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PIERRE NEMOURS |
Le Gang Des Honnêtes GensAux éditions FRENCH PULPVisitez leur site |
1177Lectures depuisLe mercredi 31 Mai 2017
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Une lecture de |
Début 1970, dans une ville portuaire fluviale de Normandie. Âgé de quarante-neuf ans, Paul Récord était directeur d’une société, dont il a été licencié quelques semaines plus tôt au profit d’un responsable plus jeune. Avide de prendre sa revanche suite à cette injustice, il s’est acoquiné avec trois complices afin de préparer un casse magistral. Ce trio d’amis, ce ne sont nullement des truands. Tous ont de bonnes raisons de participer, ce sera le seul acte délictueux de leur vie. Paul Récord, qui souhaite se relancer professionnellement, se servira de sa part du butin comme mise de fond pour ses futures activités. Norbert Souche, trente-deux ans, est un policier de base dont la carrière n’a pas évolué comme il pouvait l’espérer. S’il en a pris son parti, ce n’est pas le cas de son épouse, qui l’accable de reproches acrimonieux. Une petite fortune la rendrait moins mordante, sans doute. Raphaël Davila, trente-sept ans, est un pied-noir n’ayant jamais trouvé sa place en métropole. Avec sa femme, ils comptent échapper à la grisaille et s’installer en Amérique du Sud avec le pactole qui leur reviendra. Quant à Francis Ballogne, employé de banque de vingt-huit ans, c’est différent. Son épouse et lui sont les parents d’une fillette handicapée mentale, Sylvie. Il est possible de remédier à l’état de leur gamine, mais c’est coûteux. Francis ne peut pas expliquer à sa femme l’opération à laquelle il va se joindre. Si Paul Récord est le cerveau de cette affaire, le rôle des comparses n’est pas négligeable. Car il faut être sûr des plans de la chambre des coffres à la banque, du système d’alarme, et de l’accès prévu. Pas question de braquage à main armée, ni d’un cambriolage passant par l’immeuble : c’est le sous-sol qui leur permettra d’approcher. Agir clandestinement ne les aidera pas, il est préférable de prévoir un chantier bien visible, avec des ouvriers. Pour ce faire, il suffit de créer une fausse entreprise de bâtiments, et d’engager des salariés en intérim. Dont la première mission sera d’entamer un tunnel de viabilisation du chantier. Ainsi, il ne restera aux quatre complices que quelques mètres à creuser vers la banque. Récord a même pensé au meilleur moyen de retarder l’inévitable enquête de police. Quant au butin, il n’y aura pas de problème de partage, chacun ayant admis le principe. Au jour-dit, profitant d’un calme week-end dans le quartier, le quatuor se met à l’œuvre. Fatigant, mais particulièrement fructueux. Après le casse, on fait venir de Paris le commissaire Marc Vieljeux, policier chevronné qui ne confond pas vitesse et précipitation. Il admet que les voleurs ont élaboré un plan parfait. Soit ils sont déjà loin, et il serait trop tard pour les coincer ; soit l’enquêteur peut compter sur une erreur, une faiblesse. Car, dans toutes les affaires aussi géniales soient-elle, il ne faut jamais omettre le facteur humain… (Extrait) “Récord le regarda s’éloigner. Dans le "gang des honnêtes gens", il était le seul véritablement honnête. Il lui vint alors une idée curieuse. [Sa femme] Thérèse, futile, vaporeuse, snob ; Angèle Souche, acariâtre et jalouse ; Raphaël Davila, amoral et cynique, et Marie-Lou sa frivole épouse, ne valaient peut-être pas que l’on risquât tant pour assurer leur bonheur. Mais pour Francis et Gisèle Ballogne, pour la petite Sylvie et l’opération qui allait sans doute faire d’elle une enfant comme les autres, il fallait réussir. Et, à ce moment précis, Paul Récord eut la certitude qu’ils allaient réussir, parce que Ballogne, et sa femme, et sa fille étaient, en quelque sorte, leur justification…” Auteur prolifique, Pierre Nemours (1920-1982) mérite bien mieux que d’être considéré tel un romancier ordinaire du 20e siècle. Excellente initiative que de rééditer “Le gang des honnêtes gens” aux éditions French Pulp, car c’est un des bons exemples de son talent. L’intrigue apparaît classique : une bande projette de cambrioler une banque, profitant d’un tunnel en sous-sol qu’ils creusent jusqu’à la salle des coffres. Notons quand même que ce roman fut publié plusieurs années avant l’affaire du Casse de Nice, par Albert Spaggiari et ses complices. L’opération ne manque pas de suspense, on s’en doute. Mais ce qui fait le principal intérêt de cette histoire, c’est la personnalité et la situation des protagonistes. En effet, il existe très souvent un contexte sociologique décrit avec soin dans les romans de Pierre Nemours. En cela, il n’est pas si loin du roman noir. Le "cerveau" du gang est un ex-dirigeant d’entreprise presque quinquagénaire mis sur la touche, alors qu’il est – on le constate – capable de mener à bien une pareille opération. Le cas du couple Ballogne est absolument crédible, créant un déséquilibre émotionnel dans la vie de cette famille. Celui du policier Norbert Souche, mésestimé autant dans son métier que par sa femme, s’avère également d’une justesse certaine. Idem pour Raphaël Davila, transplanté de sa terre d’origine, qui ressent le besoin de rebondir ailleurs. Aucun d’eux n’appartient réellement à la catégorie des "perdants", qualificatif trop commode. Tous quatre aspirent à un nouveau départ, et ils ont trouvé la plus rapide manière de financer leurs espoirs. Ce n’est qu’à quarante pages de la fin, que se présente le commissaire Vieljeux, héros de nombreux romans policiers de Pierre Nemours. Son enquête n’a qu’une importance plutôt relative, afin que la morale soit sauve. L’essentiel, c’est l’habile élaboration du cambriolage et la vie des quatre membres du "gang", ce qui nous est raconté avec une belle souplesse narrative. Voici un très bon moyen de redécouvrir cet auteur et son œuvre.
French Pulp Editions. Parution 4 avril 2017. 232 pages. 9,50€. Version numérique 4,99€. Première parution Collection Spécial Police N°796. Parution 2e trimestre 1970. 240 pages. Honnête, honnête, c'est vite dit. Ou alors comme un homme politique... Âgé d'à peine cinquante ans, Paul Récord s'est vu démettre de ses fonctions de directeur chez Nordcoop, pour le simple motif de rendement trop faible. Et pour confier le poste à un homme plus jeune, sans expérience mais bardé de diplômes, mais issu du sérail, gendre du grand patron. Nous sommes en 1970 et déjà les cadres valsent selon les résultats. Et résultat des courses Paul Record traîne depuis quelques semaines dans la campagne ou en ville, dans les bars et sur le port en attendant de rentrer chez lui, car en homme fier il n'a pas annoncé à sa femme son nouveau statut d'homme libre de ne rien faire. On lui avait bien proposé un autre poste, bien sûr moins élevé et par conséquence moins rémunéré, mais il a refusé. En tête, il a idée de monter sa propre entreprise, et pour cela il lui faut des fonds qu'il ne possède pas. Il pourrait puiser dans son patrimoine, au risque d'alerter son épouse éloignée de la réalité. Alors que faire dans ce cas ? Il s'accoquine avec trois autres compagnons, issus de milieux divers mais qui tous sont dans le besoin pour des motifs avouables, ou presque, et dont le métier va servir ses desseins et exécuter l'opération projetée. Les quatre hommes se retrouvent dans un café tranquille, parmi des joueurs de belote et afin de ne pas se faire remarquer, manipulent les cartes sans vraiment y porter attention. Outre Paul Récord, assis autour de la table se trouvent Francis Ballogne, dont la fille est atteinte d'une maladie neuromusculaire et la seule intervention de chirurgie envisageable ne peut se produire qu'aux Etats-Unis. Norbert Souche et Raphaël Davila eux aussi ont besoin d'argent pour concrétiser leurs rêves. Mais ce sont surtout les métiers qu'ils effectuent qui intéressent Paul Récord. Ballogne travaille dans une banque où justement Récord possède ses comptes et un coffre. Norbert Souche est un policier qui était promis à un bel avenir mais un excès de zèle lui a coupé les échelons à un grade supérieur. Raphaël Davila à la Caisse Autonome de la construction et du Logement. Métiers disparates mais complémentaires pour ce qu'envisage Récord. Le cambriolage d'une banque, celle où travaille certes Ballogne, mais sans coups de feu. Tout est prévu et chaque corps de métier va apporter la pierre à cet édifice minutieusement élaboré par Record. De toute façon ce sont d'honnêtes gens, puisqu'aucun d'eux n'a un casier judiciaire entaché de la moindre peccadille.
La préparation puis le cambriolage de la banque prennent une grande place dans ce roman resserré dans le temps. Le port, la ville et un peu la campagne forment un décor imaginaire, pour une intrigue qui pourrait se situer aussi bien au Havre qu'à Boulogne sur mer ou Calais. Car c'est bien l'ingéniosité de l'intrigue qui préoccupe l'auteur. Toutefois, et c'est ce qui rétrospectivement interpelle le lecteur, c'est la similitude ou presque avec le Casse du siècle, préparé par Albert Spaggiari à Nice en... 1976, soit six ans après la parution de ce roman. Mais il faut remarquer également que dès 1970, les cadres pouvaient valser pour manques de résultats, être virés comme des malpropres, les dirigeants et actionnaires d'entreprises ou sociétés commerciales n'ayant pour humanisme que leur portefeuille. Un roman prémonitoire qui démontre, une fois de plus que les auteurs de romans policiers et/ou noirs sont plus en phase avec la réalité quotidienne que bien des écrivains qui se piquent d'intellectualisme. Une réédition fort bien venue. |
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