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NADINE MONFILS |
Ice Cream Et ChâtimentsAux éditions FLEUVE NOIRVisitez leur site |
1401Lectures depuisLe mercredi 31 Mai 2017
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Une lecture de |
Elvis Presley était ce chanteur américain qui interpréta entre autres la ritournelle italienne "O sole moi", rebaptisée "It’s now or never". Un rockeur tendance mandoline et guimauve, décédé il y a quarante ans, dont votre grand-mère était amoureuse. Aux États-Unis, on compte des centaines de sosies du King, le surnom de la star, version jeune Apollon ou quadra empâté. En Belgique aussi, ils ont un simili-Presley, qui présente des spectacles sous le nom d’Elvis Cadillac. Il ne ressemble que vaguement à l’artiste, plutôt admirateur que sosie. Avec sa chienne Priscilla, du nom de la compagne de Presley, et sa Cadillac rose, ça peut faire illusion. Il interprète avec conviction les succès du King, le plus souvent dans de petites salles, devant un public clairsemé de nostalgiques d’un âge avancé. C’est ainsi qu’il va prochainement se produire du côté de Chimay, en Wallonie, ville plus connue pour sa bière que pour son fan-club d’Elvis Presley. Il donnera son spectacle au Rossignol guilleret, un "home" pour retraités déliquescents. Il en a profité pour louer une maison dans les environs, afin de prendre quelques jours de repos avant le show. D’une nature solitaire, Elvis Cadillac n’apprécie pas vraiment que la grassouillette majorette qu’il a embarquée s’incruste auprès de lui. Il préfère les amours jetables au romantisme de pacotille avec le premier boudin venu. D’autant qu’elle se prénomme Rita, ce qui ne fait pas du tout classieux. Que l’on se rassure, l’intruse envahissante se fera vite occire. Si Elvis Cadillac n’y est pour rien, il n’hérite pas moins du cadavre de la majorette dodue. Rita remplace, en quelque sorte, un précédent corps tout aussi refroidi, que la Cadillac d’Elvis avait heurté alors que le chanteur se sentait "lonesome tonight". C’était celui d’une ancienne célébrité de la télé, interné au "home" du Rossignol. Il venait d’être maltraité par un duo de gugusses, Mickey et Spéculoos, qui le croyaient richissime. Pour ces deux-là, l’embrouille continuera à cause du couple René et Jocelyne Crabaud, aussi nazes qu’eux. Deux belles paires de crétins, donc. Bon, revenons à nos "caricoles", à défaut de moutons. Car le chemin d’Elvis Cadillac va croiser celui d’une certaine Mémé Cornemuse. Dans son food-truck, en attendant le philosophe Jean-Claude Van Damme, elle vend justement des "caricoles" (spécialité culinaire belge) et des pipes (autre spécialité, mais bucco-génitale). Faut-il rappeler qu’à tous points de vue, Mémé Cornemuse c’est plus sûrement Sophie Marteau que Sophie Marceau. C’est pas qu’elle soit chtarbée, mais il ne faut grand-chose pour qu’elle s’excite, et qu’elle révolutionne tout autour elle. Si elle entre en contact avec un minable comme Mickey, voilà des partenaires faits pour s’entendre. Par ailleurs, Elvis Cadillac va encore faire la connaissance de Marc, un artiste atypique pratiquant l’art brut, obsédé par sa muse disparue, Lou. Ne pas trop chercher à savoir si la belle est toujours de ce monde, finit par comprendre Elvis Cadillac. Tant que ces mésaventures ne font pas d’ombre à sa "carrière", tout va bien… (Extrait) “L’intérieur du home aurait miné le moral au plus guilleret des rossignols. Les murs de couleur pisseuse s’harmonisaient au poil avec l’odeur âcre d’urine qui vous prenait au nez dès l’entrée. Ça sentait la mort qui avance à petits pas, trébuche, se relève, mais poursuit inexorablement sa route sans savoir où elle va. Un peu partout, des posters mal punaisés censés garnir le lieu et faire rêver d’horizons lointains, tous délavés, mer de poussière, montagne qui ressemble à un terril de charbonnage, fleurs séchées dans un champ brûlé par le soleil qui a tapé dessus depuis la fenêtre de la cantine. Bruits de vaisselle, relents de mauvais café, rots… Poète, emmène-moi loin des heures creuses, au pays où on ne regarde plus avancer les aiguilles. Elvis se dit qu’il préférait mourir plutôt que de se retrouver là-dedans.” Nadine Monfils, elle est comme ça. La vie quotidienne sans relief, qui se raconte avec une empathie apitoyée, une compassion larmoyante, c’est pas son truc. Faut que ça bouge un max, que le lecteur ne risque pas de s’endormir. C’est pas parce qu’il y a un macchabée qu’on doit pleurer sur son sort, quand même ! On le trimballe, on le balance au fond d’un puits, on le rattrape, on le découpe, on en perd un morceau. Et alors, où est le problème ? Pareil pour les vieux. S’agit pas de leur manquer de respect. Mais on rigole plus quand on va bouffer un plat dégueulasse dans un fast-food avec Mémé Cornemuse, que si on dîne dans un restaurant sélectionné en compagnie du gratin. Et puis, plutôt que de lire un Guide des traditions de Belgique, incluant sa cuisine, son vocabulaire et ses stars, c’est plus marrant quand c’est Nadine Monfils qui nous initie à la belgitude. Après “Elvis Cadillac, king from Charleroi”, voilà le 2e opus de la symphonie déjantée mise en musique par l’auteure. Il n’est pas trop tard pour faire connaissance. Un saltimbanque sans prétention, dont le seul souhait consiste à rendre hommage à Elvis Presley. Le gars bien sympa, confronté à quelques contrariétés, entouré d’énergumènes pas tristes. Juste histoire de nous faire rire, en somme. On va aussi évoquer "l’art brut", à travers un personnage forcément original. Quant à tout le reste de l’intrigue, faites confiance à Nadine Monfils pour vous divertir avec son tonus et sa fantaisie. Bonne lecture ! |
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