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HORACE MAC COY |
On Achève Bien Les ChevauxAux éditions FOLIOVisitez leur site |
935Lectures depuisLe jeudi 29 Juillet 2016
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Une lecture de |
En 1935, Robert Syberten espère devenir metteur en scène pour le cinéma hollywoodien. Venu de l’Arkansas, il ne connaît personne dans ces sphères. Par hasard, Robert rencontre Gloria Bettie, originaire du Texas. Voilà un an que cette figurante tente sa chance, mais “elle était trop blonde et trop petite, et avait l’air trop âgée. Bien habillée, elle aurait pu attrayante ; mais même alors, je n’aurais pas dit qu’elle était jolie” pense Robert. Gloria a tendance à être cafardeuse, suicidaire. Ils s’inscrivent en couple à un "marathon de danse" où les gagnants recevront un prix de mille dollars. Ça se passe sur la jetée-promenade de Santa Monica, dans une grande bâtisse sur pilotis, qui était autrefois un dancing populaire. On y a aménagé une piste de deux cent pieds de long sur trente de large, avec des loges autour pour le public et une estrade pour assurer l’animation. Gloria et Robert forment le couple n°22, parmi les amateurs et les professionnels qui sont venus concourir. C’est leur capacité d’endurance qui départagera les candidats en couples. En particulier quand les organisateurs auront l’idée de "derbys", courses où ils tournent en rond sur la piste. Les derniers seront à chaque fois éliminés. C’est parti pour des centaines d’heures de danse, en continu, même s’ils marchent en cadence plutôt que de danser. On a prévu des courts moments de repos, et un personnel médical en cas de soins à donner. Il se produit des frictions entre Gloria et un autre couple, la partenaire étant enceinte et n’ayant pas sa place ici. On verra également l’arrestation d’un des concurrents, repris de justice meurtrier, et la disqualification d’une jeune participante mineure. Ces incidents sont autant de bonne publicité pour le "marathon de danse". Robert et Gloria ont une admiratrice sexagénaire dans le public : Madame Layden. Elle les encourage quotidiennement. Elle parvient même à leur trouver un sponsor, une marque de bière, pour un petit coup de pouce. Madame Layden aura son heure de gloire, lorsque l’animateur la présentera au public. Au fil des heures, des jours, la fatigue s’accumule. Robert a parfois des crampes, Gloria fait des malaises. Les autres vont-ils mieux ? À bout de nerfs, l’un d’eux sort un couteau et menace les organisateurs. Un peu plus de spectacle avec une cérémonie de mariage dans le cadre du "marathon" ? Gloria s’y refuse, bien que ce soit doté d’une prime. Des dames représentant une ligue de moralité interviennent, en exigeant l’arrêt de cet évènement. Gloria n’hésite pas à leur jeter à la face l’hypocrisie de leur action. L’affaire est médiatisée, encore de la publicité pour ce "marathon de danse". Pourtant, l’épisode va se terminer tragiquement. D’abord, parce que des coups de feu sont échangés au bar de la salle de spectacle, causant une victime. Surtout, parce que Robert va se retrouver devant le tribunal, pour un procès où il risque la condamnation à mort. En a-t-il pris son parti ? Peut-être que Gloria avait raison, qu’il ne pouvait y avoir de meilleur dénouement. Qui peut comprendre le geste de Robert ?… Publié en 1935, “On achève bien les chevaux” est le premier roman d’Horace Mac Coy (1897-1955). Ce livre a connu un regain de notoriété à partir de 1969, ayant été adapté au cinéma par Sydney Pollack, avec Jane Fonda, Susannah York, Michael Sarrazin, Bonnie Bedelia. Bien que se déroulant à l’époque de la Grande Dépression des années 1930 aux États-Unis, il s’agit d’une histoire intemporelle. Ne voit-on pas l’équivalent télévisuel de nos jours, avec des jeunes gens et de jolies filles, artistes cherchant à se distinguer dans des castings et autres programmes de télé-réalité ? Du spectacle, et l’espoir de gagner le pactole (Mille dollars 1935 équivaudraient à plus de quinze mille dollars actuels). On peut encore citer les équipes d’animation des talk-shows, interchangeables, souvent dénués de talent ou de compétence. Notoriété et fric, la motivation ne change guère. La puissance de ce roman d’Horace Mac Coy ne vient pas de son suspense, puisque le sort de Robert nous est connu. Le premier atout, c’est l’ambiance de ce "marathon" : “L’arbitre donna un coup de sifflet et tous les spectateurs surexcités se levèrent comme un seul homme. Les clients d’un marathon de danse n’ont pas besoin d’être préparés aux émotions fortes. Dès qu’il arrive n’importe quoi, ils s’échauffent d’un seul coup. Sous ce rapport, un marathon de danse ressemble à une course de taureau.” À l’intérieur du microcosme des danseurs, s’il y a de la tension, ce n’est pas la rivalité qui domine, mais le sentiment qu’ils ne doivent "rien lâcher". Tenir, malgré la douleur ou les incidents. Rester en lice, peu importe si le show est médiocre, si tout cela est ridiculement tapageur. L’autre atout principal, c’est évidemment le couple n°22, Gloria et Robert. Dépressive, elle a déjà compris qu’Hollywood ne lui ouvrirait jamais ses portes, qu’elle aurait mieux fait de réussir sa tentative de suicide au Texas. Robert, lui, se contenterait de réaliser un court-métrage s’ils gagnaient. Pour prouver qu’il a une âme de cinéaste ? Il essaie de calmer sa compagne dans ses moments d’énervement. Des passages savoureux, tel celui où Gloria réplique face aux dames de la ligue de moralité : “Toutes vos ligues de vertu, de morale et tous vos foutus clubs féminins… pleins de vieilles fouineuses et de punaises de sacristie qui n’ont pas rigolé depuis vingt ans et qui piquent une jaunisse quand elles voient que les autres se paient un peu de bon temps… Pourquoi les vieilles peaux comme vous ne s’arrangent-elles pas pour se soulager de temps en temps ?” Des losers, des oubliés de la réussite, des perdants ? Sans doute, oui. Mais les portraits nuancés montrent qu’il sont des êtres humains, pas moins respectables que la moyenne. Un grand roman noir. |
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