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MRS OLIPHANT |
La Ville EnchantéeAux éditions RIVIERE BLANCHEVisitez leur site |
1586Lectures depuisLe lundi 1 Aout 2011
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Une lecture de |
Complètement oubliée aujourd’hui, Margaret Oliphant Wilson fut une femme de lettres célèbre Outre-manche à la fin du XIXème siècle. Ecossaise, née à Musselburgh le 4 avril 1828, elle publie à vingt et un ans son premier roman. Et si j’insiste sur son origine, c’est bien parce que le roman que je vous propose, quoi que l’action se déroule dans une petite ville de Haute-Bourgogne, est empreint d’une atmosphère digne des Highlands. Mais j’y reviendrai. Publié en 1880 ce roman a été traduit en 1911 par Henri Brémond de l’Académie française, homme d’église et jésuite durant plus de vingt ans. La parution de ce roman fut accompagnée d’une introduction de Maurice Barrès, qui est ici reproduite, mais cet ouvrage ne connut qu’un succès d’estime. Aujourd’hui, grâce à Jean-Daniel Brèque, qui en a revu et complété la traduction, ce roman se voit offrir une nouvelle chance avec en prime un avant-propos fort intéressant de François Angelier, qui est journaliste, animateur, producteur d’émissions radios et romancier (Le templier paru au Masque entre autres). Quelques lecteurs seront peut-être atteints de démangeaisons à la lecture de ce roman, tout au moins au début. Car sans être anticlérical viscéralement, on peut se sentir agressé par le côté religieux qui baigne dans ce roman empreint d’un fantastique délicat et vaporeux. Mais bien vite on se rend compte que justement la religion est mise en brèche par les protagonistes. Et un antagonisme entre tenants de la religion, pour ne pas les « baptiser » bigots, et ceux qui considèrent cette croyance comme de la superstition pure et simple, s’élève amenant des récriminations de la part des premiers envers les seconds. Autre antagonisme mis en avant, les rapports hommes, qui se jugent supérieurs, et les femmes, qui doivent ronger leur frein tout en n’étant pas avares de reproches. « Mais allez faire comprendre à des femmes ces distinctions élémentaires » déclare avec emphase le maire de la ville de Semur dont une décision est peut-être la cause des événements étranges qui se produisent dans sa cité. En effet certains de ses concitoyens se conduisent mal lors du passage du curé. Ainsi Jacques Richard, écervelé et têtu, se tient sur le passage du curé qui va porter les saints sacrements à un mourant, et le bas de l’étole de celui-ci frôle la blouse de l’impertinent. Pis, Jacques ose sortir un écu de sa bourse et s’écrier : « Vive l’argent… il n’y a pas d’autre bon Dieu ». Déclaration qui horrifie les femmes présentes sur la place. Mais une action du maire n’est guère appréciée de ses ouailles féminines. Des malades sont soignés par des religieuses, seulement les patients, qui ne le sont guère, se plaignent de ne pouvoir sommeiller en paix, leur repos étant troublé les messes. Martin Dupin, le maire, décide donc de réduire le nombre d’offices religieux. Peu après les ténèbres s’installent sur la cité, alors que le mois de juillet rayonne sur la campagne. Parfois le brouillard, ou ce qu’il semble être du brouillard, s’effiloche, et les habitants peuvent apercevoir une sorte de panneau qui s’allume, s’éteint, tel un feu clignotant, avec en exergue « Sommation » puis « Nous autres morts », et autres inscriptions signifiant aux villageois de partir et de leur laisser la place. Des souffles de vent, ou des expirations d’individus invisibles enveloppent ceux qui déambulent dans les rues. Entre le jour et la nuit, peu de différence d’autant le sommeil est perturbé. Au petit matin, comme mu par un signal imperceptible, tout ce petit monde sort des habitations, se retrouve aux portes de la ville chassé inexorablement. Les lourdes fermetures de bois se referment sur eux, et hommes, femmes et enfants sont désemparés, déboussolés. Sur la ville stagne toujours cette nuée tandis qu’à l’extérieur le soleil brille. Digne des Highlands, disais-je plus haut. Oui, cette sorte de brouillard, ces fantômes qui investissent la ville, les fortifications qui font penser à un château fort médiéval, sont représentatifs de l’atmosphère écossaise. Mais ce qui est le plus étonnant est bien le recul pris par Mrs Oliphant dans ce roman. Elle, auteur féminin, ne se prive pas de placer des piques envers ses consoeurs. Ainsi lorsque le curé laisse supposer que lui aussi porte ses soupçons sur les religieuses de l’hôpital, il déclare : « Monsieur le Maire, me dit-il, il ne faut jamais se faire d’affaire avec les femmes, car tout leur semble légitime pour arriver à leurs fins ». Quant à la religion, si elle est présente à tous instants, elle n’est pas gérée comme un élément dont il faut absolument en faire l’apologie. « Chacun est libre de croire à la religion ou de ne pas y croire, mais nous aimons tous notre vieille cathédrale… ». Comme les athées qui entrent dans les églises afin d’en apprécier l’architecture, les sculptures, les décors… Autre fait significatif, le regard que porte Mrs Oliphant sur les Français, ou tout au moins une partie d’entre eux, alors qu’elle a vécu en France, et plus précisément à La Roche-en-Brenil, dont elle s’est inspirée pour planter le décor de ce roman. « Dupin s’était obstiné avec l’entêtement machinal des bourgeois de France, toujours prêts à recommencer indéfiniment la même besogne vaine pour se persuader à eux-mêmes qu’ils font quelque chose ». |