|
|
MICHAEL MENTION |
La Voix SecrèteAux éditions 10/18Visitez leur site |
565Lectures depuisLe mardi 18 Janvier 2017
|
Une lecture de |
En décembre 1835, la France est dirigée par Louis-Philippe, "roi des Français". Époque de grande instabilité politique, où les mouvements républicains sont réprimés par le pouvoir. Des attentats visent le monarque, dont celui commis par Fieschi le 28 juillet 1835. Grâce à ce climat malsain, l’escroquerie et le meurtre sont courants dans le pays. Pierre-François Lacenaire est le plus célèbre criminel de son temps. À l’occasion de son procès, il a cultivé sa propre médiatisation. Emprisonné à la Conciergerie, il rédige ses Mémoires et reçoit des visiteurs, en attendant son exécution. C’est un prisonnier privilégié, auquel on n’interdit ni les repas gastronomiques, ni d’adresser des lettres à l’extérieur. Parmi ses amis, se trouve Pierre Allard, policier de la Sûreté à Paris, âgé de quarante-cinq ans. L’inspecteur principal Louis Canler, trente-huit ans, exerce ses fonctions de manière bien plus stricte que son supérieur Allard. Témoin de l’attentat de Fieschi, qui continue à la perturber de longs mois plus tard, Canler fut un des enquêteurs qui arrêtèrent Lacenaire. Il ne cache pas sa détestation de ce criminel, jalousant la relation d’estime mutuelle entre lui et Allard. Les idéaux républicains de Lacenaire qui, sans remords, n’espère plus que “le suicide par la guillotine”, n’indiquent pour Canler que le cynisme du personnage. Dans ce contexte, plusieurs enfants sont assassinés selon un mode opératoire rappelant les crimes de Lacenaire. Qui n’a jamais éliminé d’enfants, lui. Ce sont d’abord la tête d’une fillette, puis le corps d’une autre gamine qui sont retrouvés, et placés à la morgue. Interrogé par les policiers Allard et Canler, Lacenaire suggère que “la Flotte”, une bande de malfaiteurs qui furent ses complices, peut être impliquée dans l’affaire. Canler procède à une vague d’arrestations chez ces bandits, mais ils disent probablement la vérité quand ils nient être concernés. Les autorités ont fait appel à la population pour tenter d’identifier les deux gamines tuées. Un garçonnet de sept ans est la troisième victime du tueur. Copieur de Lacenaire, ou un de ses admirateurs ? Les enquêteurs se posent la question. En plus de gros effectifs de police, Allard demande au préfet que Lacenaire contribue officieusement à les aider. Ce qui fait enrager son collègue Canler. Après observation détaillée des corps à la morgue, Lacenaire présente certains indices aux policiers… avant de s’échapper. Tandis que l’assassin, qui vient de tuer un quatrième enfant, adresse un courrier au journal républicain “le National”, Lacenaire fixe rendez-vous à Allard dans un cabaret. De son côté, son supérieur ayant été écarté, Canler mène les investigations à son gré. Il suit une piste indiquée par Lacenaire : un coup de filet aux Halles aboutit à l’interpellation d’un suspect, bientôt battu à mort. Néanmoins, un nom apparaît, qui pourrait être celui du tueur d’enfants. Il faut s’attendre à une arrestation mouvementée… (Extrait) “— Et il est le premier à donner un sens politique à des crimes d’ordinaire crapuleux. Il prétend expliquer les siens dans ses mémoires. — Expliquer… C’est la mode. À trop réfléchir le crime, on risque de le rendre acceptable. Allard acquiesce, partageant ses craintes. Tandis que la police est sans cesse critiquée, la criminalité est de plus en plus analysée, évaluée, banalisée par les phrénologues mais aussi par les bureaucrates. En premier lieu, le Compte général de l’administration de la justice criminelle avec ses statistiques annuelles. Et de la curiosité à la fascination, il n’y a qu’un pas que la presse a déjà franchi…” Sous le règne de Louis-Philippe, entre 1830 et 1848, la France est encore loin d’accéder à un régime républicain et démocratique. Tandis qu’une bourgeoisie fortunée a émergé et que le pays s’industrialise, l’essentiel de la population reste pauvre et inculte. Telle est la toile de fond de cette fiction, située durant les derniers jours de Pierre-François Lacenaire. Provocateur doté de charisme, assassin désinvolte, rebelle et mégalomane ? Ces diverses facettes se complètent chez lui, sûrement. On l’apprécie, comme le policier Allard, ou on le déteste, à l’image de son collègue Canler. Modifiés sous la pression des autorités, ses Mémoires ne donnent de lui qu’un portrait partiel. Quoi qu’il en soit, un pareil personnage ne peut qu’inspirer, donner envie de le faire "revivre". En quelques années d’écriture acharnée, Michael Mention s’est imposé parmi l’élite des auteurs actuels de romans noirs et de polars. Il le doit à son style narratif vif (rock’n’roll, dirait-il certainement) : on sent son envie de secouer le lecteur. La tonalité pétaradante de “La voix secrète” le démontre une fois de plus. Logique, puisque une évidente nervosité habite les protagonistes de l’époque, au niveau des autorités. Parvenir à nous immerger dans cette partie du 19e siècle, à nous faire adhérer à ces aventures, cela suffit à prouver le talent de Michael Mention. Il continue à explorer des sujets diversifiés, non sans retenir leur côté social, pour notre plus grand plaisir. |
Autres titres de |