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THOMAS MORALES |
Madame Est Servie !Aux éditions DU ROCHERVisitez leur site |
533Lectures depuisLe mercredi 10 Mars 2016
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Une lecture de |
Homme mûr, Joss Beaumont fut journaliste gastronomique, avant d'exercer désormais le métier de détective privé : “Ce n'est pas tous les jours qu'on rencontre un disciple de Nestor Burma” dit-on à son sujet. Sans doute mène-t-il ses investigations "à l'ancienne", même si dans son vieux break Volvo des années soixante-dix, il n'enquête pas seulement dans Paris. Joss Beaumont a pour petite amie Marie, une avocate de quinze ans plus jeune que lui. Son expérience de vie le fait hésiter à s'engager, au-delà de leurs rencontres dans des hôtels confortables. Samira est l'assistante du détective, une Berbère au caractère affirmé, et d'une naturelle efficacité : “Elle avait le contact immédiat, pas celui mécanique et poussif du vendeur, celui empreint d'une chaleur non feinte, d'un orientalisme communicatif. Samira est un personnage haut en couleur.” Son ami le commissaire Fernand Tabourin avertit Joss qu'une de ses clientes vient d'être brutalement assassinée. Âgée de vingt-deux ans, Audrey Croisic était un des espoirs de la télévision, ayant déjà joué dans des téléfilms populaires. Fille de parents aisés vivant dans la région brestoise, Audrey avait certes débuté en posant pour des clichés pornos. Mais le photographe pro qui s'en chargea n'est pas suspect, ayant d'autres chats à fouetter que la mort de cette actrice. Son ami journaliste François Merlin donne au détective quelques détails supplémentaires sur Audrey, peut-être une piste à suivre. Joss se déplace jusqu'en Bretagne pour les obsèques de la victime. Dans leur manoir, il fait la connaissance de ses parents : le père a l'air d'un gentleman british, la mère est une séduisante quinqua. Ils souhaitent que le détective poursuive son enquête. L'actrice Caroline Lombard est actuellement en tournage à Rome. Joss Beaumont se rend en Italie afin de l'interroger. Il arrive trop tard, car la quadragénaire est décédée. Revenu à Paris, le détective doit faire un détour par Brest. C'est l'occasion de rencontrer un jeune homme amoureux d'Audrey, qui lui fait d'importantes révélations la concernant. Joss doit explorer d'autres pistes : l'acteur mégalo Jean Tuffot lui en apprend moins que Marylin Godard, comédienne lucide sur ce métier, habitant Sancerre. Il est possible qu'elle ne dise pas tout à l'enquêteur, finalement. Ses recherches le mènent ensuite à Étretat, du côté de chez Arsène Lupin. Il peut toujours demander au technicien de téléfilms s'il a assassiné Audrey, mais ça relève de l'impossibilité totale. Après un week-end en amoureux à Biarritz avec Marie, les faits pourraient bientôt s'accélérer. Du moins, s'il s'agit bien du coupable… Il n'y a absolument aucun doute : Joss Beaumont revendique de s'inscrire dans la lignée du détective Nestor Burma, célèbre héros créé par Léo Malet (1909-1996). Affichant une certaine nostalgie, et un dilettantisme trompeur, l'enquêteur privé doit suivre un parcours sinueux pour éclaircir l'affaire en cours, telle est la règle. À vrai dire, le dénouement n'a bien souvent qu'une importance relative : suivre les pas du détective, rencontrer avec lui des protagonistes plus ou moins soupçonnables, écouter les témoignages de chacun, voilà ce qui fait le charme de ces investigations. Une petite dose de vie personnelle ne peut pas nuire, entre la jeune amante avocate de Joss Beaumont, et le goût de celui-ci pour les dégustations gastronomiques. La Bretagne est ici présentée de façon "impressionniste", citadine mais nuancée : “Il avait plu sans débander. Le taux de suicide record, l'alcoolisme atavique et la morosité ambiante s'expliquaient par ce climat chafouin qui rejetait les étrangers et minait le moral des autochtones. Quand, par chance, au bout d'efforts incommensurables, vous vous retrouviez nez à nez avec l'océan, vous oubliiez les galères du trajet. Les vagues se fracassaient avec entrain sur les rochers, l'écume moussait abondamment, les mouettes criaient leur désespoir et de valeureux pécheurs sur des embarcations de fortune jouaient leur vie pour ramener quelques kilos de poissons. La Bretagne se méritait.” On l'aura bien compris : les ambiances importent autant sinon davantage dans cette histoire que le strict mystère. Un roman fort plaisant, et un personnage de "privé" très sympathique. |