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JEAN-PATRICK MANCHETTE |
ô Dingos, ô Châteaux !Aux éditions FOLIO POLICIER GALLIMARD |
2054Lectures depuisLe vendredi 21 Juillet 2006
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Une lecture de |
« On a tendance à oublier comment c’est, d’être un môme. Ici, on a de nouveau l’impression de mesurer cent vingt centimètres de haut » confia Fuentès à Julie qui venait de se réveiller dans une des nombreuses pièces qui composaient la Tour Maure – un fantasme d’architecte(s). Une cité miniature à l’échelle humaine où s’achève la course poursuite que Manchette organise dans ce roman troublant. En fuite : Julie, la folle délivrée d’un asile et engagée comme baby-sitter par un architecte milliardaire : Hartog, qui lui confie la garde de l’enfant ; l’enfant qui rêve de combats à l’arc et aux flèches ; l’enfant et Julie qui deviennent rapidement les proies d’une bande de kidnappeurs, parmi lesquels se trouve Thompson, le tueur dont le ventre saigne s’il ne tue pas, engagé par Hartog lui-même. Thompson, le prédateur : « Des arêtes lui égratignèrent la gorge, mais il se força à continuer, à avaler le maximum de chair pendant que la mort de la bête l’exaltait encore. » Question de survie, en attendant d’abattre ses véritables proies qui finiront leur course, là-bas, quelque part dans la Tour Maure – objet d’un vieux conflit entre Hartog et Fuentès, l’unique maître du lieu magique, qui recueillera Julie et l’enfant. En dissimulant certains angles de l’histoire de ses personnages, Manchette offre une forme de nœud compliqué que le roman s’applique à défaire progressivement. La mémoire, la vengeance, le mensonge en seraient la matière première, ainsi que les rêves de gosses qui jouent d’abord aux indiens, puis se rangent plus tard du côté des cow-boys civilisés, ou des tueurs tout simplement. « Savait-elle, Julie la pitoyable étoile de ce ballet macabre, que les autres danseurs étaient bien plus fous qu’elle ? » questionne le synopsis qui situe ainsi le déroulement du roman dans un espace mental où l’homme civilisé et la créature enfouie s’affrontent à coup de flingues en territoire hostile : « Elle se trouvait en pleine nature. Le bois se clairsemait pour faire place à des ondulations de terrain sableux, parsemées de chaos de rochers que surplombaient des pins. Dans les combes, s’amassaient de grandes quantités de fougères. On n’apercevait aucune trace d’occupation humaine. » A l’exception de la Tour, la maison fabuleuse qui surgit brusquement ; le château des dingos dont les trajets convergent et se télescopent. Dans cette histoire, les flics pataugent. Tout juste y fait-on mention ; tout juste existent-ils. L’autorité et l’ordre ne sont plus que des fantômes, des leurres que la folie et le rêve éliminent vite fait. La folle et le gosse courent, avec des tueurs non moins fous lancés à leurs trousses. Sans doute est-ce précisément la folie qui permet aux « danseurs » de se retrouver ; de se flairer à distance, de se reconnaître et de s’entretuer, naturellement. |
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