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JEAN-PATRICK MANCHETTE |
Laissez Bronzer Les Cadavres !Aux éditions FOLIO POLICIER GALLIMARD |
2419Lectures depuisLe vendredi 21 Juillet 2006
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Une lecture de |
A la façon d’un terrain expérimental, les deux auteurs investissent un hameau écarté, presque en ruine, cramponné à un relief aride du Midi de la France. Luce est la maîtresse des lieux, mais on l’appelle « l’artiste », et c’est une balle de 22 tirée dans une toile en cours qui ouvre le balai. Celui-ci s’écoulera sur une vingtaine d’heures. Un hameau sans nom sous un soleil de plomb, dans lequel se trouve injectée une variété de personnages : l’artiste, une étonnante bande de truands, un écrivain, une paire de gendarmes, deux filles et un gosse bizarre. Vingt heures sous les yeux de personne, à l’écart de tout, quoi qu’il arrive, même s’il s’agit d’un joli carnage sous couvert de feu d’artifice. Des baraques effondrées, pas d’eau ni d’électricité, une chapelle désaffectée, quelques bagnoles, une artillerie et des litres de vodka planqués ça et là : « On y est tranquille. Au début, ça semble un peu étrange. Ensuite, c’est le contraire. On se rend compte qu’on a davantage de temps pour penser à soi. On n’est pas gêné comme à la ville, le téléphone, les gens. Les problèmes s’assouplissent, si vous voyez ce que je veux dire. » Et puis, c’est l’endroit rêvé pour garder deux cent cinquante kilos de lingos au frais, dérobés le matin même lors d’une attaque de fourgon blindé… De l’or rangé dans le coffre d’une 404, qui constituera à vrai dire le foyer ardent et obsédant du fil de l’histoire. Un terrain d’expérience avec des humains dedans, dirait-on, un peu comme un échantillon représentatif du monde, sur lequel le roman se braque pour emmêler la situation, organiser puis désorganiser les relations, fondre la libido et l’instinct de survie dans l’ombre des masures, en adressant un pied de nez à Dieu et aux instances au passage. On détecte dans ce roman l’intérêt accordé par Manchette aux lieux de perdition et à la topographie. Coutumes, règles morales y volent en éclat car il s’agit de survivre ou, à défaut, de chavirer avec un point d’honneur. Un roman qui tient en haleine sans s’essouffler, aspire littéralement et dévaste toutes les valeurs encore cramponnées aux consciences avant le coup d’envoi, pour faire une spectaculaire table rase et revenir en fin de compte à certaines vieilles racines enfouies qui permettent d’espérer encore sortir indemne d’un guépier pareil. |
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