JEAN-PAUL NOZIERE

Le mur longtemps érigé entre littérature pour enfants ou ados, et littérature adulte tend progressivement à se fissurer, à s’effriter, à s’ébouler. Il est vrai que de nos jours, avec la télévision, Internet, et les médias en général, les enfants ne vivent plus dans une bulle, et sont confrontés aux réalités sociales de tous ordres, chômage, exclusion, magouille, et autres désordres de la société. Jean-Paul Nozière l’a fort bien compris et ses romans catalogués pour adolescents pourraient être lus sans vergogne par les adultes, et vice - versa. Dans les huit nouvelles de ce recueil, l’auteur emprunte au quotidien, un quotidien parfois sordide, parfois grinçant, et joue entre humour et tragédie. Ainsi dans Madame Amédée, une vieille dame se fait chiper son sac à main par deux petits malfrats Kevin et Ali le Borgne. Mais ce n’est pas parce qu’elle a des difficultés à de déplacer que ses neurones sont atrophiés. Nous retrouvons ces deux clones d’Averell Dalton dans Western, projetant de s’emparer du contenu d’un wagon de marchandises, sans en calculer les conséquences. Triple Saut nous entraine dans le sillage d’un gamin qui veut réussir son pari, effectuer un saut en longueur d’au moins six mètres, malgré ou à cause des remarques narquoises et désobligeantes de son beau-père. La chute n’en sera que plus dure. Dans On va gagner, l’entrainement cycliste d’un fils de champion local par son père, démontre que la conjugaison de l’obstination d’un jeune et de l’orgueil paternel pourraient s’avérer payants, mais qu’il ne faut pas gommer les aléas. Conseil de discipline met en exergue les problèmes relationnels et d’incompréhension entre des professeurs et un adolescent. Une rédaction mal comprise, jugée farfelue, l’exclusion d’un élève de l’établissement, et c’est le drame. Mais la faute à qui ? Il paraît qu’il faut s’exprimer. D’accord. Mais l’interlocuteur vous entend-il, vous écoute-t-il, vous comprend-il surtout ? Les adultes ne sont pas toujours logiques dans leur comportement.

Huit nouvelles de Jean-Paul Nozière qui posent l’interrogation suivante : la barrière de la communication entre adolescents et adultes est-elle plus tenace que le mur dressé entre eux par la littérature ? A noter qu’une première version de La vie est pleine de risques avait déjà été publiée dans le recueil Douze et Amères au Fleuve Noir en 1997, sous le titre La vie est immense. Non, les adultes n’ont pas à se cacher pour lire les ouvrages destinés à leurs enfants, au contraire, ils auraient beaucoup à apprendre. Jean-Paul Nozière ne se pose pas en moralisateur, ce qui fait sa force en littérature. Suffit de lire Tu peux pas rester là et Nous sommes tous tellement désolés, parus chez le même éditeur, et chroniqués ici même.