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QUENTIN MOURON |
L'âge De L'héroïneAux éditions LA GRANDE OURSEVisitez leur site |
619Lectures depuisLe jeudi 22 Juillet 2016
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Une lecture de |
Franck est un éternel dilettante, un dandy blasé. Après l'excitation des folles soirées new-yorkaises de sa jeunesse, son goût pour l'aventure l'amena à devenir détective privé. Son agence fonctionne toujours, mais Franck a cherché d'autres plaisirs dans la bibliophilie. Traquer l'ouvrage rarissime, dénicher le livre introuvable à travers le monde, ça titille son adrénaline. À Berlin, où Franck est de passage, la vieille libraire Mlle Schultz a été victime d'un meurtre, au milieu de ses livres pour collectionneurs fortunés. Une décapitation, drôle de mise en scène. Certains de ses amis décadents de jadis en eussent été capables, selon Franck. Ça mériterait qu'il enquête sur eux. Puisque le tueur, au profil de terroriste radical converti a été rapidement arrêté, inutile qu'il active ses neurones de limier. Le biker Brad Medley a engagé Franck pour qu'il retrouve un lot d'héroïne détourné avant livraison. Ce qui représente un paquet de fric, c'est sûr. Une piste mène le détective dans le désert du Nevada, à Tonopah. Une bourgade paumée qui cultive le mythe du Far-West pour les touristes. Un de ces endroits où échouent des héros éclopés comme Keith, ou des marginaux dans le genre de Ray. C'est au restaurant façon saloon de Tonopah que Franck entre en contact avec la jeune serveuse Leah. Par ailleurs, elle est un peu pute, mais c'est une sélective de la pipe. Beauté fascinante, certes. Qui jette un regard froid sur tout ce qui l'entoure, et garde un flingue à portée de main. Leah est impliquée dans le trafic de drogue, elle l'admet. Pas concernée, la disparition du lot la laisse indifférente, dit-elle. Par contre, Leah et son parrain Ray ont de sérieux et anciens griefs contre Brad Medley. Prévenu par sa filleule, Ray se retranche dans son chalet, à Devil's Creek. Un repaire où il pense piéger le détective. Il ignore que Franck est bien plus futé que ne l'indique son air de citadin venu de la côte Est. Reste à savoir si un minable tel que Ray était en mesure de s'emparer d'un lot d'héroïne. Appât du gain, motivation haineuse ? Sur un malentendu, une erreur ou un gros coup de chance, peut-être ? Et Leah, depuis toujours traumatisée par un destin morbide, aussi belle que fantomatique et fragile, quel est son rôle exact la-dedans ? Quel est son avenir, surtout ? Franck n'a heureusement pas la vaine prétention de changer le cours des choses… Amateurs de polars "classiques", de romans noirs ou de thrillers, il est possible que vous soyez imperméables au style de Quentin Mouron. Si la plupart des auteurs misent sur une intrigue mystérieuse ou spectaculaire, ce n'est pas le cas ici. Ça ne signifie pas qu'il n'y ait aucun ressort énigmatique, nulle péripétie : entre un trafic de drogue ayant mal tourné et des rancœurs supposant une vengeance, on respecte les bases du polar. L'histoire est ponctuée d'un bon nombre de clichés relatifs à l'Amérique : petites villes sans intérêt au milieu du désert qui cherchent quand même à attirer les touristes, ancien combattant infirme qui vivote dans sa caravane. Sans oublier les pick-up, véhicules indispensables, et l'inévitable jolie fille serveuse de restau. L'ambiance correspond effectivement aux critères du bon petit polar dans le décor des États-Unis. Néanmoins, le véritable moteur de l'histoire, c'est le singulier Franck. Un homme hors du temps, ne dédaignant ni l'alcool ni une ligne de coke de temps à autre. Débauché lyrique si les circonstances s'y prêtent, malin et lucide quand cela s'avère nécessaire. La banalité, voilà ce qu'il redoute le plus : on n'a pas le droit de se contenter d'une vie ordinaire, selon Franck. Peut-il comprendre Leah ? “Face à une adolescente extatique, violente, irréelle ; face à une adolescente qui se réclame de l'esprit tragique, Franck achoppe fatalement… Une femme comme elle se baigne dans le sang ou se noie dans les larmes…” La tonalité est aussi fiévreuse que l'inverse, exprimant une "distance" par rapport aux réalités : il suffit d'y adhérer pour apprécier ce roman différent. |