planète vide de Clément MILIAN


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CLEMENT MILIAN

Planète Vide


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Le mercredi 1 Decembre 2016

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Clément MILIAN




Une lecture de
CLAUDE LE NOCHER

CLAUDE LE NOCHER  

Patrice Gbemba est un gamin noir à lunettes âgé de onze ans, bientôt douze. Veuve, sa mère l’élève seule, aussi bien qu’elle le peut. Avant la rentrée scolaire, elle lui a offert un très beau livre sur les étoiles, l’espace intersidéral. Ça inspire à Papa (c’est son surnom) des dessins très inventifs, en particulier sur les vaisseaux spatiaux. Mais, dans sa nouvelle école, le timide Papa ne trouve pas sa place. Bien que cherchant à se rendre invisible, il est aussitôt le souffre-douleur d’autres enfants. Il n’ose s’en plaindre auprès de sa mère, se dissimule autant qu’il peut dans un coin de l’établissement pour dessiner. C’est surtout le nommé Eyob et ses deux acolytes qui le menacent. Eyob a de qui tenir, car son frère aîné est un repris de justice surnommé le Caïd, qui dresse des chiens de combat.

Un soir, Papa est agressé par Eyob et ses sbires. C’est alors qu’intervient l’accident, dont Papa peut se considérer comme responsable. Il n’attend pas de vérifier si Eyob est mort. Il prend immédiatement la fuite, avec son sac contenant son seul trésor, le livre des étoiles. Papa est bien vite chassé d’un bâtiment vide où il comptait passer la nuit. Le lendemain matin, débute pour lui la grande aventure : Papa passe le Périphérique, entre dans Paris. Ce n’est pas tout de suite le décor exceptionnel qu’espérait ce gamin de banlieue. Et puis, il lui reste peu d’argent pour se nourrir. Quant à mendier, pas question pour lui. Certes, il est désormais libre de dessiner l’espace du futur, mais ce périple s’annonce déjà difficile. Face aux mauvaises rencontres, il lui faut perdre une part de sa naïveté.

-“Papa aimait la foule qui ne le voyait pas. Abandonné par le chef, les jambes lourdes, il n’osait pas quitter les lieux. Les murs de la gare étaient blancs. Ils étaient hauts et propres. Malgré le monde, l’endroit était presque silencieux. Un Père Noël en pause mangeait un sandwich sur un banc. Papa se trouva un coin qui n’était occupé par personne. Il se mit en boule afin de se réchauffer plus encore. Contre un mur, il cala sa tête. Ses yeux se fermaient. La morve coulait de son nez.”

Papa va croiser des jeunes et moins jeunes vivant dans la rue, y compris des clochards, sympathiques ou violents. Il traverse la ville, jusqu’à la Défense. Le site fascine Papa qui, cultivant son imaginaire, compare avec les sondes spatiales dont il est question dans son livre. Quelques ultimes pièces lui permettent de téléphoner à sa mère, de lui adresser un bref signe de vie. Toutefois, en décembre, l’extérieur est glacial, et Papa se sent de plus en plus fiévreux. Entre une étape réconfortante dans un club de Pigalle et un refuge dans un squat où il entouré de jeunes et de musiciens à l’allure bizarre, Papa a du mal à lutter contre son affaiblissement progressif. Même s’il se cramponne à son précieux livre…

(Extrait) “Sa bouche était sèche et son corps détraqué. Attiré par une lumière jaune, il se figea devant un panneau qui indiquait la température, l’heure et la date du jour. Papa fixait les lumières numériques. Il se souvint que son anniversaire était demain, trois jours avant Noël, et qu’il allait avoir douze ans. La pensée le rendait tout chose. Combien de jours encore avant de tomber de fatigue, mourir malade ou affamé ? Il avait mal au ventre. Il avait mal aux os. Son dos tirait. Il tremblait comme un vieillard, se voyant mourir seul dans une flaque, les lèvres desséchées. De penser à la mort le renforçait pourtant, il en devenait presque immortel.”

Pour l’amateur de polars, le sujet fera penser à “Paolo Solo”, roman-jeunesse du regretté Thierry Jonquet, même si le présent personnage n’est pas pourchassé. En réalité, “Planète vide” pourrait correspondre à diverses catégories littéraires, mais trouve toute sa place dans la Série Noire. Ce conte sur l’errance d’un jeune fugueur dans Paris se présente sous forme de séquences. Enchaînement de scènes assez courtes, avec des gros plans ainsi que des images plus élargies montrant l’environnement (la Défense, le métro, le parvis de Notre-Dame...), telles les images d’un film qui suivrait à la trace le gamin.

À onze ans passés, on espère que les mômes actuels possèdent encore une capacité à s’isoler du monde pour créer leur univers personnel, aussi fictif soit-il. Du moins est-ce le cas du petit Patrice, rejeté par la bêtise d’autres élèves. Dès l’enfance et tout au long de notre vie, ne sommes-nous pas confrontés à ces cadors prétentieux et agressifs ? Patrice se réfugie dans les étoiles, à sa manière. Ses tribulations au hasard des rues parisiennes ne répondent pas à une quête initiatique (il a fui par obligation). Une épreuve, expérience qui l’aidera à mûrir, sûrement. Un jeune héros attachant, un bon suspense avec son lot de péripéties, c’est donc un roman à découvrir.

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