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DANNIE M. MARTIN |
L’homme De PlongeAux éditions 10/18Visitez leur site |
519Lectures depuisLe mardi 10 Avril 2018
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Une lecture de |
En Californie, vers 1990. Bill Malone sort de prison, où il vient de passer quatorze années. Il fut condamné pour complicité, après avoir cambriolé avec un ami Indien un entrepôt du Bureau des Narcotiques, et volé près de deux cent trente kilos de marijuana. Bill reste en liberté conditionnelle pour sept ans, sous l’œil de l’agent de probation Joe Campbell. Ex-militaire et ancien gardien de prison, marié à Sally, ce dernier n’est pas de ceux qui s’acharnent sur les taulards dont il est responsable. Mais il doivent éviter de retomber dans le banditisme, ce qu’a bien compris Bill Malone. Par contre, Campbell est sceptique quant au métier choisi par Bill pour se réinsérer : plongeur dans un restaurant. Pourtant, il connaît bien le job, qu’il a longtemps exercé en prison. À quarante-trois ans, ne voulant pas retourner à Portland – sa ville d’origine, Bill Malone s’installe à Fresno. La chambre que Campbell lui a réservé au Star Motel est confortable. Il ne tarde pas à sympathiser avec Gail, la patronne de l’établissement, et sa fille de treize ans, June. Toutes les deux sont très sexy, mais Bill veillera à ne pas devenir trop intime avec l’adolescente, même si elle joue beaucoup de son charme. Gail est l’épouse de Tony Camacho, actuellement en prison, un bagarreur connu sous le nom de Tony la Terreur. Bill l’a côtoyé pendant une partie de sa détention. Ils furent même plutôt amis, sans doute parce qu’ils appartenaient à la même génération – avec certains principes. Le retour de Tony est retardé, car il continue à se montrer trop violent en prison. Bill est rapidement engagé par la propriétaire du restaurant italien voisin du motel, Regina Ferraro. Il sera toujours plus sérieux que ses prédécesseurs à la plonge. D’autant qu’il faut manier un gros appareil de lavage, qui mérite d’être mieux entretenu. Bill va se charger de le réparer, et montrera vite qu’il est à la hauteur. Hélas, les gangs sont très présents à Fresno, aussi. Avec des types comme Richard Avakian, qui tient une boutique de fringues tout en étant mêlé au trafic de drogues. Pour lui, Bill Malone et Tony Camacho sont des “dinosaures du banditisme” qu’il pense largués. Richard Avakian préfère s’acoquiner avec la famille Sandino. C’est un gang mafieux qui débuta dans les années 1930, dont Alfredo – dit Freddy le Gant – est aujourd’hui le chef incontesté. Pour Bill, un avenir paraît possible ici. En devenant l’amant de Gail, il craint de trahir son ami. Gail le rassure : “Tony a une petite chérie de vingt-deux ans et il va rejoindre les Hell’s Angels de San Diego. Je lui ai dit que j’étais amoureuse de vous, et il m’a répondu que j’avais bien choisi.” Mais il y a bientôt du grabuge autour du restaurant Ferraro, causé par le trafic de drogue, ce qui va certainement compliquer la vie de Bill Malone… (Extrait) “Gail les regardait discuter. Ce type se démarquait des anciens détenus qu’il lui était donné de rencontrer. Il avait l’air détendu, les mains dans les poches, à converser avec June : presque beau. Physiquement c’était un des hommes les plus attirants qu’elle avait jamais vus. Ses muscles étaient longs et fermes, non pas massifs comme ceux des adeptes de la musculation, plutôt comme ceux des gymnastes ou des nageurs. La seule chose qui pouvait gâcher son apparence, c’était ses tatouages sur les bras et la poitrine. Mais, là non plus, il ne s’agissait pas de tatouages comme ceux qu’on faisait en prison (…) C’est ce qu’elle n’arrivait pas à voir qui l’inquiétait chez lui. Il paraissait terriblement gentil et aimable, mais ce qu’elle savait de son passé lui disait tout autre chose. Elle-même se sentait physiquement attirée par Bill. Quant à June, elle s’épanouissait comme une rose au soleil. Il y avait une part de danger chez lui. Ses mouvements étaient ceux d’une grande panthère, même s’il avait l’air relativement doux, ou plutôt – c’était le mot juste – dompté. Elle avait besoin à son sujet de certitudes qui tardaient à venir et qu’elle ne voyait pas comment obtenir.” Le romancier Jérémie Guez signe la préface de cette édition de “L’homme de plonge”, car c’est un livre qu’il a transposé au cinéma et dont il est le réalisateur : “Tu ne tueras point” (A bluebird in my heart) sort en 2018. L’histoire l’avait beaucoup marqué, nous dit-il, car – même s’il s’agit d’une fiction – elle s’inscrit dans la lignée du vécu dont d’anciens détenus, tel Edward Bunker, ont témoigné. Notons en parallèle que Jérémie Guez est de plus en plus présent dans le milieu du cinéma. En tant que scénariste, par exemple pour le film “Lukas” (à l’été 2018). Quant à son roman “Balancé dans les cordes”, il a récemment été adapté au cinéma sous le titre “Burn out”. Bill Malone, “L’homme de plonge”, est un authentique dur-à-cuire, pro du banditisme qui a fait ses preuves. La violence et la marginalité étaient son univers, il n’a rien à regretter. Quadragénaire, il a désormais besoin de stabilité, tout en conservant un mode de vie qui lui correspond. Pour gagner cette existence plus paisible qu’il vise, il risque de franchir les limites de la légalité. Avec les conséquences que ça suppose. Ce qui fait la force de ce personnage, la raison pour laquelle on ressent une vraie empathie, c’est que Bill est un type réglo, sincère, sans ambiguïté. C’est pourquoi il est apprécié de son nouvel entourage. Si l’histoire semble assez simple, la structure du récit s’avère très habile, peaufinant certains portraits, suggérant les embrouilles à venir. On ne peut que partager l’enthousiasme de Jérémie Guez pour ce roman de grande qualité. |