du vieux port industriel. Mais dès les premières pages, l’auteur désigne le meurtrier et révèle ses « motivations ». On comprend très vite que malgré la présence de ce tueur ce n'est pas une histoire « criminelle » que l'on va lire. Oppel utilise cette série de crimes pour dérouler en filigranes une forte une histoire d'amitié que l'on devine voué au drame dés les premières chapitres
Dans le port d’Ambernave, y’a des marins qui… Dans le port d'Ambernave la terreur règne. Un croquemitaine sévit la nuit, décimant au hasard hommes, femmes, enfants. Mais Patte Folle n'en a cure malgré les recommandations de deux policiers qui effectuent leur ronde sur les quais, parmi les entrepôts. Patte Folle doit son surnom à une claudication provoquée par un accident, lorsqu'il était docker et s'appelait encore Emile. Depuis il cuve son vin, vivant chichement d'une maigre pension, vivant dans une maison délabrée. Sa maison, seul vestige de son passé. Des colleurs d'affiches d'une énième campagne électorale le prennent en chasse et il se réfugie dans un hangar où il découvre un géant amorphe, muet, probablement étranger, soldat ou déserteur américain. Seuls les jappements d'un chiot qu'il a adopté sortent le zombi de sa léthargie. Emile héberge l'inconnu, lui apprend les rudiments du quotidien. Ouvrir une boîte de lait, par exemple. Il cherche à percer l'identité de son invité et en désespoir de cause le baptise Jo. Il lui faut rogner sur sa pension, chouraver plus de boîtes de conserves dans les supermarchés de la ville, au risque de se retrouver en tôle. Pourquoi Emile s'est-il entiché de ce géant ? Par humanisme devant une déchéance plus profonde que la sienne ? Par compassion ? Toutes bonnes raisons mais surtout parce qu'il retrouve dans ce couple qu'il forme avec Jo‚ les protagonistes d'un roman qu'il traîne à longueur de journées et de nuit dans les poches de son manteau. Il est Georges et Jo‚ devient Lennie. Deux échappés du chef d'œuvre de Steinbeck, Une souris et des hommes, un livre qu'il connaissait par cœur avant que l'alcool n'embrume son cerveau.
Avec Ambernave, Jean Hugues Oppel retrouve dans son prologue le lyrisme qu'il avait déployé dans Piranha Matador. Et ces pages, empreintes de la chanson de Jacques Brel Amsterdam, vaudraient à elles seules la lecture de ce livre. Un roman dans lequel l'ode à l'amitié est le véritable moteur de l'histoire. Une amitié offerte sans calcul, sans espoir de retour et de bénéfice quelconque, sans égoïsme. Emile prend sous sa coupe, lui qui est devenu un rebut de la société, un être tombé encore plus bas que lui. Mais il ne réclame rien. Juste une présence à qui il peut offrir un maigre réconfort. Un roman qui est édité dans le cadre d'une collection noire, donc pour beaucoup de lecteurs potentiels restrictive, mais qui mériterait une plus large diffusion. |
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