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ANDREE A. MICHAUD |
Rivière TremblanteAux éditions RIVAGESVisitez leur site |
163Lectures depuisLe dimanche 7 Octobre 2018
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Une lecture de |
Marnie Duchamp avait onze ans en cet été 1979. À Rivière-aux-Trembles, petit village de la campagne québécoise, Michael Saint-Pierre, douze ans, était son meilleur copain. Émule de Superman, Mike était autant son alter-ego que son héros. Tous deux avait trouvé leur coin isolé, le Bassin magique, au cœur de la forêt voisine. Leurs jeux d’enfants cessèrent brutalement avec la disparition inexplicable de Michael. Pour les adultes et la police, les réponses de Marnie ne valaient pas grand-chose. Sans la soupçonner ouvertement, on ne voyait en elle qu’une "rescapée", trop imaginative ou peut-être malsaine. “La disparition de Michael a imprimé sur mon visage la marque du diable, et je suis dès lors devenue une paria, une intouchable, une enfant dont il ne fallait pas s’approcher.” Finalement, son père et elle préférèrent déménager de Rivière-aux-Trembles. En 1992, au Québec, Bill Richard est un auteur de livres destinés aux enfants, connaissant un beau succès. Celle avec laquelle il a partagé le plus de complicité, ce n’est pas son épouse Lucy-Ann, mais leur fillette Billie – neuf ans. Pixie, le chat de sa fille, comptant beaucoup aussi dans leur vie. Quand la gamine disparut mystérieusement, le choc fut intense pour Lucy-Ann et Bill Richard. Ça n’arrive pas qu’aux autres, ce genre de drame. Hyper nerveuse, Lucy-Ann accusa son mari d’être responsable de cette disparition – le couple se séparant bientôt. L’enquête de police n’avançait guère, les deux flics en étant chargés suspectant fortement Bill. L’acharnement du policier Ménard était déstabilisant, en plus de l’épreuve que subissait Bill. En 2009, sans jamais oublier l’image heureuse de sa fille, il tenta de rompre avec ce passé, partant s’installer à Rivière-aux-Trembles. Pendant vingt-trois ans, Marnie a été fleuriste à New York, le souvenir de Michael Saint-Pierre ne s’effaçant pas. Ce n’est qu’au décès de son père, qui lui avait transmis la passion des fleurs, que Marnie revient à Rivière-aux-Trembles. Se résoudre à l’absence définitive de son ami est encore difficile. Le père de Mike s’est fait une raison, concluant : “La forêt a pris Michael, c’est tout.” Quant à Bill Richard, arrivé au village le jour des obsèques du père de Marnie, il perd le chat Pixie et s’enfonce dans la solitude. Certes, sa philosophie de l’existence et continuer à écrire des contes pour enfants l’aident à surmonter le vide. Mais si Billie est toujours près de lui en pensées, quel avenir envisager ? Dans la forêt, Bill remarque une croix érigée en mémoire d’un certain Michael. Auparavant, il n’avait jamais porté attention à ce cas de disparition d’enfant. Un autre duo de policiers harcèle maintenant Bill. Ils enquêtent sur la disparition récente du petit Michael Faber. Comment démontrer, malgré son stoïcisme affiché, qu’il n’est pas du tout un assassin d’enfants ? “Les hommes seuls n’ont pas la cote et on se les imagine aisément dans la peau d’un satyre ou d’un pédophile. Mon statut d’homme seul faisait de moi un marginal dont il valait mieux se méfier.” Ayant traversé des situations similaires, Bill et Marnie ont bien des choses en commun… (Extrait) “Sur la croix qu’ombrageait ici les arbres, quelqu’un avait gravé un nom, Michael, avec un canif ou un burin. Aucune fleur ne l’ornait cependant. Au lieu de ça, on y avait suspendu un petit hibou de paille et d’écorce qui se balançait dans le vent. La corde fichée dans sa tête s’était enroulée autour de son cou, et il ressemblait à un pendu qui se serait trompé de longueur de corde et aurait été obligé de se coller la tête au plafond pour ne pas se rater. Ce hibou était carrément sinistre avec ses petits yeux jaunes qui semblaient capter autour de lui le moindre mouvement, la moindre anomalie dans le paysage. Quand il s’est immobilisé face à moi, j’ai eu l’impression qu’il me regardait, tentant d’évaluer si une anomalie telle qu’un homme au milieu de la forêt méritait qu’on s’y attarde, puis le vent l’a fait pivoter en même temps qu’un frisson courait sur la rivière.” Vous adorez les thrillers explosifs, les romans noirs percutants, les polars anxiogènes ? Alors, ce livre n’est pas pour vous. Malgré les faits tragiques, douloureux, cruels, il existe une sorte de douceur, d’empathie, de tendresse dans cette fiction. Andrée A.Michaud est une conteuse hors-pair, une remarquable romancière. Elle explore ici les sentiments de ses personnages avec humanité. Alternativement, Marnie et Bill retracent avec lucidité les épreuves endurées. Quand disparaît son enfant ou son meilleur ami, on n’en sort pas indemne. Ce qu’exprime l’auteure sans apitoiement, sans qu’il s’agisse de compassion, mais en leur donnant la parole. Si le contexte est énigmatique, sans doute criminel, voilà un roman littéraire de niveau supérieur. On retrouve les ambiances blues et jazz chères à l’auteure, ses références cinématographiques également. Y compris dans les identités de quelques protagonistes. Sa description des paysages sylvestres, de la magnifique nature du Québec, contribue à la fascination. Le décor apaise-t-il vraiment les tensions ? Bill et Marnie étant dans le malheur, Andrée A.Michaud fait preuve d’une réelle bienveillance à leur égard. Il ne faut pas hésiter à découvrir ses trois romans disponibles aux Éd.Rivages. |
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